Dans ce nouvel article de mon podcast sur l’alimentation, « La pleine conscience du pouvoir », je vous propose de faire la connaissance de Lou. Iel vit au Canada et m’a contactée il y a quelques mois, pour spontanément me proposer de partager son expérience. Le podcast « La pleine conscience du pouvoir » a été pour lui une grande aide dans son processus pour sortir des troubles alimentaires, notamment de l’anorexie. À son tour, il a souhaité y apporter une nouvelle pierre. Ensemble, nous allons aborder les liens vécus par Lou entre le trouble alimentaire, l’autisme, sa non binarité et sa transidentité. Cela passe, bien sûr, par sa propre histoire, mais aussi par :
- sa compréhension des liens entre des besoins courants dans le spectre de l’autisme et les règles rigides des TCA ;
- la dysphorie de genre et le rapport à soi ;
- l’incompréhension que subissent ou traversent souvent les personnes de la communauté LGBTQIA+ ;
- ou encore un lien possible entre personnalité queer et autisme.
La personnalité et le trouble alimentaire de Lou
Quand on propose un témoignage, il est indispensable de poser un minimum le cadre. J’aime commencer par accorder un temps pour présenter la personne qui témoigne, pour qu’elle puisse raconter d’où elle vient. Dans le cas de Lou, c’est d’autant plus important. Plusieurs aspects de sa personnalité (autisme, queer) sont encore aujourd’hui mal connus.
« Je suis une personne queer […]. Personnellement, je me définis comme, premièrement, une personne pansexuelle, c’est-à-dire que je suis une personne qui est attirée par les gens, et non pas par les personnes d’un genre en particulier. C’est vraiment la personnalité des gens qui m’attire. Puis, je me définis aussi comme quelqu’un de trans. Mon identité de genre est fluide et puis elle est non-conforme. […] Dans les dernières années, j’ai compris et puis je me suis vraiment beaucoup renseigné·e sur ce sujet-là : j’ai compris que je suis une personne sur le spectre de l’autisme. »
L’autisme autant que sa transidentité ont un lien avec les troubles alimentaires qu’iel a traversés. Nous en parlons plus en détail dans les paragraphes suivants… Mais, bien sûr, Lou ne se définit pas qu’à travers ces 2 caractéristiques !
« Pour me décrire, je suis quelqu’un qui aime les arts, qui aime la nature, qui aime beaucoup penser et puis j’essaie d’être un ex-perfectionniste. […] Je cherche beaucoup à être le plus instinctif. »
Comme toutes les personnes qui témoignent au sujet de leur TCA (trouble du comportement alimentaire), Lou nous a parlé du déroulé des événements.
« J’ai eu un premier épisode d’anorexie, […] qui a nécessité une hospitalisation quand j’avais 14 ans. Par la suite, j’ai eu une autre hospitalisation, je pense, l’année d’après. Puis […] j’ai repris du poids, mais j’avais un rapport à mon corps qui n’était vraiment pas chouette, et puis à l’alimentation qui était très troublé, mais je pense que j’étais plus fonctionnel. Puis, c’est à l’âge adulte […] que ça s’est vraiment réinstallé dans ma vie de façon plus handicapante. »
Comme beaucoup de personnes, iel n’a pas traversé que de l’anorexie… Je vous encourage à écouter l’épisode pour en savoir plus.
Par ailleurs, si sa transidentité est un sujet qui s’est étiré dans le temps, cela ne fait qu’environ 2 ans qu’iel a compris qu’iel fait partie du spectre autistique. Dans ce témoignage, il nous raconte comment iel a progressivement appris à comprendre l’implication de chacun des aspects de sa personnalité dans son trouble alimentaire.
Trouble alimentaire et autisme
Sentiment de rejet et d’incompréhension
« Dans l’enfance, je me suis toujours senti·e différent des autres dans mes besoins et, dans ma socialisation. Je ne comprenais pas trop comment échanger avec les autres enfants. J’avais des amis quand même, mais j’ai quand même senti beaucoup d’intimidation, de rejet et puis toujours la sensation d’être non respecté dans mes besoins particuliers, que je n’arrivais pas à identifier. Ça, c’est sûr que ça a joué un rôle sur la confiance en soi, la santé mentale… »
Besoin de règles et de routines
Les enfants ont, de base, une compréhension des choses assez « noir ou blanc », « bien ou mal ». Sa personnalité autistique a accentué ça et, au fil des années, Lou a internalisé beaucoup de règles, notamment sur ce qui est sain ou non, ce qu’il est bien de faire ou non pour son repas. Cumulé au besoin d’habitude, de routine, souvent présent dans le spectre autistique, iel s’est retrouvé à vivre son rapport à la nourriture d’une façon rigide. Or, la rigidité est très souvent en lien direct avec les TCA…
Ce n’est qu’un point parmi d’autres, mais rien qu’avec cela, on peut déceler un lien assez clair entre trouble alimentaire et autisme.
Stress lié aux relations sociales et besoin de contrôle
« Au niveau des règles sociales et puis du monde dans lequel on vit, je me sens vraiment perdu. Je ne comprends pas comment faire pour être moi-même dans ce monde et puis comment fonctionner là-dedans. Ce que je réalise, c’est que, dans le trouble alimentaire, c’est presque comme un monde imaginaire où je comprends tout comment ça marche, et puis je me sens en sécurité. »
On retrouve ici le besoin de réconfort, le côté rassurant des routines, souvent présent en cas de trouble alimentaire et/ou d’autisme, que ce soit pour affronter :
- des émotions ;
- des difficultés inhérentes aux relations sociales ;
- un stress lié à un repas qui n’est pas « comme d’habitude », « comme il faut »… ;
- une difficulté avec son image corporelle, son identité, etc.
Sensibilité accrue
Une personnalité autiste, comme Lou, éprouve facilement da la difficulté face au changement, ainsi qu’une grande sensibilité. Cela aussi, peut jouer un rôle dans la survenue d’un trouble alimentaire.
« J’ai développé, dans les dernières années, de la difficulté avec mon fonctionnement quotidien. De ça a découlé comme des difficultés à cuisiner dans la bienveillance et puis la pleine conscience. Et puis une hypersensibilité à plusieurs stimuli en lien avec la cuisine. C’est quelque chose qui est souvent présent pour les personnes autistes. »
Liens entre la communauté LGBTQIA et les TCA (troubles du comportement alimentaire)
Si, durant notre échange, Lou et moi avons beaucoup discuté sur le lien entre trouble alimentaire et autisme, nous avons aussi parlé des TCA dans la communauté LGBTQIA.
Durant plusieurs années, Lou a souffert de dysphorie de genre.
« La dysphorie de genre, c’est quand la façon dont nous, on se voit et dont les autres nous perçoivent ne correspondent pas avec notre genre ressenti. […] Pour moi, ma dysphorie de genre était beaucoup au niveau de mon corps et puis au niveau de ma voix aussi, à certains moments. »
Cela peut s’exprimer de différentes façons selon les personnes mais, quoiqu’il en soit, on voit bien qu’il s’agit d’une problématique liée à l’image de soi. Or, une image de soi floue, conflictuelle, troublée d’une façon ou d’une autre est très souvent en lien avec un TCA.
Dans la communauté LGBTQIA, ce genre de problématique peut, hélas, très facilement se rencontrer, que ce soit en raison :
- d’une sexualité et/ou d’une identité floues, compliquées à comprendre et/ou à assumer ;
- d’un entourage qui ne comprend pas forcément, voire renvoie une image délétère (même si ce n’est pas forcément volontaire !) ;
- de phobies internalisées (homophobie, transphobie, etc.)…
Dans son témoignage, Lou illustre très bien le fait que les personnes LGBTQIA sont souvent exposées à une sensation d’être incomprises. Cela peut augmenter un certain mal-être, un certain isolement, et donc, renforcer un trouble des conduites alimentaires.
C’est également une communauté qui a beaucoup de modèles minces, notamment dans la communauté gay… alors que ce sont des personnes qui ne sont déjà pas bien avec elles-mêmes, pour beaucoup d’entre elles.
Enfin, Lou a expliqué qu’en fait, il y a pas mal de personnes autistes parmi les queer. On retombe alors sur les problématiques expliquées plus haut. 😉
« Je pense que, peut-être, les personnes autistes, comme on ne comprend pas trop les règles sociales, c’est plus naturel de se questionner sur son identité de genre et puis de sentir que… hé bien non, en fait, je ne suis pas une fille, je ne suis pas un gars, je ne comprends pas ces catégories-là… »
*
J’espère que cet article sur les liens possibles entre trouble alimentaire, autisme et communauté LGBTQIA vous aura éclairé. Si le sujet vous intéresse, si vous ressentez le besoin d’aller plus loin, que ce soit pour vous-même ou pour un·e proche, je vous propose de :
- écouter l’épisode en entier, car il est très riche ;
- contacter Lou, si vous le souhaitez, via son compte Instagram.
Nous vous conseillons aussi :
- Le compte Instagram et le podcast Liv Label Free de Livia Sarah, cités dans l’épisode
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