L’addiction au sport et le témoignage d’un homme sur les troubles alimentaires sont au cœur de cet article et de cet épisode de podcast. Souvent perçue par l’entourage comme un zèle bénéfique pour la santé, l’addiction au sport est pourtant une spirale destructrice qui peut toucher profondément le corps et l’esprit. À travers le témoignage de Julien, cet article explore comment une reprise sportive motivée par le bien-être a progressivement dérivé en bigorexie. Ce trouble méconnu est, comme ici, souvent mêlé à l’anorexie (ou autre TCA). L’activité physique devient une obsession et, dans son cas, une compensation alimentaire. Julien nous raconte son parcours, de la première course innocente jusqu’à l’installation insidieuse de l’anorexie mentale et de comportements restrictifs. Entre blessures physiques, isolement social et perte de plaisir, son histoire met en lumière les impacts multiples de ce trouble sur la santé et sur les relations. Nous aborderons également les prises de conscience essentielles qui l’ont mené à amorcer un chemin de guérison grâce à la psychothérapie et au soutien de ses proches.
Comment l’addiction au sport s’est installée : un engrenage insidieux
L’histoire de Julien commence à l’été 2021, une période marquée par un retour au sport après les confinements. Comme beaucoup d’entre nous, il avait pris quelques kilos, une conséquence naturelle d’une vie plus sédentaire. Un soir, des amis lui parlent du semi-marathon de Paris. Inspiré, il décide de se remettre à courir – à défaut de s’inscrire avec ses amis. Cette reprise, pourtant positive en apparence, marque les premières étapes d’un processus insidieux.
Julien raconte : « Je me mets à courir, et puis je vois que ça me plaît quand même, mais je souffre pas mal. Mais vu que je suis quelqu’un de noir ou blanc… c’est-à-dire que quand je me mets dans quelque chose, c’est à fond. ». Le sport devient vite une activité quotidienne, soutenue par des compliments extérieurs qui renforcent son investissement : « Les gens me disent : « C’est génial ce que tu fais, ça se voit physiquement ». » Cependant, derrière ces encouragements, une spirale de contrôle et de restriction commence à se mettre en place.
La surveillance de son poids devient obsessionnelle. Julien raconte qu’il se pèse « matin et soir » et qu’il commence à éviter certains aliments. Au début, il remplace simplement ses goûters par des options qu’il considère « plus saines ». Mais rapidement, une pensée s’impose : « Si je prends ce verre, ça va tout gâcher. ». Ce type de réflexion devient récurrent, au point d’entraîner une double dynamique dangereuse : « augmentation du sport et réduction de ce que je mangeais ». Ainsi, la pratique sportive, initialement motivée par le bien-être, s’enracine dans un besoin de compenser les moindres « écarts » alimentaires.
L’analyse que Julien partage avec nous dans cet épisode est très fine. Au sujet de son anorexie tout comme de son addiction au sport, son témoignage démontre brillamment à quel point ces troubles peuvent s’installer de façon lente, très discrète et insidieuse.
De plus, son récit met en valeur la place de la grossophobie et de la culture des régimes de notre société. De même, l’histoire de Julien montre bien que les discours actuels sur la santé, et notamment sur le lien entre celle-ci et le poids, peuvent facilement avoir des répercussions négatives et néfastes.
Bigorexie et TCA : le sport comme moyen de compensation
L’histoire de Julien illustre parfaitement la manière dont le sport peut dévier de sa fonction initiale pour devenir une forme de compensation alimentaire. Très vite, les objectifs de santé et de plaisir sont remplacés par une nécessité compulsive de rééquilibrer une balance imaginaire. Julien se rappelle : « Si j’allais boire ce verre, le lendemain j’en ferais plus pour compenser. ».
Le sport n’est plus un choix, mais une obligation. Il évoque un épisode marquant, lors d’un week-end festif avec des amis : « La veille de partir, je vais courir vraiment beaucoup, peut-être plus de 15 km. Et le lendemain, c’est la première fois que je vais jeûner. Je dis aux autres que je n’ai pas faim. ». Cette première expérience de jeûne, accompagnée d’une activité sportive excessive, reflète l’installation progressive mais solide d’une dynamique destructrice.
Julien exprime un sentiment ambivalent face à cette intensification de son rapport au sport : « Ce bien-être que je ressentais en courant, en jeûnant, c’était grisant. On se sent puissant, en fait. On se dit qu’on est capable de jeûner, qu’on n’a pas besoin de manger. ». Cependant, cette sensation de puissance masque une fragilité grandissante : « Plus je cours, plus je me prive, et plus je m’éloigne de mes proches. ».
Ce sentiment de puissance, de confiance en soi factice galvaudée par un sentiment de contrôle se retrouve dans beaucoup des témoignages de « La pleine conscience du pouvoir ». C’est un élément courant dans les troubles des conduites alimentaires et de l’image corporelle. Il y a souvent un temps de latence entre l’installation de ce qu’on croit être une solution et le début des effets négatifs sur les différents aspects de notre santé.

L’anorexie d’un homme : témoignage sur les impacts sur la santé et l’entourage
Les conséquences de cette addiction au sport sont multiples, touchant à la fois le corps, l’esprit et les relations sociales. Physiquement, Julien subit une perte de poids rapide et drastique : « J’étais à 80 kg, et je suis descendu à 55 kg en moins d’un an. » Cette perte de poids s’accompagne de blessures récurrentes dues au cumul d’une sur-sollicitation et d’un déficit calorique : « Je me blesse plus facilement, je sens que mon corps est très fragile. ».
Socialement, Julien s’isole de plus en plus. Il limite ses interactions avec ses amis et réduit drastiquement les sorties sociales, prétextant des « entraînements pour le semi-marathon ». Là encore, le phénomène est progressif. Cela diminue la possibilité de se rendre compte de ce qu’il se passe vraiment, tant pour Julien lui-même que pour ses proches.
Au sein de son couple, les tensions commencent à apparaître, puis à grandir. Sur ce point, ce sont les vacances d’été qui ont été un déclencheur. « Elle culpabilisait de prendre des choses quand moi je les refusais. On se disputait beaucoup. ». Même en vacances, Julien avait besoin de se lever très tôt pour courir et de surveiller ce qu’il mangeait. De nombreux plaisirs et bons moments que le couple aurait pu partager durant ces quelques semaines n’ont donc pas eu lieu cette année-là, créant de la tristesse et de l’inquiétude chez sa copine. Une confrontation brutale avec ses beaux-parents, inquiets de son état, agit comme un électrochoc : « Ils m’ont dit : « Tu vas finir à l’hôpital, tu vas mourir. ». Ça m’a fait mal, mais ça m’a aussi fait réfléchir. ».
Émotionnellement, Julien confie avoir perdu le plaisir des choses simples : « Les TCA m’ont retiré beaucoup de joie. J’étais éteint. Plus rien ne me rendait joyeux, à part le sport. ». Cette perte de connexion avec ses propres émotions est l’un des aspects les plus marquants de son témoignage. Le sport, son alimentation et son poids prenaient tout son espace mental. « Même au sport, vu que le sport amène de la dopamine, c’est ça qui me rendait joyeux, mais le reste à côté ne me rendait plus joyeux. J’étais éteint, je faisais un peu de guitare, je n’en faisais plus du tout. ».
Au sujet de son addiction au sport, le témoignage de Julien finit d’ailleurs par souligner le fait qu’au bout d’un moment, même le plaisir du sport avait disparu. La nécessité, l’addiction à proprement parler a fini par prendre toute la place.
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Addiction au sport : témoignage de la prise de conscience de Julien
La prise de conscience de Julien commence en octobre 2022, grâce à sa compagne et à ses recherches sur les troubles des conduites alimentaires. Il explique : « C’est elle qui a cherché, elle m’a transmis des articles et je me suis dit : « Ça me ressemble quand même. ». » Cependant, comme il le souligne, « l’admettre, c’est une étape, mais faire quelque chose pour changer, c’en est une autre. ».
Julien entame une psychothérapie avec une psychologue spécialisée dans les TCA. Ce travail l’amène à explorer les racines de son trouble, notamment une relation ambivalente avec l’alimentation depuis l’enfance : « Quand j’étais enfant, la nourriture était ma seule liberté. ». Il consulte également une nutritionniste, bien qu’il se concentre d’abord sur le travail psychologique. Ces étapes marquent le début d’un cheminement vers la guérison, bien qu’il admette que « le processus est long et semé d’embûches ».
Outre l’addiction au sport, le témoignage de Julien parle aussi de son anorexie. Lorsque notre échange se porte sur sa guérison, il met en lumière :
- le fait que, même si le nom de ce trouble est aujourd’hui connu, sa réalité l’est encore très peu ;
- le soutien qu’il a reçu de la part de sa copine, mais aussi de ses amis et de sa famille.
Certes, ce soutien a parfois pris des formes un peu maladroites : « Je revois des repas après […], où mon père dit : « non, t’inquiète pas, je sais que t’es au régime ». Non, je ne suis pas au régime. Mais bon […], je sais qu’il a lu les articles, qu’il a écouté ce que je lui ai envoyé, qu’il m’a quand même écouté, donc ils sont quand même là ». Globalement, il a été entendu. Ses proches ont été compréhensifs et lui ont laissé du temps. Son témoignage, comme d’autres dans le podcast, démontre bien l’importance de l’entourage pour les personnes souffrant de troubles des conduites alimentaires.
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Un chemin de guérison encore en cours pour sortir de ce trouble alimentaire
Malgré les défis, Julien note des progrès significatifs. Par exemple, il a réduit l’utilisation de la balance grâce au soutien de sa compagne : « Elle a caché la balance. Ça m’a aidé à briser une partie du cercle vicieux. ». Il commence aussi à réintroduire des repas équilibrés et à réduire la pression qu’il s’imposait avec le sport.
Julien partage son objectif pour l’avenir : « Je veux que le sport redevienne un plaisir, pas une contrainte. Aujourd’hui, j’arrive à courir en me disant : waouh, ça fait du bien. ». Enfin, il encourage les autres à parler de leurs difficultés, soulignant l’importance du partage pour amorcer une reconstruction personnelle : « Peu importe le genre ou les apparences. C’est en parlant qu’on peut avancer. ».
Comme bien d’autres personnes avant lui, souffrant de troubles tels qu’anorexie et/ou addiction au sport, le témoignage de Julien met en lumière le fait que ces troubles sont avant tout une question de rapport à soi. À plusieurs reprises, il évoque sans détour son manque de confiance en lui et sa difficulté à se forger une opinion qui lui est propre. Au-delà de l’évolution de son rapport à son poids, à son alimentation et au sport, c’est aussi sa confiance en lui qui progresse petit à petit, au fur et à mesure de cette guérison.
« Surtout que moi, j’ai très peu confiance en moi. Le temps fait que je prends confiance en moi, mais physiquement, ça m’a aidé aussi à prendre confiance en moi parce que je n’avais pas du tout confiance en moi physiquement. »
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Que vous souffriez ou non d’addiction au sport, j’espère que ce témoignage vous aura apporté un regard concret et réaliste sur la bigorexie, ainsi que sur l’anorexie mentale.
Comme vous avez pu le constater au travers des mots de Julien, un retour à soi est indispensable pour sortir de ce type de trouble. La psychothérapie est un élément permettant d’avancer sur ce chemin. Si vous sentez qu’il y a là quelque chose dont vous aussi avez besoin, je vous propose de découvrir mon approche.