Lorsqu’il m’a contactée, Michael avait à cœur de partager à son tour l’expérience de son TCA vécu par un homme. Il était également très important pour lui de parler de la difficulté à se rendre compte que son comportement était bel et bien un trouble du comportement alimentaire (TCA). En prendre conscience a été, pour lui, une première grande étape vers la guérison. Dans notre société, la performance, en particulier sportive, est hyper valorisée. Le contrôle de l’alimentation et du poids, en lien avec ces performances, est totalement normal, voir même jugée indispensable. Dans ce contexte, il est extrêmement compliqué de s’apercevoir qu’un glissement vers un trouble des conduites alimentaires est en train de se vivre. Michael nous raconte les débuts, nous parle de son enfance baignée d’injonctions alimentaires, dans une famille dans laquelle le contrôle du poids était institutionnalisé. Les crises de compulsion ont commencé très jeune et, à la fin de l’adolescence, a débuté la compensation via la course à pied. Tout cela des années avant que Michael ne puisse mettre un mot sur son TCA : la boulimie. Je vous laisse découvrir son témoignage, plein de clairvoyance sur l’installation de son trouble alimentaire et sur son processus thérapeutique.
L’origine des TCA d’un homme : l’enfance de Michael
Le rapport avec l’alimentation dans l’enfance
Comme de nombreuses personnes souffrant de TCA, homme ou femme, Michael a grandi dans une famille où les injonctions alimentaires étaient nombreuses et très présentes.
Il a souvent vu des membres de sa famille faire des régimes. Il devait systématiquement finir son assiette et son repas, même s’il n’avait plus faim, même s’il n’aimait pas.
« On me répétait une phrase, assez drôle avec le recul. On me répétait tout le temps que nous, on n’avait pas de chance : on mangeait un carré de chocolat et on prenait directement du poids, et puis que certaines autres personnes avaient vraiment un métabolisme élevé et que, elles, elles avaient de la chance, qu’elles pouvaient se permettre de manger une plaque de chocolat entier et rien avoir.
– C’était un petit peu une condamnation. C’est ce mot-là qui me vient : tu es condamné, en fait, à ne pas pouvoir manger ce que tu veux. »
C’est dans ce contexte que, bien avant d’être les TCA d’un homme, les troubles alimentaires de Michael était déjà ceux d’un enfant. Sa première compulsion alimentaire a eu lieu vers ses 6/7 ans. Il jouait avec sa fratrie lorsque ses parents ont commencé à se disputer. Il s’est alors réfugié sous la table avec la pâte à modeler et en a mangé plusieurs pots.
« Je me rappelle, justement, avant mon mal de ventre – parce que, bien sûr, après, j’ai eu mal au ventre – mais avant, j’ai senti, à ce moment-là, un sentiment un peu réconfortant, apaisant, de sécurité. »
Les différentes formes de violence de son enfance
Même s’il tient à préciser qu’il ne jette la pierre à personne, Michael ne peut pas faire autrement, aujourd’hui, que de dire que son enfance s’est déroulée dans un climat non-sécuritaire, voire très clairement violent, surtout pour un enfant.
« Il y avait beaucoup de violence. Pas forcément de la violence physique, mais plutôt de la violence verbale, avec énormément de cris et d’accès de colère de la part des adultes qui nous entouraient. Et, en parallèle de ça, à partir de mes 9 ans, j’ai subi des abus sexuels. »
La violence était tout aussi présente à l’école, puisqu’il y a subi du harcèlement, à partir de ses 12 ans. Il était frappé par ses camarades et passait tout son temps caché dans les toilettes. Cependant, il ne s’en est jamais ouvert à un adulte. Tout comme pour ses premières compulsions, il avait honte.
« Il fallait que ça reste caché. Il ne fallait pas faire de vague et puis dire que tout allait bien. »
« Je pense que je n’étais pas vraiment conscient que c’était grave, ce qu’il m’arrivait.
– C’était ta normalité, entre guillemets, hein… C’est terrible de le dire comme ça. »
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Le début des troubles alimentaires : compulsions, sport et anorexie
À ses 17 ans, il a commencé un apprentissage et le harcèlement a pu cesser. Pour autant, les compulsions alimentaires étaient toujours présentes. Pendant toutes ces années, les réconforts de Michael se trouvaient être la télé et la nourriture réconfortante. Par conséquent, il avait pris du poids, petit à petit.
« J’ai directement eu 2 réactions qui sont presque venues en même temps. La première réaction que j’ai eue, c’est que je me suis dit : « Michael, là, encore 4 kilos et tu passes la barre symbolique des 100 kilos, c’est énorme ». Une deuxième chose qui est arrivée juste après, une deuxième pensée, j’en m’en rappellerai tout le temps. Je me suis dit que j’étais un gros porc, en fait. J’ai eu cette pensée-là, très forte et remplie de culpabilité. […] Directement, cette pensée s’est transformée en colère. Ce jour-là, j’ai pris mes chaussures de courses et je suis allé courir. Je me rappelle que je suis allé courir, tu sais, en me disant que c’est comme une punition, en fait : « je l’ai mérité ». »
En rentrant, la balance affichait un kilo de moins. C’est comme ça que son TCA d’homme est passé des compulsions alimentaires seules à la boulimie, avec le sport comme moyen de compensation. Il a alors perdu 36 kilos en 1 an et demi.
« Je faisais toujours mes compulsions alimentaires, mais je pense que le sport compensait, entre guillemets. Et peut-être que les 20 premiers kilos que j’ai perdus, je les ai perdus sans changer mon alimentation. Mais après, j’ai bien vu que je ne perdais plus et que je devais changer ma façon de m’alimenter. »
À partir de ce moment-là, son rapport à l’alimentation s’est encore plus complexifié.
« Là, on pouvait dire que j’ai fait de l’anorexie mentale. Je me rappelle qu’il y a des jours où je mangeais juste un fruit, par exemple. »
Trouble alimentaire d’un homme à l’âge adulte : la boulimie de Michael
Devenu complètement adulte, Michael a continué ainsi jusqu’à l’âge de ses 20 ans. Il courait souvent et maintenait son poids à 60 kg… jusqu’à ce qu’il déménage et se mette en couple. Là, il a arrêté la course et a progressivement repris du poids. Il s’est lancé dans des régimes mais a subi leur contre-coup le plus connu : l’effet yoyo. Les compulsions tout comme les périodes de restriction étaient plus nombreuses, plus importantes, plus longues.
À 22 ans, devant l’impossibilité de maintenir son poids uniquement avec des régimes, il a repris la course à pied, d’une façon encore plus intense qu’auparavant.
« Là, c’était passé dans un côté vraiment extrême en fait, mon rapport au sport. J’allai courir parfois 2 fois par jour. Parfois, j’allai courir le matin, à midi je mangeais quelque chose que je considérais comme gras et du coup, il fallait que j’y retourne l’après-midi ou le soir. Je me souviens que, parfois, je faisais 30 kilomètres de course, donc je courais 3 heures, 3 heures et demie de temps, sans m’arrêter. Il y a des jours où je devais travailler toute la journée. Le soir, j’avais peut-être des rendez-vous avec des amis, ou parfois avec ma famille. Du coup, je n’avais pas le temps de courir et je me souviens que je mettais mon réveil à 5 heures du matin pour aller courir avant mon travail. Et c’est à ce moment-là que mes compulsions alimentaires ont commencé à devenir vraiment énormes. Je ne mangeais que comme ça. »
Il n’avait plus de vrai repas, il courait même en ayant mal au dos ou en étant blessé au pied, en boitant… Son mal-être était à son paroxysme. Il avait une très mauvaise image de lui-même, ainsi que des pensées suicidaires.
« Je me disais que j’étais quelqu’un de faible parce que je n’arrivais pas à me contrôler dans ma prise alimentaire. Je n’avais plus du tout confiance en moi à ce moment-là.
– Elle était complètement laminée par cette croyance que tout était de ta faute, en fait. »
Il était toujours très seul face à ce qu’il traversait. Il vivait son TCA d’homme dans la honte, exactement comme la très grande majorité des femmes souffrant de troubles alimentaires.
Les 2 étapes majeures de la guérison de Michael contre ses TCA
1. Connaître et comprendre son trouble du comportement alimentaire
La première étape de la guérison de ses TCA fut la compréhension.
« Ce qui a changé, c’est qu’à mes 27 ans, j’ai commencé une formation […] pour devenir thérapeute. Et là, il y a toute une branche d’anatomie, physiologie et pathologie à apprendre, pour comprendre les besoins des futurs patients. Il y a une journée où on faisait la répartition des troubles mentaux. Là, il y a une fille qui va devant la classe et qui présente la boulimie. Moi, jusqu’à ce moment-là, la boulimie, je l’avais toujours associée avec l’acte de se faire vomir. »
Quand il a appris que l’acte compensatoire pouvait aussi être une pratique excessive de sport, ce fut la révélation. Il s’est alors mis à effectuer beaucoup de recherches sur Internet.
« Je me dit : « OK, si j’ai une maladie, il y a moyen que j’en guérisse. ». »
Dès le lendemain, il a appelé une association et est tombé sur une personne adorable, qui lui a confirmé qu’on peut en guérir, qu’il avait déjà fait un premier pas rien qu’avec cet appel. Cette conversation téléphonique lui a fait beaucoup de bien.
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Durant les mois qui ont suivi, Michael a consommé tous les contenus qu’il pouvait : livres, articles, témoignages… Il a analysé tout son passé avec les informations et connaissances nouvellement acquises.
« C’était une année très riche, mais paradoxalement, c’était une année où je me sentais très très mal parce que j’avais toutes ces nouvelles informations. Mais je ne me suis pas fait accompagner, donc je ne voyais pas d’amélioration dans mon quotidien. Je mettais de la conscience, je voyais de plus en plus qu’il y avait un dysfonctionnement, mais il n’y avait aucune amélioration. »
Aujourd’hui, Michael conseille de bien garder à l’esprit que comprendre ne suffit pas. Vous pouvez, comme lui, avoir besoin d’un temps pour étudier, analyser. Guérir d’un TCA est un travail long, qui se fait petit à petit. Le fait de stagner par moment est normal et parfois même nécessaire, afin de vous laisser le temps d’être prêt·e pour véritablement avancer.
2. Avancer dans la guérison de son TCA d’homme grâce à une TCC (thérapie cognitivo-comportementale)
Au bout d’environ 1 an, Michael a commencé une TCC (thérapie cognitivo-comportementale). Elle lui a permis de comprendre mieux encore ce qu’il s’était passé durant son enfance.
« Quand j’étais enfant, souvent, on me répétait que j’avais de la chance, que j’avais des parents qui étaient là, que je partais en vacances… En me répétant ça souvent, c’est comme si on m’avait mis un voile et je n’ai jamais pu me retourner et analyser honnêtement mon enfance. Avec cette thérapie, ça a pu enlever ce voile-là et là, j’ai pu me retourner et vraiment regarder et me dire que non, en fait, je n’ai pas eu une enfance toute belle toute rose. »
Il a pu relier certains de ses vécus avec certains de ses comportements de personne souffrant d’un TCA d’homme. In fine, cela lui a permis d’affiner son observation et donc sa compréhension de lui-même.
« Ce qui est ressorti de cette thérapie, c’est que, finalement, je n’arrivais pas à me donner de l’amour. J’utilisais tous ces aliments pour me remplir et j’avais associé ça avec un sentiment de sécurité. »
Sur conseil de sa thérapeute, il est également allé consulter une diététicienne. Il était sceptique au début, car il assimilait beaucoup cette profession au comptage des calories, aux plans alimentaires, etc. Heureusement, Michael a eu la chance de tomber sur une personne pratiquant l’alimentation intuitive !
Doucement, il a réappris à écouter et à se reconnecter à ses sensations. Son rapport à la course à pied a, lui aussi, évolué. Si la guérison de Michael et l’histoire de la guérison du TCA d’un homme vous intéressent, je vous suggère vraiment d’écouter l’épisode. Le récit qu’il fait de ce réapprentissage est fascinant !
*
En conclusion, j’aimerais revenir sur un des sujets abordés dans cet épisode de podcast. Il est très important de bien comprendre que les TCA ne touchent pas que les femmes minces, maigres ou en léger surpoids. Il existe aussi des TCA chez les hommes, chez les personnes grosses, voire obèses. Ça n’en est pas moins une maladie ! Le sexe ou le poids de départ (ou même « d’arrivée » !) n’a rien à voir là-dedans.
« C’était vraiment paradoxal parce qu’en fait, je ne me prenais pas soin de moi. Je ne m’alimentais pas correctement. Mais tu vois, les gens autour de moi, ils me félicitaient. »
« Je trouve que c’est hyper important de souligner ça, que des personnes en surpoids voire même en obésité peuvent souffrir d’anorexie et que ça passe complètement sous les radars, en fait, parce que « C’est formidable, elle perd du poids ! »… En même temps, 30 kilos d’une manière quand même assez rapide, ça peut quand même alerter, en fait… Mais non. »
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2 Responses
Merci Michael pour ce témoignage plein d espoir tout particulièrement pour moi car je me reconnais tellement dans votre parcours : votre relation avec la nourriture , le sport, le lien fait entre manger et se dépenser, je pense etre sur le chemin de la guerison tout comme vous , peut etre meme a la meme etape dans ce processus. De tous les podcasts ecoutes, celui ci parle de moi en fait , c est assez troublant mais ça fait du bien . Mille mercis.
Merci mille fois Agnès pour votre commentaire que je transmets à Michael. Je suis touchée que ce témoignage puisse rejoindre votre propre vécu et votre chemin de guérison ☺️