Dans ce nouvel épisode de mon podcast sur l’alimentation, « La pleine conscience du pouvoir », nous allons parler du trouble alimentaire pédiatrique. C’est un sujet peu connu, sans doute sous-diagnostiqué, qui peut pourtant amener les parents dans une grande errance médicale. Même une fois détecté, le trouble alimentaire pédiatrique nécessite une prise en charge qui, certes, peut ramener l’individu à une alimentation suffisante et variée, mais qui demande beaucoup de patience. Pour nous en parler, j’ai invité pour la seconde fois Amélie Carlot-Chichoux, diététicienne spécialisée dans la psychologie du comportement alimentaire ainsi que l’accompagnement des troubles alimentaires. Elle va nous présenter ce dont il s’agit, avant de nous expliquer comment repérer un trouble alimentaire pédiatrique et qui consulter.
Trouble alimentaire pédiatrique : qu’est-ce que c’est ?
Avant toute chose, définissons ce qu’est le trouble alimentaire pédiatrique.
Premier point : sachez que ce n’est pas un TCA (trouble du comportement alimentaire). En effet, il s’agit d’un trouble de l’oralité, et non un trouble comportemental.
Par ailleurs, malgré ce que son nom peut laisser penser, le trouble alimentaire pédiatrique ne concerne pas que les enfants.
« C’est-à-dire que c’est un trouble qui se développe forcément dans l’enfance, mais, s’il n’est pas pris en charge, il peut perdurer jusqu’à l’âge adulte. »
Concrètement, c’est en lien avec la bouche et la difficulté à mettre l’aliment dans la bouche. Généralement, un sens est surstimulé et provoque des difficultés. Le plus courant est une incapacité à manger certaines textures. Mais cela peut prendre d’autres formes : problème avec certains goûts, besoin de ne manger que des aliments d’une certaine couleur ou dans un grand calme…
Il peut aussi s’agir d’hyposensibilité, auquel cas on va plutôt retrouver des enfants qui engloutissent sans rien mâcher ou mange même quand c’est brûlant…
« En ce qui concerne la définition, le trouble alimentaire pédiatrique, c’est l’altération de l’absorption orale, qui n’est pas appropriée à l’âge et qui est associée à des problèmes médicaux, nutritionnels, des compétences alimentaires et/ou un dysfonctionnement psychosocial. »
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Comment détecter ce trouble de l’oralité chez un enfant ou un adulte ?
La définition en elle-même donne déjà des informations sur ce qui peut amener à soupçonner un trouble alimentaire pédiatrique. Toutefois, durant cet épisode de podcast, Amélie nous donne un certain nombre d’éléments qui peuvent alerter les parents ou l’entourage :
- L’enfant mange trop lentement.
- La durée du repas varie selon sa texture.
- L’enfant ne mange pas assez, même lorsqu’il a de toute évidence faim.
- On constate une inflexion de la courbe de poids et/ou de croissance.
- L’enfant sélectionne uniquement certaines textures, couleurs, odeurs, ou certains goûts, malgré des encouragements et une diversification alimentaire normale.
- On constate un refus catégorique de manger malgré un cadre serein et normal des repas.
- L’enfant manque d’autonomie.
- Il a un besoin absolu d’une distraction (ex : la télévision) pour manger.
- L’enfant déteste avoir les mains sales ou mouillées, ne porte pas les objets à sa bouche, ne supporte par les étiquettes sur ses T-shirts…
- L’enfant a un besoin impérieux d’un grand calme pour manger.
Bien sûr, cette liste n’est pas exhaustive et tous ces signes ne seront pas présents ensemble chez un enfant (ou un adulte) souffrant d’un trouble alimentaire pédiatrique.
Concernant l’âge à partir duquel ce trouble peut apparaître, sachez que, dans la plupart des cas, il survient dès la première année de vie. Il est toutefois possible qu’il apparaisse plus tard dans l’enfance, en cas de trauma physique (insertion d’une sonde dans la gorge, grosse gastro avec beaucoup de vomissements…).
La plupart du temps, le trouble alimentaire pédiatrique est diagnostiqué lors de la maternelle.

Trouble alimentaire pédiatrique : qui consulter ?
Si vous avez un doute et que vous redoutez que votre enfant souffre de ce trouble, c’est à l’orthophoniste qu’il faut vous adresser. En tant que spécialiste de l’oralité, c’est lui qui pose le diagnostic.
« Les orthophonistes sont les spécialistes de l’oralité[…]. On les connaît beaucoup autour de tout ce qui va être lecture, langage… mais, du coup, elles sont formées aussi à tout ce qui relève de la sphère de l’oralité. »
L’orthophoniste peut aussi vérifier qu’il n’y a pas de troubles de la déglutition – qui, s’il n’est pas réglé, empêchera de traiter le trouble alimentaire pédiatrique.
Ensuite, l’orthophoniste, la diététicienne et les parents vont agir de concert pour la guérison de l’enfant.
« C’est aussi l’orthophoniste qui va venir travailler autour de la tolérance du toucher au niveau du visage, par exemple. Et après, la diététicienne va d’abord s’assurer qu’il y ait suffisamment de nutriments pour l’enfant, c’est-à-dire que notre premier rôle, avant tout, c’est de rétablir la courbe de croissance et de poids. […] Ensuite, le deuxième rôle, si tout va bien, ça va être aussi de faire accepter à l’enfant plus d’aliments. L’idée, c’est toujours de partir d’un aliment « copain ». »
Pour régler un trouble alimentaire pédiatrique, il faut beaucoup de patience. Amélie nous en parle en détail dans cet épisode et je vous conseille vivement d’écouter si le sujet vous intéresse !
« Le travail aussi, qui va être important à faire, c’est d’apprendre à tolérer l’aliment. C’est-à-dire qu’il y a des enfants qui ne vont pas du tout supporter juste de voir un aliment, ou de sentir un aliment, ou de toucher un aliment. Du coup, toutes les étapes, ça va être ça : d’abord, on accepte de le voir, ensuite on accepte de le sentir, de le toucher, de jouer un peu avec, de lui faire un bisou, de le mettre dans la bouche mais pas forcément de l’avaler… »
On peut, par exemple, fonctionner par « chaîne » : on part d’un aliment connu et accepté (ex : les coquillettes), et on en propose un qui ressemble (ex : un autre type de pâte).
Pour terminer sur cette partie, il me semble important de préciser que, si le trouble alimentaire pédiatrique n’a pas été traité et perdure à l’âge adulte : il est toujours possible d’agir !
« Ça se travaille aussi à l’âge adulte ! Il n’est pas trop tard. »

Trouble alimentaire pédiatrique, trouble de l’oralité alimentaire et néophobie alimentaire : quelles différences ?
Le trouble alimentaire pédiatrique reste encore très mal connu, y compris chez les professionnels. Il est donc normal de le confondre avec autre chose…
Pour y voir plus clair, nous avons évoqué cela avec Amélie. Tout d’abord, il faut savoir que le trouble de l’oralité alimentaire n’est autre que l’ancien nom du trouble alimentaire pédiatrique. Les 2 expressions désignent exactement la même chose.
Par contre, il ne faut pas confondre trouble alimentaire pédiatrique et néophobie alimentaire. Cette dernière se développe vers les 18/24 mois de l’enfant (souvent avec la phase du « non »), peut durer jusqu’aux 7/10 ans de l’enfant et concerne environ 75 % d’entre eux. La néophobie alimentaire, c’est cette période durant laquelle un enfant ne veut plus goûter de nouvelles choses, voire refuse des aliments qu’il ou elle acceptait auparavant. Elle n’a pas d’impact sur la courbe de poids ni de croissance et, souvent, elle ne pose problème qu’aux parents, pas chez la nourrice ni les grands-parents. Le trouble alimentaire pédiatrique en revanche, sera présent quoiqu’il en soit et peut même s’aggraver si le repas n’est pas pris dans les conditions habituelles.
« C’est normal d’avoir un moment où ils ne veulent plus manger ce que leur parents leurs préparent. »
Il est également très important de ne pas confondre le trouble alimentaire pédiatrique avec un caprice. Dans le cas du trouble, si les conditions dont l’enfant a besoin ne sont pas réunies, il ne peut littéralement pas manger. Il préférera rester avec sa faim – d’où le risque de chute de la courbe de poids, voire de la courbe de croissance.
Ça n’a également aucun rapport avec une anorexie, car, comme nous l’avons vu, ce trouble commence généralement dès la première année de l’enfant. Aucune notion de volonté de maîtrise de poids ou d’image corporelle n’entre en ligne de compte. Il s’agit d’un trouble physique, sensoriel, pas psychologique ni émotionnel.
Cependant, si l’enfant est forcé à manger, que les repas deviennent systématiquement un enfer, le trouble peut engendrer un rapport affectif, émotionnel très négatif avec les repas et la nourriture en général.
*
J’espère que cet article sur le trouble alimentaire pédiatrique vous aura plu et appris des choses. Si vous souhaitez creuser le sujet, je vous conseille d’écouter l’épisode de podcast en entier. Avec Amélie, nous évoquons aussi :
- les ponts qui peuvent exister en le TAP (trouble alimentaire pédiatrique) et les TCA (trouble du comportement alimentaire) ;
- les souffrances que ça peut causer à l’âge adulte ;
- ou encore les aliments qui sont souvent acceptés par les enfants souffrant de ce trouble…
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