Dans ce nouvel épisode de mon podcast sur l’alimentation, « La pleine conscience du pouvoir », je vous propose le témoignage de Claudia, sur son travail personnel pour retrouver le plaisir de manger. À 25 ans, elle a déjà fait un sacré bout de chemin pour se réconcilier avec la nourriture. Cela a commencé en 2017, date à laquelle, vous le verrez, elle a eu une sacrée prise de conscience. Elle est passée du « plaisir avant tout » et d’une idée triste des « repas-santé » à une identité de femme qui peut se reconnecter avec ses sensations de faim, de satiété. Pour cela, elle a dû travailler sur toutes ses croyances autour de certains aliments et de l’alimentation en général. Elle a pu remettre la nourriture à sa juste place et trouver du plaisir ailleurs, en particulier dans son travail. Elle s’est également reconnectée à ses sensations corporelles, en reliant, entre autres grâce au sport, son corps à son esprit. C’est un travail de coaching sur la relation à la nourriture qui a donné à Claudia accès à bien plus que seulement une alimentation saine. Ce travail de fourmi se poursuit, montrant qu’un processus de changement pérenne prend du temps. Je vous laisse découvrir son chemin !
« Un jour, je me réveille, en 2017, je me regarde dans le miroir et je suis choquée. Je me dis « Qui est cette personne ? » Je me vois en surpoids. »
« Ce n’est pas moi. Je ne suis pas défigurée, mais c’est une autre personne, ce n’est pas moi. »
« Un jour, j’ai eu cette apparence-là, j’ai été en surpoids, parce que j’avais commencé bien avant à me dire « Je dois perdre du poids ». La lutte, vous l’avez essayée, si vous écoutez le podcast, c’est que vous l’avez trop essayée et que vous avez besoin d’autre chose. C’est pour cela que j’encourage la méthode d’une approche bienveillante. « Je le fais parce que je m’aime, je le fais pour moi. » Faites-le dans cet esprit-là, aimez-vous, aimez votre corps et aimez cette partie qui est un peu obsessionnelle sur la nourriture. Aimez-vous, aimez-la, comprenez-la, acceptez-là. »
Extraits du témoignage de Claudia
Présentation de Claudia
- Bonjour Claudia, je suis ravie de t’accueillir dans ce podcast sur l’alimentation, pour partager avec nous ton rapport avec la nourriture et comment tu as pu retrouver le plaisir de manger. Avant de rentrer dans le vif du sujet, peux-tu te présenter ?
- Je suis Claudia Meloni, j’ai 25 ans et, pour rester dans la présentation classique, mon métier est coach de vie certifiée. Je suis rentrée dans ce métier – qui n’est pas forcément le plus recommandé ni le premier auquel on pense lorsqu’on fait ses études – justement grâce ma relation à la nourriture. Cette relation fut ma seconde porte d’entrée vers le coaching et vers le développement personnel en général. Me faire coacher et comprendre comment l’humain fonctionne, ça a tellement changé ma vie, et pas seulement mon rapport à la nourriture, que j’ai envie, aujourd’hui, de le partager cette expérience autour de moi.
- Tu veux dire que c’est en travaillant sur cette relation avec ton alimentation, que tu as pu ouvrir quelque chose de plus large et découvrir ton métier d’aujourd’hui. C’est bien cela ?
- Exactement ! J’ai toujours plus ou moins baigné dans le développement personnel. C’est une thématique qui a toujours été présente dans ma vie, car mes parents s’y sont toujours intéressés, notamment par la lecture. Par exemple, ils ont lu « Les 4 accords toltèques » et « Les 5 blessures qui empêchent d’être soi-même » de Lise Bourbeau. Avoir toujours connu ça, c’était super. C’est une chance. En grandissant, pour faire face à une difficulté, j’ai toujours eu cette porte de sortie. Je me confiais souvent à mes parents. Ainsi, le jour où je me suis rendu compte qu’il y avait un problème dans ma relation à la nourriture, je suis revenue au développement personnel. J’ai tout de suite compris que ce n’était pas une question de diététique, de nutrition, de « Qu’est-ce qu’il faut manger, comment, pourquoi ? » Je savais que c’était un problème là-haut, au niveau du « ciboulot » on va dire. Mais alors quoi, comment, pourquoi… Les questions étaient là. C’est ainsi que je me suis de nouveau plongée dans le développement personnel, que j’avais toujours connu, et dans le coaching.
Les débuts de ma relation à l’alimentation
- Maintenant, est-ce que tu peux nous en dire plus sur l’historique de cette relation avec l’alimentation ?
- Ça a commencé un jour de 2017. Je me réveille, je me regarde dans le miroir et je suis choquée. Je me dis « Qui est cette personne ? » Je me vois en surpoids. Je ne m’étais pas rendu compte, physiquement, que j’avais à ce point changé parce que j’adorais me maquiller, j’adorais bien m’habiller, etc. Je pense que je me cachais – de moi-même et des autres – derrière mes vêtements, ma façon de m’habiller et de me maquiller. Si bien que, même si ça se voyait que j’étais un peu enrobée, quand je disais aux gens autour de moi que j’étais médicalement en surpoids, que j’étais véritablement trop haute dans la courbe de poids standard, ils me répondaient « Mais non, tu exagères. Tu as seulement quelques kilos en trop ». Et encore, je ne cachais pas si bien que cela… Quand je me lavais, que je m’habillais, je ne me regardais pas et je me touchais le moins possible. Puis un jour, je me suis rendu compte que, tous les soirs, c’était la catastrophe au moment du repas. Pour mon conjoint, je préparais à manger un repas classique, avec féculents et légumes, tout comme on nous l’apprend, rien de compliqué. Mais, au moment de manger, c’était le drame, la déprime. C’était comme une punition et je ne comprenais pas pourquoi. Tout le monde autour de moi était plutôt dans un état d’esprit : « C’est le repas, on s’en fou », alors que, pour moi, manger mes haricots verts, c’était une épreuve. Je trouvais ça hyper triste et je ne comprenais pas pourquoi. Si bien que la plupart du temps, je mangeais ce qu’il fallait manger, parce que c’est important et que c’était de « bons aliments ». Mais, à côté de ça, je mangeais pour me faire plaisir. Du sucre, évidemment, mais chez moi c’était surtout le gras qui était présent : des burgers, des frites, des fastfoods, etc. À l’époque, j’habitais à Paris, donc c’était très facile de commander à manger à toute heure. Et puis, un jour, j’ai fait le lien entre mon corps et mon alimentation. Je me suis demandé : « Mais ça doit se voir sur mon corps ?! » Donc je me suis regardée dans la glace. C’était ce fameux jour, en 2017, en avril je crois. Je n’ai pas compris pas ce qu’il se passait : « Ce n’est pas moi », me suis-je dit. Je n’étais pas défigurée, mais c’était une autre personne, ce n’était pas moi. À partir de là, j’ai commencé à chercher à comprendre. « OK, ce n’est pas une histoire de diététique, de nutrition, etc. Je sais ce qu’il faut manger. Je sens que c’est plus fort que moi. »
Du coup, j’ai changé d’angle de vue et j’ai cherché des psychologues spécialisés dans le rapport à l’alimentation, à Paris. Je ne pouvais pas dire si j’avais des TCA ou pas. Avec le recul, je ne pense pas. Hyperphagie sans doute, boulimie à mon avis non. Bien sûr, moi aussi je voulais maigrir, mais je pense que ce qui m’a évité de tomber dans l’anorexie, c’est l’émétophobie, c’est-à-dire la phobie de vomir. Je ne me faisais pas vomir, je n’ai jamais pensé aux laxatifs non plus, car j’avais peur de tout dérégler. Heureusement, je pense que c’est vraiment ça qui m’a sauvée du risque de tomber dans l’anorexie. Cependant, j’étais prête à tout pour retrouver le plaisir de manger et changer ce corps – et mon esprit aussi, car ma charge mentale était horrible. J’ai donc cherché des psychologues spécialisés dans les TCA à Paris. Malheureusement, j’étais encore en études, c’était quelques mois avant que je ne change encore de ville… Je faisais une école de commerce, donc je changeais de ville tous les 6 mois. Du coup, je me suis dit que ça ne servait à rien de commencer un travail avec quelqu’un pour abandonner quelques mois après… C’était avant le covid, donc les visios se faisaient encore assez peu.
L’arrivée du coaching dans ma vie
À cette époque-là, cela faisait déjà quelque temps que je suivais Esther. Depuis que j’avais commencé à suivre son travail, elle avait petit à petit glissé vers un contenu très axé sur le coaching. Comme je l’ai dit, le développement personnel m’a toujours plu, donc ça me plaisait de l’écouter ! À ce moment-là, elle commençait aussi à parler de nourriture, plus spécifiquement de son rapport à la nourriture. Elle racontait qu’elle avait perdu du poids grâce au coaching. Elle n’a pas exactement appelé ça du coaching, mais en tout cas elle avait fait baisser son poids grâce au fonctionnement de ses pensées, grâce à son cerveau, en fait. Je me suis « Mais c’est exactement ce que je cherche ! » Je l’ai donc contactée, alors que je ne savais pas ce qu’elle faisait comme accompagnements, que je ne connaissais rien à ce monde… Après coup, j’ai réalisé combien j’ai eu de la chance ! Esther, l’administratif, les e-mails, etc., ça lui fait très peur, donc j’ai eu de la chance qu’elle tombe sur le mien et qu’elle y réponde ! Pour avoir travaillé avec elle, j’ai pu constater qu’il y a plein de mails qui passent à la trappe. Heureusement, le « destin » ou autre chose a fait que j’ai pu travailler avec elle là-dessus. Ainsi, je me suis rendu compte qu’en fait, je mangeais mes émotions. Je ne mangeais pas parce que j’avais faim – niveau sensations physiques, j’en étais au point où je n’avais ni la sensation de faim, ni celle de satiété. Étant enfant, j’avais parfois eu le ventre qui gargouillait, bien sûr. Étudiante aussi, j’avais parfois le ventre qui gargouillait. Avec le petit-déjeuner classique, plein de céréales, de sucre, avec un index glycémique faible, etc. que je prenais, une fois le pic terminé, vers 11 h en général, ça engendrait un « creux » et le ventre gargouillait. Ça, ce sont des sensations que je ressentais parfois et que je comprenais, mais la « vraie faim », celle où nous sommes attirés par des aliments sains pour le corps, parce qu’il a réellement besoin de manger, ça, ça m’était parfaitement inconnu. Après coup, je me suis rendu compte que je la ressentais, de façon très légère, mais je la ressentais. Puis je la zappais complètement, parce que l’angoisse de manger des légumes ou de rentrer, de me coucher après une soirée sans plaisir, c’était trop dur pour moi.
Alimentation, plaisir et sensations corporelles
- À ce moment-là, tu as vraiment pris conscience qu’il y a une différente entre l’alimentation plaisir, l’alimentation émotionnelle et l’alimentation qui sert à se nourrir, mais qui était assez triste pour toi. C’est ça, que tu veux dire, quand tu racontes que tu avais envie de pleurer quand tu te retrouvais devant ton assiette ? C’est que tu y voyais réellement de la tristesse. C’est bien ça ?
- Oui c’est ça, parce que je voyais bien que mon comportement et ma charge mentale concernant la nourriture n’étaient pas normaux. Je le voyais bien. C’était tellement banalisé, même pour des personnes naturellement minces, même pour n’importe qui dans la rue, de dire que « Oui, ce soir ça me dit bien de manger une pizza » ou « oui ça me dit de bien manger un gâteau », sans que ce soit forcément des quantités folles, sans que ce soit forcément tous les soirs… Moi ça faisait vraiment parti de mes besoins. S’il n’y avait pas ça, je ne fonctionnais pas bien, j’étais coincée dans un désarroi total. C’est assez commun d’entendre les gens dirent qu’ils préfèrent une pizza plutôt que des haricots, on s’entend tous là-dessus, mais chez moi c’était vrai à un tout autre niveau. Ma réaction, ce n’était pas seulement « Oh ce soir, c’est haricots verts, c’est un peu chiant… », non : c’était vraiment la catastrophe. Les émotions qui me traversaient, c’était vraiment un grand, grand désarroi, presque de la dépression.
- Ça prenait des proportions énormes, je comprends. Je suis particulièrement marquée par ton récit de ce jour où tu ne t’es plus reconnue dans la glace, par cette espèce de choc, en fait, c’est bien ça ?
- C’est ça. Je savais bien que ça n’allait pas au niveau de mon alimentation, que ça tenait de l’obsession, que la place de mon alimentation dans ma tête prenait des proportions énormes, etc. Toutes ces constatations ont fini par m’alerter, j’ai alors ouvert les yeux et, effectivement, je ne me suis pas reconnue. Tout cet aspect de moi était là depuis longtemps, je le savais, mais je l’avais occultée pour pouvoir manger tout ce que je voulais.
- Oui, d’accord. Il y avait comme une… « négation du corps », que l’on retrouve quand tu expliques que tu ne te regardais pas lorsque tu te lavais, que tu ne touchais pas, etc. Quelque part, ton corps n’existait pas. Ce que tu as analysé au fur et à mesure de ton travail, c’est que, finalement, c’était une stratégie que ton esprit avait trouvée pour pouvoir rester dans le plaisir. Une part de toi pensait sans doute que ce n’était pas correct, qu’il ne fallait pas fonctionner ainsi, tandis qu’une autre part de toi ne pouvait pas s’en empêcher. Il y avait comme une espèce de double-toi. C’est bien ça ?
- Tout à fait. Cette négation du corps était présente à deux niveaux. Je ne me regardais pas, ne me touchais pas, d’une part. Mais il n’y avait également aucune connexion entre ma tête et mes pensées d’un côté et mon corps, sa satiété, sa faim, ses sensations, ses émotions, etc. d’un autre côté. Même la douleur était déconnectée : je pouvais m’être fait très mal, m’être coupée par exemple, et pourtant ne le sentir que très peu. J’avais dissocié mon esprit de mon corps, parce que j’avais compris que ça pouvait être synonyme de souffrance : quand on est triste, quand on se fait mal, ce sont des émotions qui passent par le corps. Il en était de même pour la fatigue. Je ne la ressentais pas, sauf quand vraiment je tombais littéralement de fatigue, mais je ne me disais jamais « oh tiens, je suis un peu fatiguée ce soir ». Soit, je tombais de fatigue, soit, ça allait parfaitement bien, alors que normalement, on ne fonctionne pas ainsi. Normalement, c’est graduel. Même l’envie de faire pipi était concernée ! Je n’avais jamais, jamais envie de faire pipi. J’y allai très rarement, ce qui illustre bien que j’étais déconnectée de mon corps d’une façon assez impressionnante.
- Je trouve cela très intéressant, cette relation que tu fais entre ton corps et ton esprit. Au final, ce fonctionnement servait non seulement ton rapport à l’alimentation, mais ça comblait aussi tous tes besoins physiologiques. Je parle souvent de l’envie de faire pipi, qui est en général plus naturelle que l’envie de manger. Mais ce que j’entends là, c’est que ces problématiques peuvent vraiment atteindre toutes, vraiment toutes les fonctions physiologiques.
- Oui, ça peut. Évidemment, les envies de faire pipi, la fatigue, etc., ce sont des sensations que je ressentais ! Mais c’était vraiment au tout dernier moment. Je n’avais pas les sensations plus mesurées que l’on a avant. Je parle souvent à mes coachés de cette maladie, dont je ne me souviens jamais du nom, qui coupe de toute douleur. C’est une maladie très grave, puisqu’on peut, par exemple, se brûler la main et ne pas s’en rendre compte. C’est assez proche de ce que je vivais, même si c’était dans une moindre mesure, puisque j’étais coupée de toute sensation. Dans un premier temps, ça peut sembler très libérateur, mais en fait, c’est très très grave et compliqué ! On n’a plus accès aux besoins du corps. « J’ai besoin de quoi ? Je dois faire quoi ? », tout cela est inaccessible. Notre corps et notre tête ont besoin d’analyser ce qu’il nous arrive, d’interpréter les informations que nous transmettent les 5 sens.
Mon travail de conscientisation pour me reconnecter à moi-même
- Est-ce que tu veux bien nous partager ton parcours de reconnexion ? Qu’est-ce qui t’a aidé à reconnecter tout cela ensemble et à retrouver toutes ces sensations physiques ?
- La première chose, ce fut de me rendre compte que ce qui me faisait manger, c’était mes émotions. Ce n’était pas « Je ne comprends pas, c’est plus fort que moi », c’était mes émotions et mes pensées. Quand j’ai compris que mes émotions venaient de ce que je pensais, de mon avis sur tel ou tel événement, ce fut un bond en avant absolument génial. À partir de là, mon premier travail fut de conscientiser, de me voir faire. Comme j’étais complètement coupée de moi-même, la première étape fut de me regarder manger. Dans un premier temps, je n’ai pas cherché à arrêter quoi que ce soit, mais simplement à observer, à accepter : « OK, là je mange par compulsion. OK, je me regarde dans le miroir et je me déteste ». Il s’agissait de repérer et de prendre réellement conscience de tous ces moments dans une journée. Ce fut une énorme première étape.
- L’observation, la prise de conscience de ce qui est, je pense que c’est une étape fondamentale.
- Oui. On a tendance à préférer être aveugle, parce que la situation nous fait souffrir, parce que c’est un cercle vicieux, parce que notre corps ne nous plaît pas… Même quand on est dans une volonté de perte de poids, on retrouve ce fonctionnement de faire ou de ne pas faire en fonction d’une certaine vision de son corps : « Je mange ça et je ne mange pas ça ». On se punit, quelque part : on n’aime pas son corps, donc on se dit qu’on a bien fait de ne pas manger ces haricots verts. Ça, c’est quelque chose que j’ai vécu, même si je me suis plus vue manger trop que pas assez, mais je me suis rendu compte plus tard que j’ai eu cette apparence-là, que j’ai été en surpoids parce que j’avais commencé, bien avant, à me dire qu’il fallait que je perde du poids. Je retrouve des photos du lycée, où j’étais normale et face à ces photos, je me rappelle qu’à l’époque, je me trouvais un peu trop grosse. Je commençais déjà à me dire qu’il fallait faire attention… Jusqu’à ce que ça devienne une réalité, puisque quelques années après, en étude supérieure, j’étais médicalement en surpoids.
Une origine de ma relation à la nourriture qui remonte à l’enfance
- D’accord, si on revient un peu en arrière, jusqu’à la genèse de tout ça, tu retrouves des traces dans ton adolescence, quand tu étais lycéenne, voire peut-être même avant ?
- Oui, je pense que l’éducation que l’on a, même à partir de l’enfance, joue un rôle. Je le constate notamment avec ces haricots verts que je trouvais triste. Petite, j’étais fille unique, mon demi-frère est né quand j’avais 12 ans. J’ai le souvenir d’un repas avec mes parents, tous les trois, dans une ambiance froide. C’était peu avant leur séparation, donc forcément l’ambiance n’était pas bonne. Peut-être y avait-il eu une dispute avant… Quoiqu’il en soit, j’ai le souvenir de ce repas, tous les trois, dans une ambiance froide, dans une cuisine froide, où ma mère avait préparé du pot-au-feu ou je ne sais quoi, accompagné de légumes… Il a dû se passer quelque chose chez moi, si bien qu’aujourd’hui, lorsqu’on me sert un plat similaire, ça me replonge là-dedans. Dans une moindre mesure évidemment, puisqu’aujourd’hui je suis adulte et que j’ai pris du recul par rapport à ça. Je connais des gens qui adorent ça, les haricots et les légumes verts, et je comprends, qu’on puisse aimer ça ! Mais pour moi, ce n’est pas possible, parce que ça fait remonter des sentiments, bien ancrés, de tristesse, de sécurité émotionnelle très basse, etc. Alors que manger des aliments sucrés et gras, ça m’évoque une sécurité émotionnelle haute. Non pas que ce soit le cas, mais c’est comme ça que je l’ai retenu.
- Cette scène que tu décris, dans la cuisine, j’ai l’impression d’y être ! C’est une madeleine de Proust à l’envers, en fait ! C’est le souvenir d’une situation difficile qui s’agglomère avec un aliment, un type d’aliments ou un plat. C’est incroyable ! À côté de ça, tu as d’autres souvenirs, plus réconfortants, avec des aliments gras ou sucrés, ou les deux. Concernant ces aliments-là, est-ce que tu as aussi des souvenirs précis, pendant ton enfance ou ton adolescence ?
- Un peu, mais c’est moins marquant. Je pense que c’est aussi une question d’éducation. Je ne l’ai pas tellement vécu moi-même, mais notre éducation fonctionne beaucoup sur un système de récompense, de félicitation avec la nourriture. Vous savez, ce sont ces phrases du type « Tu as été sage, voilà une sucette. », que l’on peut même retrouver chez des médecins, des dentistes… Le mercredi après-midi, le samedi ou quand il n’y avait pas école, j’étais parfois chez ma grand-mère. Là, c’était tartine de Nutella ou crêpes ou Nutella, c’était la fête, c’était le mercredi après-midi, youpi. Tout ça, c’était relié. La semaine par contre, avec papa, maman et moi, l’ambiance froide et les légumes vapeurs. Même plus tard, parfois, le vendredi, ma mère n’avait pas envie de cuisiner et on prenait un plat à emporter : là encore, c’est connecté « festif ». C’est vraiment ancré comme ça dans notre éducation.
La suite de mon chemin pour retrouver le plaisir de manger
Comprendre les origines du problème
- La joie avec le Nutella et la tristesse avec le pot-au-feu, si on simplifie à l’extrême ! Du coup, nous étions revenus dans le passé, maintenant continuons à avancer ! Tu disais donc que tu étais passée par une étape d’observation, pour te rendre compte de ton fonctionnement, avant de pouvoir changer quoi que ce soit. C’est là que nous en étions.
- Oui, conscientiser, ouvrir les yeux, me voir faire, telle était la première étape. Nous sommes des êtres humains, nous avons la chance de pouvoir faire ça ! Ensuite, j’ai tâché de bien identifier les moments qu’on peut appeler « tampons émotionnels », tous ces moments où j’utilisais la nourriture pour ressentir des émotions agréables, et non pas parce que j’avais faim. Pour chacune de ces situations que j’avais repérées, attrapées au vol, même parfois après coup, j’essayais de comprendre ce qu’il s’était passé. Est-ce que je m’étais brouillée avec mon patron ? Est-ce que j’étais triste ? Parfois même : est-ce que j’étais contente ? Il m’arrivait de vouloir maximiser le plaisir. Par exemple, à l’occasion d’une super bonne soirée avec une amie, je maximisais le plaisir en commandant des choses sympas à manger, en cuisinant des desserts, etc. C’était aussi un accélérateur de sensations positives. En résumé, une fois que j’ai eu conscientisé le problème dans sa globalité, j’ai travaillé à prendre les moments de façon isolée, pour comprendre ce qu’il s’était passé à chaque fois que j’avais mangé. Très vite, j’ai pu identifier les situations du quotidien qui étaient faciles à régler, pour pouvoir me dire, par exemple : « Là je suis énervée, donc il vaut mieux que je ne commence pas à manger ». Après cela, restait à travailler les moments-clé, ancrés depuis des années chez moi. Je sais que nous sommes tous différents, nous avons chacun nos moments plus compliqués que d’autres. Chez moi, ce qui est souvent le plus dur, c’est le soir, la fin de journée. Pour certaines personnes, ce sera plutôt en rentrant du boulot, vers 18 h. Pour moi, c’est vraiment le dîner. Le repas du soir, à mes yeux, c’était la dernière occasion de pouvoir être bien, de pouvoir être contente. Je me suis donc demandée : « Pourquoi est-ce le seul moment de la journée où je suis joyeuse ? Ma journée dure 24 h, moins la nuit, elle dure donc longtemps… Alors pourquoi je me focusse là-dessus ? » C’est ainsi que je me suis rendue compte que le problème, en fait, ce n’était pas le soir, mais la journée. C’est en réalisant ça que j’ai compris que le problème venait de mon travail. J’ai réalisé qu’il ne me plaisait pas du tout, qu’il me prenait de l’énergie, qu’il me bouffait et qu’il ne correspondait pas à mes valeurs. Cela expliquait que je ressente le besoin de compenser le soir. C’est pour ça aussi qu’aujourd’hui c’est mon domaine de coaching : parce que je sais combien ça peut être difficile quand on a une vie professionnelle qui ne nous convient pas. Chez moi, ça s’est montré au travers de la nourriture, mais ce n’était pas la nourriture en soi le problème, c’était mon boulot.
Prendre du plaisir au travail
- C’est à partir de là que je me suis attaquée au sujet de mon travail. En me rendant compte que mon boulot ne me plaisait pas, en changeant de travail pour exercer un métier qui me fait plaisir, plein de développement personnel, grâce auquel j’aide des gens, etc. : ça allait déjà mille fois mieux ! Ça m’a permis d’éliminer plein de tampons, mais il n’empêche qu’encore aujourd’hui, lorsqu’il m’arrive de ressentir un besoin de « tampon émotionnel », quand je suis tentée par de la nourriture en raison de mes émotions, c’est le soir. Je sais que certaines personnes ne peuvent pas s’empêcher de saisir un croissant en salle de réunion à 10 h. Moi, cela ne m’arrive jamais. Peut-être que je déplace cette envie au soir, en tenant toute la journée pour éviter ce genre de tentation. À l’époque, je me disais parfois « allez, tiens, tiens, tiens, le soir tu peux y aller ». Mais, au-delà de ça, je pense que c’est vraiment le soir que mes émotions remontent.
- D’accord. Si on reprend le processus que tu as suivi, il y a d’abord eu la conscientisation, l’observation. Ce fut un vrai travail de fourmi pour décortiquer chaque moment identifié. Puis, tu t’es attaquée au cœur du problème. Ça me fait penser à toutes ces habitudes tellement ancrées dans notre quotidien qu’elles en sont extrêmement compliquées à déloger, comme le café-clope pour les fumeurs par exemple. C’est tellement, tellement présent dans nos habitudes, que c’est comme le dernier bastion à abattre, si je puis dire. Ce qu’exprime ton discours d’ailleurs, c’est qu’encore aujourd’hui, quand des événements sont émotionnellement compliqués pour toi, tu te retrouves face à cette même habitude d’utiliser la nourriture comme quelque chose d’utile pour traverser ces moments-là. N’est-ce pas ?
Replacer la nourriture à sa juste place
- C’est ça. D’ailleurs, ce qui m’a aidé à « désenclencher » cette habitude, à « abattre ce dernier bastion » comme tu le dis justement, pour le désarçonner, ce fut de constater qu’il y avait des soirs où je pouvais manger des aliments qui, à priori, n’étaient pas spécialement agréables, pas spécialement sucrés, voire même des légumes vapeurs… et qu’en fait, ça se passait très bien. Il ne se passait rien du tout. À cette époque en 2017, comme plus tard, j’habitais avec mon chéri dans notre appartement. J’avais peur, si je mangeais des légumes vapeurs, de recréer l’ambiance froide, comme avec mes parents dans mon enfance. J’avais peur de recréer la même histoire, que l’on ne s’aime plus, qu’on se sépare… Ce qui m’a aidée, ce fut de lui en parler. Je lui ai demandé : « Est-ce que toi, quand on mange des légumes le soir, tu as l’impression que l’ambiance est triste ? » Il m’a répondu que non, pas du tout. Il ne comprenait presque pas ma question en fait, donc j’ai pu réaliser que ça se passait vraiment dans ma tête. J’étais persuadée que tout le monde ressentait ces soirs-là comme des soirs nuls… Alors que non, pas du tout, c’est complètement décorrélé. Même les soirs où on mange des légumes, il peut y avoir un super film à la télé, un sujet très intéressant peut arriver sur la table et nous occuper pendant des heures… Il a participé à désamorcer la situation, en m’aidant à me rendre compte qu’il existe aussi des soirs sans « nourriture-orgie », ni nourriture forte en dopamine, mais pendant lesquels ça se passe très bien, où on s’aimait toujours aussi fort, sans que le repas vienne gâcher les autres domaines de notre vie commune.
- C’est incroyable, comme tu étais aux prises avec ce souvenir-là, comme tu avais assimilé légumes vapeurs et froideur. Ces deux éléments étaient vraiment complètement collés, jusqu’à ce que ton copain te fasse comprendre qu’ils n’ont rien à voir entre eux. Du coup, de réaliser et surtout d’expérimenter, de vivre pleinement que les légumes vapeurs peuvent être présents lors d’un repas normal, au cours d’une soirée agréable, ça t’a permis de réaliser que ça se passe bien, que vous n’alliez pas vous séparer, que vous passiez un bon moment… Ça nous fait sourire, là, de le dire ainsi, mais je suis effarée par la force de l’ancrage de ce souvenir-là. C’est fou !
- De comprendre ça, ce qu’il y avait autour de ce souvenir-là, ça m’a aussi permis, plus généralement, de réaliser que la nourriture n’a pas la place que je lui prêtais, qu’elle n’a pas le pouvoir de changer l’ambiance d’une soirée à elle seule. Sa place est accessoire, comme le fait que je porte des chaussettes noires ou rouges n’est pas un élément central de la soirée ou de ma journée. Lorsque je coachais autour de la nourriture, je prenais souvent l’exemple de quelqu’un qui s’exclamerait « Oh mon Dieu ! » en découvrant le buffet en rentrant dans une salle. Si c’est vraiment le premier élément que l’on regarde, si ça a un effet d’attraction irrépressible, cela peut signifier qu’il y a quelque chose à régler de ce côté-là. Quand on rentre dans une salle de réunion, on ne s’exclame pas « Oh mon Dieu, il y a une chaise, il faut absolument que je m’assoie ! Ça va être dur de résister… » On est complètement neutre par rapport à la chaise. Le parallèle peut faire rire, mais ça illustre bien que quelqu’un qui pense directement « Oh il y a des cookies sur la table ! » ou « Oh mon Dieu, en salle de réunion il y a des croissants ! » n’est pas neutre face à la nourriture. L’idée, c’était de neutraliser ce sujet, pour l’aborder de la même façon que les chaises de réunion. Les chaises, parfois il y en a plein et tant mieux. Parfois il n’y en a pas et il faut rester debout, c’est un peu pénible, mais c’est comme ça. J’ai créé un autre chemin neuronal dans ma tête, c’est vraiment ainsi que je le vois, qui prouve qu’il y a des soirs où ça se passe bien, c’est super, et où la nourriture est neutre, que ce soit des haricots verts ou autre chose. Elle n’a pas de pouvoir sur le fait que je me sens bien, que mon chéri se sent bien, que l’ambiance est bonne, que notre relation va bien, etc.
- C’est vraiment intéressant que tu emploies le terme de « pouvoir », comme si, finalement, nous prêtions un pouvoir spécifique à un type d’aliment ou à un plat, un buffet, un croissant, un cookie, etc. Alors que, même si ce n’est pas un objet bien sûr, la relation et l’attirance est différente d’avec une chaise, il ne s’agit que de nourriture.
- Ça ne reste qu’un objet dans la pièce, qu’il faut considérer comme il est. Un croissant, c’est quoi ? C’est du beurre, de la farine, du sucre. Un croissant, c’est ça, ce n’est rien d’autre que ça. Pourtant, quand on le mange, ça amène des sensations, des souvenirs. Ce qui m’a un peu aidée moi et qui peut en aider d’autres, c’est de décorréler ces souvenirs du croissant. À la façon d’un scientifique, j’ai décortiqué ce qu’il se passait dans ma tête, pour comprendre que c’était normal que la présence d’un croissant dans une pièce me fasse cet effet-là. C’est normal de ressentir ces sensations, parce qu’en tant qu’être humain, tout ce qui a un goût sucré est perçu comme indispensable pour la survie. C’est le reste de notre cerveau reptilien, qui orientait les hommes de Cro-Magnon vers les aliments énergétiques, pour rester forts. C’est pour cela que, lorsque nous en mangeons, nous ressentons des émotions fortes et nous avons envie d’y revenir, plus qu’avec des haricots verts. C’est juste pour cela. Pouvoir me dire que « ah, ce n’est que ça qu’il se passe ! », ça m’a beaucoup aidée à me détacher de la nourriture, à la faire redescendre à sa juste valeur. Elle a un pouvoir, mais pas un pouvoir incontrôlable.
- Ça a ramené les aliments à la juste place de ce qu’ils peuvent nous apporter – y compris le plaisir. Puisque tu avais deux catégories d’aliments : les « plaisir » et les « pas-plaisir » (voire « déplaisir »), j’imagine que tu as travaillé là-dessus, sur cette place du plaisir dans le rôle de l’alimentation ?
- Oui, tout à fait. Je parlais tout à l’heure du fait que c’était ma journée le problème, pas le soir. Je ne voulais surtout pas réentendre parler de régime, parce que je n’avais que le soir pour avoir du plaisir. La nourriture, à cette époque, représentait 80 % du plaisir dans ma vie. J’avais mon chéri, la nourriture, mon chat, un peu ma famille… Mais dans tout ça, la nourriture prenait 80 % de la place, et tout le reste prenait les 20 % restants. Je n’avais pas de hobbys, de passion, pas de travail qui me passionnait avec des supers collègues, etc. Il existe plein de ressentis différents du plaisir au quotidien. Le mien était presque à 100 % accaparé par la nourriture. Si bien que, quand on me disait : « arrête la nourriture et tu minciras », moi je pensais : « mais si je fais ça, je meurs en fait ». Sans source de plaisir, sans rien qui me rende heureuse… à quoi ça aurait servi ? En décorrélant le plaisir et la nourriture, en réalisant que la nourriture ne peut pas agir sur mon couple et mon bonheur et en mettant du plaisir dans d’autres domaines de ma vie, comme le boulot par exemple, j’ai supprimé le rôle de tampon émotionnel qu’avait l’alimentation pour moi.
Je parle souvent de cela à mes coachés, parce que c’est mon domaine de compétence : un boulot n’est pas censé être dur. Dans la conscience collective, le boulot occupe une place un peu négative. Évidemment, c’est normal d’être content et pressé d’être en vacances, de se dire « Yes, c’est vendredi ! », mais il existe différents niveaux dans ce soulagement. Si on en est au point de rentrer de sa journée de travail vidé de son énergie et qu’on s’asphyxie avec de la nourriture ou des écrans et des séries, avant de se coucher sans avoir laissé 2 secondes au cerveau pour se poser, c’est qu’il y a un problème. Quand on utilise un tampon émotionnel, nourriture ou autre, on a tendance à ne pas vouloir l’arrêter, parce que sinon le cerveau revient pour nous dire « Là, il y a un gros problème ! Claudia faut que tu te réveilles, ton boulot, ça ne va pas là ! » Dans ce genre de situation, on cherche à anesthésier son cerveau.
- Du coup, tu as effectué ce travail-là de remettre le plaisir de l’alimentation à sa juste place, comme tu le disais, notamment en modifiant ce qu’il se passait au niveau de ta vie professionnelle.
- Exactement. Le premier point fut de faire la part des choses entre mon travail en lui-même et mon ressenti, pour ne pas le considérer comme mon bourreau. C’est un travail très bien, dans lequel plein de collègues se sentent heureuses. Ce n’était pas le travail qui était un problème, c’était moi qui n’y étais pas à ma place. Ensuite, j’ai cherché, entre autres choses – car ça ne résout pas tous les problèmes ! – un travail qui répondait à mes besoins. Une de mes valeurs très fortes, c’est l’indépendance, et l’un des moyens de l’atteindre est le fait d’être entrepreneuse. En tant que salariée, j’avais des horaires fixes et précis et j’ai compris avec le recul que ça, c’était très dur pour moi. Par ailleurs, j’ai découvert d’autres sources de plaisir. Le sport est venu dans ma vie par exemple, un peu sans faire exprès. J’ai vite compris que le sport serait un allié pour me reconnecter avec mon corps et ses ressentis. Lorsqu’on fait du sport, on doit effectuer certains mouvements et être attentif à correctement les effectuer. J’ai découvert un sport qui me passionne, qui est le crossfit. Ce sport, pour moi, est un vrai kiff, je le pratique avec des personnes avec lesquelles je m’entends super bien. Grâce à toutes ces choses, je me suis rendu compte que la nourriture est accessoire. J’ai réalisé qu’elle pouvait passer après.
Travailler mon identité
Enfin, j’ai fait un travail sur mon identité. Le sport m’a permis de prendre plein de plaisir. De plus, ça a une action de régulation de la faim. Je me sentais de plus en plus connectée avec moi-même. Ça a aussi participé à un travail sur mon identité : je ne voulais plus être la fille en surpoids, qui veut perdre du poids, qui fait toujours attention à sa nourriture, etc. Je me suis inspirée de certains sportifs, qui avaient des identités de sportifs. Je m’en suis vraiment inspirée jusqu’au bout, par exemple en mangeant certains aliments bons pour les performances sportives. Cela m’a beaucoup intéressée. J’ai commencé à faire ça, à avoir une alimentation super saine… mais, un problème entre guillemet, est que mon alimentation était très axée sport, mais aussi beaucoup inspirée d’hommes. Je me suis comparée à des garçons qui faisaient du sport avec moi et qui mangeaient comme ci, comme ça et je mangeais autant qu’eux. J’avais un souci d’équité avec mon chéri. À la maison, on partageait quasiment tout, y compris la nourriture. Quand je préparais un plat, je cuisinais et je dispatchais le plat en deux. Nous avions chacun notre côté, à part égale. Sauf que mon chéri mesure 1m90 et pèse 90 kg et moi non. Je mesure 1m68, donc je n’ai pas les mêmes besoins que lui. J’ai donc recommencé un travail d’identité et de reconnexion à mon corps. Je mangeais super sain, il n’y avait pas de problème là-dessus, mais les quantités étaient trop importantes. Le sport m’a aidé, à savoir quoi mettre dans mon assiette, à réaliser que c’est possible de manger ainsi et que ce soit joyeux. Mais il m’a encore fallu réaliser qu’en tant que femme, avec mon poids et ma taille, je n’avais pas besoin de manger autant. J’ai donc dû apprendre à manger « pas beaucoup ». Là, un autre lot de croyances a débarqué, avec des idées comme : « manger peu, c’est être faible ». Mais aussi des souvenirs et des peurs, à la vue de certains chiffres que l’on nous donne comme « guides » : « La dernière fois que j’ai fait ce poids, je venais de me faire opérer, je ne pouvais plus rien manger… OK… », ou « La dernière fois que j’ai fait ce poids, je venais de me faire larguer par mon ex et j’étais super triste… OK… » Ces chiffres qui m’entouraient faisaient remonter des pensées de ce type-là. Mon nouveau travail fut donc de décorréler les deux, de me dire que : « Ces chiffres sur la balance n’ont aucun lien avec comment tu te sens aujourd’hui. Ce ne sont que des informations techniques, métriques, au même titre que ta pointure de chaussure. Ton poids et ta taille, ce ne sont que des informations. » J’ai dû bien assimiler que faire tel poids, ça ne signifie pas forcément être malade ou être très triste.
Donc, une fois que fut fait le travail sur l’identité sportive, je mangeais bien… mais je mangeais trop. Maintenant, quand je me sers, je me dis que ce que je mets dans mon assiette, ce n’est pas une question d’égalité des sexes. Mon chéri a besoin, en termes de quantité de nourriture, de plus que moi, parce qu’il est grand. Il faut remplir toute sa hauteur ! Moi, je suis plus petite, donc j’ai besoin de moins. Maintenant, je me concentre sur ma faim, ma satiété et ma volonté de complètement retrouver le plaisir de manger. Je me sers et je vois où ça m’amène… et effectivement : je mange moins que lui, il mange plus que moi. C’est tout à fait normal et logique. Les notions telles que « il faut séparer en deux », « chacun doit avoir la même quantité » n’ont pas leur place.
Ma situation actuelle avec l’alimentation
- Combien de temps cela t’a pris, tous ce travail ? Tu parlais de 2017, où tu as eu la prise de conscience que tout ça ne te correspondait plus, ne te convenait plus. Aujourd’hui, nous sommes en 2021. Où est-ce que tu dirais que tu en es aujourd’hui et combien de temps cela a pris ?
- En 2017, cela a pris plusieurs semaines de « conscientiser ». La partie « boulot » est arrivée assez vite. 1 an et demi après, j’ai changé d’emploi, après m’être rendue compte que c’était une partie du problème. J’ai commencé un travail qui donne vraiment du sens à ma vie. En 2018, donc un peu plus d’un an après, j’avais réussi à quitter le « j’ai besoin de gagner ma vie donc je me rends au boulot », pour passer à un « ça va être agréable, ça va être une partie de plaisir ce que j’ai à faire aujourd’hui ». Ensuite, environ 6 mois après cela, donc plus ou moins 2 ans après avoir eu ce choc devant le miroir, j’avais adopté mon identité sportive. Quelques mois après, fin 2019-début 2020, je me suis rendue compte qu’il fallait que je travaille cette histoire d’équité dans la quantité de nourriture. Aujourd’hui, je travaille encore là-dessus. Est-ce que je suis proche de la fin ? Je ne saurais pas dire, puisque tant que ce n’est pas terminé, nous n’avons pas de recul. Mais, aujourd’hui, j’arrive beaucoup mieux à passer outre les expressions telles que « un appétit de moineau », qui, il y a quelque temps, m’inspiraient vraiment des pensées de personnes toutes minces, toutes frêles et, qui du coup, ne sont pas fortes dans la vie non plus. En ce moment, je travaille encore à dégommer mes pensées qui tendent vers l’idée qu’il faut être « épaisse », corporellement et dans son assiette, pour être forte dans la vie, dans tous les sens du terme. Je suis encore dans une période où j’apprends à me rendre compte qu’on peut manger un petit peu, seulement ce dont on a besoin et être forte et en forme quand même. Je me force… enfin je m’encourage plutôt, à regarder mes plats en me disant : « Il n’y a pas beaucoup à manger et c’est OK. », ou bien « Tu vas voir, tu ne vas pas manger beaucoup et pourtant ça va très bien se passer, tu ne vas pas devenir moins forte. » Je me le dis consciemment, parce que sinon je sens cette croyance qui me souffle que « manger peu, ce n’est pas bien ». Ceci étant, la grosse différence avec cette période, au lycée, où je me disais que « ce serait bien de perdre ces quelques kilos », c’est que maintenant, je le fais parce que je m’aime. J’ai dit, au début, qu’avant je ne me touchais jamais. Aujourd’hui, si je suis en train de travailler et que d’un coup, ça me gratte, et bien je me gratte, mais presque à la façon d’une caresse. Je vis avec une vraie notion d’amour de mon corps et d’amour de moi-même en tant qu’esprit. Je vis beaucoup plus dans la gratitude au quotidien, et je le fais parce que je m’aime, non pas pour me punir ou autre. Je pense que c’est ça le gros « switch » dans ma façon d’aborder les choses qui fait que, cette fois, ça marche et c’est définitif. Ce que j’acquière là, je ne peux pas le perdre ni l’oublier. Je le fais parce que je m’aime, parce que c’est bon pour mon corps. Je ressens vraiment l’amour de moi « puissance 8 000 », grâce à la nourriture.
- Ça n’a effectivement rien à voir avec ton état d’esprit du lycée ! Ce que je trouve vraiment important et tu le rappelles ici, c’est que se réconcilier avec la nourriture, c’est un processus qui prend du temps et qui s’implémente dans le temps. On est loin de ces méthodes miracles qui font perdre 5 kg avant l’été ou miraculeusement guérir de l’hyperphagie en 3 mois… Ce n’est pas comme ça que ça marche ! Tous ces « objets brillants » qui nous entourent en permanence – surtout au printemps – ne sont pas des solutions à long terme. Alors que les démarches que tu as effectuées, c’est pour toujours ! Il y a des retours en arrière qui ne sont pas possibles. Il peut y avoir des régressions, par moments, mais globalement, c’est un processus qui avance, avec des étapes qui nous empêchent de retourner en arrière.
- C’est ça. D’ailleurs, je dirais que c’est comme ça que je vérifie si ça marche. Si je prends l’exemple de quelqu’un qui aimerait perdre 10 kg, je pense que cette personne n’a pas seulement envie de perdre 10 kg. Elle a sûrement aussi envie de modifier son rapport à la nourriture, son mode de vie, etc. Parce que si vous souhaitiez seulement perdre quelques kilos, les régimes « faciles » seraient suffisants, vous pourriez le faire. Alors que si, comme la plupart des gens et comme moi-même, vous souhaitez, plus globalement, changer votre rapport à la nourriture et retrouver le plaisir de manger, alors, dans le fond, ce n’est pas de ces régimes miracles dont vous avez besoin. Ce que vous recherchez, c’est bel et bien une réelle démarche envers vous-même, qui demandera forcément un minimum de temps. Ce que vous souhaitez, c’est arriver naturellement à ce chiffre, sans que ça résulte d’un calcul, que ce soit 100 % vous. C’est cela aussi, que je veux dire quand je dis que c’est ainsi que je vérifie si « ça marche ». D’ailleurs, la personne qui m’a formée et certifiée au coaching dit souvent qu’elle aurait pu appeler son programme sur la nourriture : « la plus longue façon de perdre du poids ». Elle ne l’a pas fait, parce que ce n’est pas très vendeur, pas très marketing, mais, dans les faits, c’est comme ça que marche. Si tu veux perdre du poids pour la dernière fois de ta vie, ça ne se fera pas en un coup. Il faudra aller à la recherche de toutes les petites raisons qui font que ça ne fonctionne pas, les dégommer une par une, à 100 %. Une habitude, pour être 100 % adoptée, cela prend des mois. Après, il faut passer à la suivante. C’est comme ça que c’est définitif.
- On arrive au bout de cet entretien. Claudia, as-tu envie de nous livrer une phrase de conclusion ? Y a-t-il quelque chose que tu as envie de transmettre pour la suite ?
- Ce qui me vient à l’esprit, c’est vraiment : aimez-vous. Aimez votre corps et aimez même aussi tout ce brouhaha autour de la nourriture, parce que c’est en l’aimant, en vous aimant, en aimant cette partie de vous qu’elle va vous laisser tranquille. Alors que si vous luttez contre ça, ça ne fera que se renforcer. Cette partie de vous ne se sentira pas comprise et résistera. Donc aimez-vous, même cette partie de vous qui est obsessionnelle avec la nourriture. La lutte, vous l’avez essayée, c’est bon, là si vous écoutez le podcast, c’est que vous l’avez trop essayée et que vous avez besoin d’autre chose ! Je vous suggère de tenter l’approche bienveillante : faites-le pour vous, parce que vous vous aimez.
J’espère que le témoignage de Claudia trouvera écho en vous. Transmettre son expérience était important pour elle et c’est entre autres pour cela qu’elle a à cœur d’accompagner des femmes, pour les aider à trouver un travail qui a du sens pour elles, qui est en cohérence avec leurs valeurs. Vous pouvez retrouver Claudia sur son compte Instagram.
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