Sophrologie et troubles alimentaires | Échange avec Alizée Perrin

Bienvenue dans ce nouvel article de mon podcast sur l’alimentation, « La pleine conscience du pouvoir ». Aujourd’hui, j’ai la joie de recevoir Alizée Perrin, sophrologue spécialisée dans l’accompagnement des troubles alimentaires. Elle nous avait déjà apporté son témoignage dans l’épisode 38 du podcast. Aujourd’hui, c’est la professionnelle que je reçois. Travailler avec des approches complémentaires est pour moi indispensable pour guérir des TCA, comme nous l’avions également vu avec Clémence, psychomotricienne, dans l’épisode 59. Qu’est-ce que la sophrologie ? Comment sophrologie et troubles alimentaires peuvent-ils se rencontrer ? Pour qui cela peut être intéressant ? Voilà autant de questions que nous allons aborder ensemble. 

Qu’est-ce que la sophrologie ?

– Bonjour Alizée !

– Bonjour Anne !

– Est-ce que cette introduction te convient, ou bien as-tu des points à ajouter ?

– Non, c’est bon. 😊 Je suis ravie d’être invitée pour ce nouvel épisode. J’ai hâte de parler sophrologie et troubles alimentaires, pour expliquer comment cette approche peut aider face à ces problématiques. D’ailleurs, il n’y a pas besoin que ça aille jusqu’à un TCA. Il peut simplement être question d’une relation négative ou impulsive avec la nourriture, par exemple.

– Pour commencer, est-ce que tu veux bien nous expliquer ce qu’est la sophrologie, d’une manière générale ? Certains auditeurs et lecteurs ne connaissent peut-être pas très bien cette approche…

– Oui, bien sûr. La sophrologie est une méthode psycho-corporelle. Elle fait partie de ce que nous appelons les médecines alternatives, ou médecines douces et elle est considéré comme une thérapie courte. Ça peut aller de plusieurs semaines à plusieurs mois, mais en tout cas, c’est généralement délimité dans le temps. Avec cette méthode psycho-corporelle, nous utilisons des mouvements du corps et la respiration contrôlée. La visualisation nous sert à mettre la personne en état de conscience modifiée. Cet état de conscience ressemble un peu à ce moment où nous sommes presque endormis, mais pas encore. C’est un état, un moment, que nous recherchons en sophrologie, car la personne a alors moins de barrières, moins de filtres. Elle sera donc plus apte à aller chercher et à interroger ses mécanismes, ses fonctionnements, à aller creuser des problématiques, des schémas qu’elle aurait, etc. C’est à ça que sert la sophrologie. Maintenant : comment ça fonctionne ? On utilise des exercices dynamiques, des mouvements du corps assez simples et doux. Ils s’inspirent un peu du yoga, mais sans l’aspect sportif. C’est accessible à tout le monde. Dans le même temps, on peut pratiquer une respiration contrôlée. Il peut s’agir d’apnée ou de relâchement, par exemple. La respiration est souvent amplifiée. Bien sûr, chacun de ces exercices ont une thématique, une intention. Personnellement, je les utilise souvent pour se connecter avec les gestes de manger, avec les mains, la bouche, les sens, etc. Ensuite, il y a la visualisation. Là, la personne que j’accompagne s’allonge, ferme les yeux, écoute ma voix et c’est moi qui guide la personne. Tout d’abord, je l’amène vers un état de relaxation profonde, pour qu’elle accède à l’état de conscience modifiée dont je parlais. Ensuite, tout dépend de la thématique abordée dans cette séance. Encore une fois, s’il s’agit de travailler sur les sensations alimentaires, la visualisation peut être axée sur le fonctionnement du corps, sur la régulation, sur les sensations de faim, etc. Durant ce moment, la personne est complètement déposée dans une sorte de nuage.

Quel lien entre sophrologie et hypnose ?

– Ça fait envie, dis-moi ! 😉 En t’écoutant, tester cette expérience devient tentant ! Mais je me demande : quelle différence fais-tu avec l’hypnose ? J’y pense à cause de l’état de conscience modifié dont tu as parlé. J’ai déjà expérimenté moi-même la sophrologie, mais jamais l’hypnose, donc ma question est un peu empirique… Mais du coup, j’aimerais bien que tu nous éclaires sur ce point. 😊

– La différence, c’est qu’en sophrologie, on travaille plus sur la conscience. En hypnose, on travaille plus sur l’inconscient.

– Exact !

– Aussi, je trouve qu’en hypnose, la manière de guider est différente. En hypnothérapie, il me semble que la personne est beaucoup plus guidée. En sophrologie, on laisse des pauses, assez longues, pour que la personne laisse parler son imagination. On est plus libre lors d’une visualisation de sophrologie, en tout cas c’est ce que j’ai pu noter.

À qui s’adresse la sophrologie ?

– Ok, merci. 😊 À quels types de symptômes et de problématiques la sophrologie s’adresse-t-elle ? Là encore, je pose la question d’une façon générale. Nous nous concentrerons sur l’application de la sophrologie pour les troubles alimentaires dans un second temps.

– Ça peut être plein de choses ! Il faut savoir que la sophrologie, ça peut être une béquille ou un ensemble d’outils. Le but principal, je dirais que c’est d’acquérir une mentalité adaptative et sereine face aux aléas du quotidien. Après, il y a plein de spécialisations. C’est adapté aux personnes qui souffrent de stress chronique, d’anxiété, voire de trouble anxieux. Ça peut aider à traiter les phobies, les troubles du sommeil… C’est beaucoup utilisé aussi en préparation à l’accouchement et/ou pour soulager les petits symptômes de la grossesse. Les personnes sportives peuvent y avoir recours, ou encore celles qui désirent préparer un événement, une expérience, un concours, etc.

– Oui ! J’avais expérimenté ça : une préparation pour une audition. Ça avait super bien fonctionné. J’avais trouvé ça extraordinaire !

– Et oui ! 😊 Pendant la séance, tu te détends. Ce bien-être se ressent pendant la séance et juste après, bien sûr. Mais on peut aussi prévoir des outils et des exercices à réutiliser plus tard, seul. C’est aussi ça, le but. Du coup, ça peut être très utile pour la relation à l’alimentation et pour l’image corporelle. En séance, on prend conscience de certaines choses, mais après, ça s’applique au quotidien et peut utiliser des outils. À terme, le but est de modifier les mécanismes de tous les jours qui génèrent de la souffrance.


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Pourquoi choisir la sophrologie et les troubles alimentaires comme voie professionnelle ?  

– Je vois. 😊 Qu’est-ce qui t’a amenée, toi, à te spécialiser autour des comportements alimentaires et des TCA ? Si on réécoute l’épisode 38, dans lequel on entend ton témoignage, on peut supposer que c’est ton histoire personnelle qui t’a conduite à mixer sophrologie et troubles alimentaires dans ta vie professionnelle. Qu’en est-il ?

– Oui, totalement. La sophrologie est venue assez naturellement quand j’ai fait ma reconversion professionnelle. Ensuite, petit à petit, je me suis dirigée vers cette spécialisation, de façon naturelle, là encore. J’avais envie d’aider d’autres personnes sur ce chemin-là, à ma façon et, bien sûr, en complément d’autres disciplines. Je me suis vraiment rendu compte à quel point les accompagnements autour des TCA sont multidisciplinaires. Je trouvais ça fascinant et complexe. Une des choses que j’adore dans ce que je fais, c’est la connexion avec chaque personne et le fait de recueillir chaque histoire, qui est complètement unique. Ça a quelque chose de beau, même si ce sont souvent des histoires très chargées. Parfois, ce n’est pas facile, voire même assez lourd, je dirais. Mais c’est ce qui me plaît et c’est ça aussi, qui m’a attirée vers ce métier. En plus, quand on sort des TCA et de la culture des régimes, je pense qu’on ressent facilement un mélange d’envie d’aider et de militantisme. Je pense que ça aussi, ça a sa place dans le métier que j’exerce aujourd’hui.

Sophrologie et troubles alimentaires : une approche corporelle de la guérison des TCA

Comment cette médecine douce peut aider à guérir d’un TCA ?

Retrouver ses sensations corporelles et leur faire de la place

– Oui, je comprends. 😊 Maintenant, rentrons dans le vif du sujet : la sophrologie et les troubles alimentaires. Tu nous en as un peu parlé dans ta présentation générale, notamment au travers du travail sur le corps, au travers des gestes, etc. Raconte-nous en plus. 😊 Explique-nous, plus en détail, la façon dont tu accompagnes les personnes qui souffrent d’un TCA ou d’une relation troublée à l’alimentation.

– Il y a plein d’axes de travail et ça dépend de ce que la personne me confie lors de la première consultation. Il s’agit alors d’un bilan général, afin que je puisse m’adapter pour la suite. Souvent, plusieurs axes ressortent de cet échange. Je parlais tout à l’heure d’acquérir de la conscience dans le fait de manger, par exemple. Il s’agit alors de travailler sur le fait de ralentir, de créer un moment de réflexion, avant et pendant qu’on mange. Ça, c’est surtout pour les personnes qui viennent me voir avec un problème de compulsions récurrentes, avec une impulsivité alimentaire, avec une impression de perte de contrôle. Là, la sophrologie peut agir et compléter d’autres disciplines. Elle permet de décomposer le geste de manger et de s’y reconnecter. Un autre travail peut être fait sur les sensations. Il s’agit alors de retrouver une connexion et surtout de réapprendre à respecter les sensations alimentaires telles que la faim, la satiété, etc. Je me rends compte qu’il y a beaucoup de personnes qui les écoutent, mais qui ne les respectent pas, qui n’y répondent pas.

– Oui, c’est souvent sur ce point-là que c’est le plus compliqué. Dans un premier temps, on se les réapproprie. Mais après, il faut encore les suivre et ça, c’est une autre étape. 

– Oui, je trouve en effet qu’il y a 2 étapes à distinguer. Souvent, j’essaie de débloquer cette étape 2. Mais parfois, ça bloque aussi à l’étape 1. J’accompagne entre autres des personnes qui n’ont aucune connexion avec leurs sensations. Ces dernières sont complètement ignorées. Il arrive même que la personne ne sache même pas ce que c’est, de ressentir la faim ou la satisfaction dans son corps. Il peut y avoir un vrai réapprentissage de tout ça. Aussi, je croise souvent cette croyance que « si je mange alors que je n’ai pas faim, c’est de la gourmandise et ce n’est pas bien ». Dans ce cas-là, il faut également réapprendre ce qu’est la sensation de rassasiement à la fin d’un repas. Avec la sophrologie, notamment pendant les visualisations, on essaie de se réapproprier ça et de normaliser le plaisir. On essaie de rendre le plaisir et la satisfaction de nouveau légitimes. On travaille à se rendre compte de comment on se sent, dans le corps, quand on est vraiment satisfait après un repas.

– Si je comprends bien, quand tu parles de visualisation, il s’agit de se remettre, par l’imagination, dans ses sensations-là. N’est-ce pas ?

– Ça peut être ça, effectivement. La visualisation peut concerner, par exemple, le souvenir d’un repas. On peut juste imaginer le repas, s’imaginer faire certains gestes, etc. Soit on revit des souvenirs, soit on s’imagine, soit on se projette dans l’avenir. Les notions de passé, présent et futur ont une vraie place en sophrologie et ça permet de travailler sur plein de choses. En général, on essaie de faire quelque chose de chronologique. Avant ce travail d’écoute des sensations, il peut arriver que la personne ait un blocage. Il peut venir des pensées de contrôle qu’elle peut avoir, en raison de résidus de précédents régimes ou des troubles alimentaires avec lesquels elle a un passif. Dans ces cas-là, on va travailler à prendre du recul, à prendre de la distance avec ces pensées. Ça, c’est vraiment un des cœurs de la sophrologie, même en dehors de la thématique de l’alimentation.

Prendre du recul par rapport à ses pensées de restriction cognitive

– D’accord. Il y a donc un travail autour des pensées et de la restriction cognitive. Dans ce cas, on est dans un processus d’éloignement, de prise de recul, de distance.

– C’est ça. Quand je dis « prise de distance », il s’agit effectivement de prendre du recul. Elle peut concerner les pensées de restriction, comme on vient de le dire. Mais, elle peut aussi viser les jugements qu’on peut avoir sur soi-même quand on est en restriction ou qu’on catégorise les aliments. Il s’agit alors de prendre du recul pour se demander : « Est-ce que c’est vrai ? Est-ce vraiment un mauvais aliment ? Est-ce que ça va me faire du bien ou non ? ». On commence alors à déconstruire ce classement interne des aliments. Ça, c’est une part du travail. Tout ça, c’est ce qu’il se passe en séance, où on essaie de faire le tri parmi ces pensées et ces règles pour assouplir et apporter un apaisement. En-dehors de ça, il y a aussi des exercices que je peux donner à faire en-dehors des séances, pour compléter.

– Tu donnes de petits devoirs. 😉

– Oui, c’est ça, je donne des devoirs. 😊 Je trouve ça nécessaire.

– Je suis d’accord. C’est nécessaire pour entraîner ces habiletés-là.

– Voilà. Tout se complète en fait : la séance complète les exercices qui ont été faits avant et les exercices que je donne à faire complètent ce qui a été fait en séance. Ce sont en général des exercices pratiques, en lien avec la nourriture, ou des exercices écrits. Je conseille beaucoup d’écriture thérapeutique. Même en-dehors de ma spécialisation, je conseille beaucoup d’écrire, d’écrire, d’écrire, tous les jours, de tenir un journal de ses ressentis.

– Oui, moi aussi, j’aime bien proposer ça aux personnes que j’accompagne, en particulier dans la relation avec l’alimentation. Je propose de réaliser un journal de bord, un journal de pensées, de prendre des notes, voire même de documenter son avancée… J’aime bien quand tu parles de ce continuum entre les séances, les exercices, le vécu de ces exercices qui revient en séance et qui permet de continuer et de proposer d’autres expériences, etc. Ça illustre pourquoi l’implication que chacun met dans cet accompagnement est important. Ce n’est pas une baguette magique et l’implication de la personne dans le processus et dans les expériences compte beaucoup et permet de voir la démarche avancer et aboutir.

– Je suis totalement d’accord ! Il n’y a pas de méthode miracle et c’est un ensemble de plusieurs pièces de puzzle.

Sophrologie et troubles alimentaires : à qui cela convient-il ?

– D’ailleurs, j’aurai peut-être dû commencer par cette question… Quels types de personnes arrivent jusqu’à toi ? Est-ce que ce sont des thématiques qui se ressemblent ou est-ce que c’est très varié ? Est-ce que tu accompagnes un certain type de trouble des conduites alimentaires ou pas spécialement ?

– Il y a des choses qui se ressemblent, au moins dans les profils de personnes qui viennent me voir… même s’il y en aussi, parfois, qui n’ont rien à voir avec la majorité. En général, je reçois des personnes qui viennent me voir pour des compulsions, de l’hyperphagie, voire de la boulimie. Mais, dans le cas de l’hyperphagie et de la boulimie, il faut qu’il y ait un autre accompagnement à côté. Ce n’est pas possible que je prenne seule en charge cette personne. Il faut au moins qu’elle soit accompagnée, en plus, par un psy, un diététicien, un médecin, ou autre. Je reçois également des personnes qui, sans être dans ces catégories-là, en ont juste marre de leur situation actuelle. Après avoir vu, par exemple, des comptes Instagram de personnes parlant d’alimentation intuitive ou d’autres façons de manger plus apaisées, elles décident de prendre ce chemin-là, elles aussi. Il s’agit alors de personnes qui souhaitent tout simplement s’éloigner de la restriction cognitive. Voilà les profils que je croise. Le seul profil que je ne gère pas, sauf cas particulier, c’est l’anorexie. Pour moi, c’est un peu différent.

Sophrologie et troubles alimentaires : une médecine douce pour la guérison

Cette médecine alternative est-elle plutôt corporelle ou psychologique ?

– D’accord. J’aimerais maintenant revenir sur la notion d’approche psycho-corporelle. Est-ce que ça te convient si on dit que la sophrologie est une approche plutôt corporelle qui vient compléter la sphère plutôt psychologique ? Je parle notamment des personnes autour desquelles nous sommes plusieurs professionnels à intervenir. Nous avons évoqué également ce sujet-là avec Clémence, dans l’épisode sur la psychomotricité.

– C’est vrai que je n’en ai pas beaucoup parlé jusqu’à présent. Évidemment, c’est une approche très très liée au corps. J’ai pas mal parlé du geste de manger. Mais il n’y a clairement pas que ça. Nous nous penchons aussi sur la façon dont on perçoit son corps à l’intérieur. J’ai parlé des sensations, notamment. Ça concerne aussi la façon dont on le perçoit à l’extérieur, au travers de l’apparence. En plus de ça, nous pouvons faire un travail sur la densité, sur le volume ou encore sur le poids du corps. Un gros gros travail que je retrouve chez presque toutes les personnes que j’accompagne, consiste à prendre leur place dans l’espace. Je me retrouve souvent avec des personnes qui ont peur de prendre leur place, qui ont peur d’être elle-même. Ça se traduit souvent, si ce n’est tout le temps, par une peur de grossir. Elles ont peur que sinon, elles seront rejetées, elles ne seront pas aimées. Elles ont peur de prendre trop de place si elles expriment leur avis ou leurs émotions. Souvent, je retrouve cette notion de « trop » et cette envie de se réduire le plus possible. Moi, j’adore travailler sur ça, avec plein d’exercices basés sur des étirements, sur de grands gestes avec les bras, où on se déploie, etc. On travaille à prendre de la place dans l’espace et à se créer une bulle, un bel espace pour évoluer librement dans sa relation à l’alimentation. Il y a tout un travail sur le corps et sur la libération du corps dans le mouvement et dans l’espace.

– En t’écoutant, j’ai vraiment cette vision d’un corps tout ratatiné, tout serré, étriqué et qui peut enfin se déployer et oser. Tu parlais de prendre sa place, d’être présent au monde, du ressenti intérieur de son corps… Tout ça, ça me parle beaucoup. Je ne sais pas cette histoire de « ressentir à l’intérieur », de sentir l’existence de sa chair, est claire pour ceux qui nous lisent et nous écoutent. Tu vois ce que je veux dire ?

– Je vois totalement ce dont tu parles, oui. Nous, on appelle ça l’intéroception. Il s’agit de ressentir comment on fonctionne. On commence par le cœur, puis par la respiration. Ensuite, ça peut aller beaucoup plus loin, jusqu’à certains tissus ou certains organes. Ressentir la densité de son corps n’est pas forcément évident pour tout le monde. Il y a des personnes qui arrivent plus ou moins que d’autres à ressentir ça. Ça peut être un vrai gros travail. Souvent, on part de l’intérieur du corps et ensuite, on passe progressivement à l’extérieur, jusqu’à cette fameuse ouverture. Ça peut aller jusqu’à un vrai travail sur l’identité. Comme nous le savons, quand on a des TCA ou une relation troublée à l’alimentation, c’est souvent très lié à l’identité et au fait qu’on essaie de donner une image de soi parfaite et contrôlée. Je retrouve souvent ça dans les profils que j’accompagne : « Devant les autres, je dois être parfaite. Je dois manger super healthy. Je ne dois pas dépasser. ».


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Quel lien entre cette approche et la psychothérapie et la psychologie ?

– On est dans quelque chose de très rigide et il y a alors un travail à faire autour de la flexibilité. Nous proposons cela l’une comme l’autre. Je me rends compte que nous abordons des sujets communs, dans nos accompagnements. Ce serait quoi, pour toi, la différence entre nos travails respectifs ? Quelles seraient les limites de l’une ou l’autre des approches, selon toi ? À quel moment la sophrologie et les troubles alimentaires peuvent avoir besoin de la psychologie ou de la psychothérapie ? À quel moment la psychothérapie peut avoir besoin de la sophrologie ? Comment tu vois ça ?

– Je pense que l’approche est commune, dans le sens où il s’agit, par exemple, d’aborder la restriction cognitive, de réinstaurer les sensations corporelles, de travailler sur l’identité, etc. Par contre, les outils utilisés ne sont pas les mêmes, pour la plupart. De plus, je pense que lorsque nous sommes en face d’un psychologue, il y a davantage de dialogues, même s’il peut aussi y avoir des expériences, des exercices. Tu me dis si je me trompe, mais le psychologue ou le psychothérapeute est plus là pour amener des pistes de réflexion, à l’aide de questions. Il s’agit d’amener la personne à prendre conscience par la parole. Moi, j’amène la personne à prendre conscience de ses différents mécanismes et problématiques grâce à la visualisation, ou éventuellement grâce à des expériences ou à l’écriture. Mais en tout cas, ce sont les exercices et la visualisation qui amènent à la prise de conscience, en passant par l’écriture de leurs ressentis. Petit à petit, en écrivant, ils se rendent compte et comprennent ce qu’ils ont pu vivre lors des visualisations. Le but est le même : avoir des prises de conscience pour pouvoir avancer, mais les outils, les moyens, sont différents. Tu me demandais aussi comment ça se complète. Sur ce point, je dirais que ça dépend des besoins des gens. Parfois, je sens que la personne a davantage besoin de dialogue. Inversement, il m’arrive aussi de recevoir des personnes qui m’expliquent qu’elles ont vu un super psy et qu’elles ont avancé sur certains sujets. Mais, maintenant, elles ont besoin d’autre chose, d’une autre approche, d’un autre point de vue. Honnêtement, c’est du cas par cas.

– Personnellement, dans ton travail, je perçois la spécificité de passer à chaque fois par le corps. Même l’écriture passe par le corps, de par le geste. Le mouvement, la visualisation qui ramène des sensations, etc. : tout ça est très corporel. Je n’avais pas conscience de ça, au sujet de la sophrologie.

– Ce que je fais, c’est une concrétisation de beaucoup de choses qui peuvent être bien perçues dans la tête. Souvent, des personnes arrivent jusqu’à moi en me disant : « J’ai pris conscience du problème, je sais ce que je devrais faire, mais je n’arrive pas à appliquer ça au quotidien, dans ma façon de manger. ». Ce que je constate fréquemment dans les exercices dynamiques, c’est que beaucoup de personnes ont du mal à retenir et à relâcher leur respiration, ou à bouger le corps, à faire des rotations, etc. C’est parfois très flagrant. Au fur et à mesure, elles libèrent leur corps et ses mouvements. Je trouve que c’est une façon de libérer son être entier, de débloquer des trucs profondément ancrés.

– Ça me fait penser à quelque chose que j’entends beaucoup et que les personnes que tu accompagnes doivent souvent te dire aussi. Régulièrement, on me parle de la sensation d’être coupé au niveau du cou, comme s’il y avait la tête, le corps à côté et une coupure totale entre les 2. Dans tes mots, j’entends une approche qui travaille aussi à réaligner tout ça. On sait qu’avec les TCA, on peut être beaucoup beaucoup coincé dans sa tête. Là, j’entends un travail pour sortir de sa tête et redescendre dans le corps et dans ses sensations.

– Oui et d’ailleurs, je rajouterai que le terme « sophrologie » signifie « harmonisation du corps et de l’esprit ». J’aurai pu le dire au début ! 

Est-ce adapté pour quelqu’un désirant sortir de l’anorexie ?

– Et bien voilà ! 😉 Tu nous disais tout à l’heure que tu n’accompagnes pas les personnes souffrant d’anorexie mentale. C’est un choix personnel ou c’est une limite de l’approche ? J’y repense parce qu’on retrouve beaucoup cette coupure entre le corps et l’esprit dans l’anorexie.

– C’est surtout un choix de spécialisation. Bien sûr, il y a des similitudes entre anorexie et boulimie, notamment la peur très forte de grossir. Mais, j’ai voulu me spécialiser dans ce que je connaissais moi, de par mon expérience. De plus, les formations que j’ai suivies étaient essentiellement spécialisées sur l’hyperphagie et les compulsions.

– Et c’est déjà beaucoup, cela dit !

– C’est sûr ! De plus, je trouve que l’anorexie est vraiment différente dans les mécanismes de pensées. Par le passé, j’ai déjà eu des clientes anorexiques, avec lesquelles je pouvais travailler sur certaines choses. Mais il y avait aussi beaucoup de points qui nécessitaient une autre approche. Je sentais beaucoup de limites. J’ai tout simplement décidé de ne pas spécialiser là-dedans et d’orienter vers des personnes dont c’est la spécialité. 

– D’accord. Ça ne veut donc pas dire que la sophrologie n’est pas apte à accompagner ce trouble-là ?

– Non non, pas du tout. Je pense au contraire que ça peut être hyper bénéfique et utile. Comme ce sont souvent des personnes qui sont en contrôle de tout, la sophrologie peut apporter un lâcher-prise… mais encore faut-il qu’elles soient prêtes pour ça.

Sophrologie et troubles alimentaires : échange avec Alizée Perrin

Quelles sont les limites de cette pratique ?

– Bien sûr. Est-ce que tu voudrais bien nous parler des limites du travail en sophrologie… s’il y en a ?

– Évidemment. 😊 Déjà, je rappelle une limite évidente, car, justement, elle n’est pas évidente pour certains : en sophrologie, on ne donne pas de conseils diététiques ou nutritionnels. Nous ne donnons pas non plus d’avis médical sur quoi que ce soit, pas plus que de compléments alimentaires. Sauf si, bien sûr, le sophrologue a suivi, en plus, une formation permettant d’être légitime là-dedans. On peut évidemment être médecin et sophrologue, ou naturopathe et sophrologue, etc. Ensuite, la sophrologie n’est pas quelque chose d’ésotérique ou de spirituel… Ce n’est pas non plus, pour moi en tout cas, lié aux préceptes de développement personnel autour de la pensée positive, par exemple. Bien sûr, j’utilise les affirmations positives. Il ne s’agit pas tout à fait de la même chose. La sophrologie, c’est une chose, le développement personnel, c’est autre chose. Tout ce qui touche à la spiritualité, c’est aussi à part. La sophrologie n’utilise pas la lithothérapie ni des instruments de musique ou autre… Il faut avoir en tête cette limite qui tient de la définition, en fait. Je pense qu’il y a pas mal de dérives. Pour moi, c’est très important de rappeler qu’à la base, la sophrologie n’était utilisée que par des médecins. Après, ça s’est démocratisé et on a été autorisé à se former même sans être médecin. Mais, à la base, seuls les médecins pouvaient exercer cette approche. Cette dernière décennie, il y a eu pas mal de dérives, je pense.

– C’est dommage…

– Et oui. Voilà les limites les plus importantes à rappeler pour moi. Ensuite, il faut avoir en tête, comme nous le disions tout à l’heure, que le sophrologue n’est pas psychologue, ni médecin. Bien sûr, j’accueille tout ce qu’on me dit ! Mais, au bout d’un moment, il y a des limites. Quand je sens que la personne attend de moi une forme de répartie, une piste de réflexion, que je rebondisse sur un sujet… je rappelle que je ne suis pas psychologue.

– C’est important que tu le rappelles ici. Ce que j’entends, c’est que ton éthique fait que tu vas tout de suite être claire sur tes limites avec les personnes que tu reçois. Tu me sembles transparente sur ce que tu es et ce que tu n’es pas, jusqu’où tu peux aller, etc. Tu disais tout à l’heure que tu ne vas pas donner de conseil nutritionnel, médical ou psychologique, par exemple. C’est important, d’avoir cette éthique-là, cette déontologie-là, que ce soit d’une manière générale, en nous parlant ici, ou plus particulièrement avec tes clients. Je vois, Alizée, que nous arrivons à la fin de notre entretien sur la sophrologie et les troubles alimentaires. Y a-t-il des points que nous n’avons pas abordés, qu’il te semblerait important de partager ?


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Sophrologie et troubles alimentaires : le mot de la fin

– Ce que j’ai envie de rajouter, c’est quelque chose que je dis bien souvent sur mon compte Instagram et à mes clients. N’hésitez pas à demander de l’aide et à tester plusieurs approches, plusieurs points de vue. Ce n’est pas parce qu’on est allé voir tel professionnel dans tel domaine et que ça n’a pas marché que c’est perdu. Il n’y a pas de « ça fonctionne ou ça ne fonctionne pas ». C’est plutôt que ceci a apporté quelque chose pour telle problématique précise. Par contre, cette autre problématique n’a pas encore été traitée et il va peut-être falloir un autre point de vue. Ça, c’est quelque chose que je ne voyais pas quand j’étais dans ma boulimie et mon hyperphagie. Moi, je cherchais LE truc unique qui allait tout résoudre d’un coup. Mais en fait, non. Il faut tester. C’est un processus pour lequel il faut se faire confiance et c’est normal que, parfois, on progresse et parfois, on retourne un peu dans un ancien schéma. Ça peut, par exemple, être un retour dans les compulsions, si c’est ça la problématique. Puis hop, on refait un pas en avant. C’est en dents de scie, ce n’est pas forcément linéaire et ça, je ne le répéterai jamais assez. C’est nor-mal.

– Tu as tout à fait raison de le rappeler ! C’est très important. De même, certaines personnes vont voir un psychologue ou un psychothérapeute et ça n’a pas accroché. Ça ne leur a pas apporté quelque chose. Du coup, ils se mettent à rejeter en bloc l’accompagnement thérapeutique, quelle que soit sa forme ou la personne qui le mène. Ça peut prendre du temps, de trouver la personne qui va nous convenir à un instant T. Je parle souvent de « tranches » de psychothérapie. Avec une personne, à un moment donné, on avance sur un certain point. Puis, il peut y avoir besoin d’une autre approche et/ou d’une autre personne, pour avancer sur autre chose, ou différemment. Avoir besoin de rencontrer 3 ou 4 personnes avant de trouver « la bonne », ça peut sembler coûteux en énergies et en émotions. Mais il faut comprendre que ça peut quand même valoir la peine.

– C’est ça, ça vaut vraiment le coup. 😊

– Je te remercie beaucoup, Alizée, pour ce nouvel échange. Comment pouvons-nous te retrouver, si nous souhaitons travailler avec toi ?

– Merci à toi ! 😊 Vous pouvez me trouver sur Instagram. Mon compte s’appelle « Encore un pas ». Il y a aussi mon site web. Dessus, vous retrouverez toutes les infos sur mon approche, la possibilité de prendre rendez-vous, etc.

– Tu travailles uniquement en visio ou tu as aussi un cabinet en présentiel ?

– Pour l’instant, je travaille toujours en visio. N’importe qui, de n’importe où, peut venir.

– Tu as aussi un podcast, il me semble ?

– Oui, j’ai un podcast, sur lequel je publie environ un épisode par mois, soit seule soit avec un invité. Je traite plein de sujets autour de la relation au corps et à l’alimentation. Il s’appelle, lui aussi, « Encore un pas ».

– Et on peut le retrouver sur toutes les plateformes d’écoute. 😉 Je te remercie beaucoup, Alizée et je te dis peut-être à une prochaine fois !

– Jamais 2 sans 3, comme on dit ! 😉

*

J’espère que cet article vous a apporté des informations autour du lien entre sophrologie et troubles alimentaires. Si vous souhaitez découvrir mon approche, en parallèle, par exemple, de celle d’Alizée, je vous invite à découvrir mon compte Instagram. 😊


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