Bienvenue dans l’épisode 66 de mon podcast sur l’alimentation, « La pleine conscience du pouvoir ». Aujourd’hui, je vous propose de parler de TCA et de sleeve avec le témoignage de Tessa. À 25 ans aujourd’hui, elle a commencé à consulter des diététiciens dès l’âge de 8 ans. À la fin du lycée, elle a pu s’auto-diagnostiquer comme souffrant d’hyperphagie. Tessa a très vite pensé à se faire opérer et a eu recours à une sleeve à 19 ans. Après la « lune de miel » post-opératoire qui a duré 2 ans, Tessa a repris du poids. Au travers de ce témoignage sur sa sleeve, elle nous explique les raisons de cette reprise de poids et décrit le manque de suivi après l’opération. Elle nous parle également du SOPK, syndrome des ovaires polykystiques, dont elle souffre. Nous découvrons, au fil des mots, l’errance médicale dans laquelle elle se trouve, que ce soit pour ce syndrome ou pour soigner son hyperphagie. En effet, si Tessa a pris conscience de son trouble alimentaire, elle recherche encore les solutions. Je vous laisse découvrir son histoire.
« Je m’appelle Tessa, j’ai 25 ans. Les problèmes de poids, chez moi, ont démarré à partir de l’âge de 9 ans, je dirais. À partir de cette époque-là, j’ai commencé à aller voir un diététicien. Ça a engendré, au fur et à mesure, de plus en plus de troubles alimentaires. »
« J’ai commencé à parler de l’opération assez jeune et donc, je me suis vu opérer quand j’avais 19 ans. Le problème, c’est que l’opération, ce n’est pas une baguette magique. »
« J’ai remplacé mon addiction, entre guillemets, à la nourriture par une addiction au sport. Est arrivé le moment où mon corps a dit « stop ». »
« À chaque fois que j’allai voir le médecin, c’était toujours lié au poids. Je ne vais pas perdre 20 kilos là, en 2 semaines, donc il va peut-être falloir m’aider autrement ! »
« Pour moi, le plus important à transmettre, c’est que le poids ne nous définit pas. C’est un détail corporel, j’ai envie de dire, à un moment donné de notre vie. Tout peut aller pour le mieux, même si on a des problèmes de poids. C’est une passade. »
Débuts des régimes et problèmes de poids dès 9 ans
– Bonjour Tessa !
– Bonjour Anne !
– Je suis vraiment ravie de t’accueillir sur mon podcast, « La pleine conscience du pouvoir ». Je te remercie beaucoup de venir apporter ton témoignage autour de ton TCA et de ta sleeve.
– Merci à toi de m’avoir invitée !
– C’est avec grand plaisir ! Si je me souviens bien, nous nous étions contactées peu de temps après le témoignage de Ludovic. C’est bien cela, n’est-ce pas ?
– Oui ! J’échange beaucoup avec lui sur Instagram.
– J’ai sauté sur l’occasion : quand quelqu’un me contacte (N’hésitez pas à le faire ! 😉), je propose de venir partager un témoignage sur le podcast. Tu as gentiment accepté. 😊 Pour commencer, est-ce que tu veux bien te présenter ?
– Bien sûr ! Je m’appelle Tessa, j’ai 25 ans. Je suis gestionnaire locative dans une petite agence, c’est-à-dire que je gère les biens immobiliers de nos clients. Et je vais bientôt me marier.
– C’est une très bonne nouvelle ! 😊
– C’est le gros projet de l’été. 😉 Ça aura lieu dans quelques mois, donc nous sommes dans les starting-blocks.
– C’est la dernière ligne droite alors ! Nous savons combien c’est… j’allai dire une « épreuve », mais ce n’est pas le bon mot ! 😉 Ce que je veux dire, c’est que les préparatifs peuvent être très stressants.
– Oui, tout à fait.
– Tessa, je te propose, comme je le fais à chaque fois, de nous raconter ton histoire de façon chronologique. Est-ce que ça te va ?
– Pas de soucis. 😊 Les problèmes de poids, chez moi, ont démarré à partir de l’âge de 9 ans, je dirais. Quand j’étais toute petite, j’étais plutôt en-dessous de la courbe. Vers 8 ou 9 ans, j’ai grossi, mais au début, ça ne se voyait pas spécialement. Puis, j’ai commencé à consulter un diététicien.
– Si jeune ! À 8/9 ans, tu voyais déjà un diététicien…
– Oui. Je me souviens des premières consultations, avec les bouquins donnant la taille des assiettes que je pouvais manger, par exemple. Ça a été quelque chose de très marquant pour moi. Ça n’a pas du tout fonctionné. Je ne perdais pas, ou très peu et je reprenais le double, si tant est que j’ai perdu avant…
– Ça veut dire que, dès 8 ou 9 ans, tu as commencé à faire des régimes. Est-ce que, rétrospectivement, tu trouves que ton poids était vraiment problématique ? Étais-tu en grand surpoids ?
– À 8/9 ans, non. C’est plus devenu le cas au collège et au lycée… surtout au lycée, d’ailleurs. Au collège, j’étais plus en chair que mes camarades, on va dire, mais ça n’a pas été pas catastrophique avant la 4e ou la 3e. À la fin du collège, je pense que ça s’est lié avec des problèmes hormonaux… Ça n’aidait pas pour perdre du poids. C’était un cercle vicieux et c’est devenu plus problématique à ce moment-là, car, pour régler un problème, on me demandait alors d’en régler un autre.
– C’était comme une cascade. Ça devenait un enchaînement de problématiques.
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Les allergies alimentaires à l’origine des premières frustrations
– Voilà. Mais sinon : non, en primaire, ce n’était pas forcément inquiétant. Ceci étant, je pense que c’est en primaire que j’ai commencé à développer des troubles alimentaires. Il faut savoir que j’ai des allergies alimentaires depuis vraiment toute petite. C’était très marqué quand j’étais enfant, j’en avais beaucoup plus que maintenant. Il m’en reste quand même pas mal, mais j’en ai moins qu’avant. Ça impliquait forcément de la frustration… J’étais plutôt en avance à l’école par rapport aux autres, donc je comprenais assez bien ce qu’il se passait. Néanmoins, je pense qu’intérieurement, j’avais du mal à comprendre certaines restrictions alimentaires. Je ne pouvais rien manger à l’école, je ne mangeais pas à la cantine. J’avais la chance d’avoir mes grands-parents qui habitaient juste à côté, donc je pouvais manger chez eux. Mais ça casse un peu le rythme : quand on ne mange pas à la cantine depuis tout petit, même au collège, on rate des moments assez importants. Pour créer des amitiés, ça complique les choses. Bref : ces allergies ne m’ont pas aidée ! Le poids a continué d’augmenter au fur et à mesure des années. Les suivis n’ont pas aidé non plus et ça a engendré, au fil du temps, de plus en plus de troubles alimentaires. Je mangeais en cachette, j’achetais à manger en sortant du collège, etc. Voilà, c’est comme ça que ça a commencé et que, au bout du compte, TCA et sleeve ont fait partie de ma vie.
– Ce que j’entends, c’est que, finalement, cette question de la frustration a commencé avec les allergies. Il y avait des aliments que tu ne pouvais pas manger et ce peut être très frustrant, pour une petite fille. Même si tu comprenais très bien les choses, c’était une frustration compliquée à vivre. Ensuite, une frustration liée aux quantités dictées par les régimes est venue se rajouter. C’est bien cela ?
– Oui et non. Le problème des quantités, ça concernait plutôt les repas de famille, comme les repas de fête, les anniversaires, etc. Maman me faisait souvent cette réflexion : « Mais tu ne manges pas tant que ça, pourtant ! ». Ce n’était pas un problème de quantité : c’était un problème de grignotage. Je grignotais tout le temps, dès que j’en avais l’occasion, à la maison comme à l’école… C’était ça, le problème, dès toute jeune, dès le collège. J’étais assez mature, donc j’étais aussi beaucoup responsabilisée. Mes parents me faisaient confiance, donc, en rentrant de l’école, je prenais les goûters que j’avais envie de prendre. Au repas, ça ne se voyait pas trop, du coup, puisque je n’y mangeais pas particulièrement beaucoup.
– D’accord, je comprends. La frustration s’exprimait beaucoup par le grignotage. Tu disais que tes suivis n’avaient pas servi à grand-chose et même que tu as continué à prendre du poids et à vivre ces phénomènes de compulsions. Nous en étions arrivées au lycée… Comment ça s’est poursuivi ?
– Pour retracer un peu, il faut savoir que j’ai toujours eu beaucoup de problèmes avec les amitiés. Je pense que je donnais tout, tout de suite. Je m’investissais beaucoup. Je trouve que ça fait écho à une partie de ce que disait Ludovic. D’une manière générale, quand je m’investis quelque part, que ce soit en amitié, en amour, dans le travail, etc., je m’investis à fond. J’ai parfois été déçue… Je pense que l’amitié, au lycée, c’est quelque chose qui est important. Du moins, ça joue beaucoup sur le moral. Arrivée à la fin du lycée, j’avais un poids important, j’étais en grande obésité. Il fallait faire quelque chose… En arrivant à la fac, ce fut encore pire. À la fac, on est un individu parmi tant d’autres. On se sent beaucoup moins regardé qu’au lycée : dans des amphis de 300 personnes, on se fond dans la masse. Arrivent aussi les machines à café et les distributeurs à gourmandise. Du coup, forcément, la prise de poids ne s’est pas arrêtée, voire même, elle a augmenté. D’autant plus que je passais beaucoup de temps sur le campus. Je ne rentrais pas chez moi le midi, donc je ne mangeais que des sandwichs… Bref, ça n’a fait qu’augmenter. En parallèle de ça, je me renseignais beaucoup. J’avais essayé énormément de méthodes pour régler ce problème ! J’avais testé l’acupuncture, de la médiation de pleine conscience… J’avais fait plein de choses, avec plein de professionnels différents, mais ça n’avait jamais abouti. J’ai perdu beaucoup d’argent, enfin mes parents, surtout, mais ça ne m’a jamais vraiment aidée. En parallèle, je regardais beaucoup de documentaires et d’émissions sur le sujet. C’est comme ça que je me suis diagnostiquée toute seule hyperphage. Par exemple, je regardais beaucoup « Ça commence aujourd’hui », quand il y avait des témoignages. Ça m’a poussée à me tourner vers l’opération. À la fin de ma première année de fac, j’ai décidé de commencer à en parler autour de moi. J’étais très jeune : je suis arrivée à la fac à 17 ans. Je suis de fin d’année, donc je n’étais pas encore majeure. J’ai commencé à parler de l’opération tôt dans ma vie et ce n’est pas très bien passé au début, avec mes parents, avec ma mère surtout. C’était un peu compliqué de lui faire avaler la pilule. Après, nous avons rencontré un chirurgien qui lui a dit : « Elle prend plus de risques à rester à ce poids-là qu’à se faire opérer »… Ça a commencé à germer un peu dans sa tête.
TCA et sleeve : le choix de l’opération
– À quel type d’opération tu pensais, à ce moment-là ? Ou bien qu’est-ce qui t’avait été conseillé ?
– On ne m’avait pas conseillé d’opération, car je n’avais pas vu de médecin pour ça. Personnellement, je penchais plutôt pour la sleeve. Je m’étais beaucoup renseignée et documentée avant d’en parler, avec tous les témoignages que j’avais récoltés, tous les sites que j’avais consultés, etc. J’avais même échangé avec des personnes sur les réseaux sociaux. L’anneau gastrique, je savais qu’il y avait des gros risques de reprise de poids en l’enlevant. En plus, le fait d’avoir un corps étranger à l’intérieur de moi, ça me dérangeait un peu. Le bypass, je trouvais ça un peu violent, surtout que j’étais jeune. Il y avait aussi pas mal de complications. Il restait donc la sleeve. Des risques existaient aussi, mais je trouvais que ça restait modéré par rapport à ma situation. Cela a été confirmé par le chirurgien et j’ai été opérée à 19 ans. Ça s’est très bien passé au début et j’ai beaucoup perdu, très vite. Le problème, c’est que l’opération, ce n’est pas une baguette magique, malgré ce que certains peuvent penser. Ça a très bien marché, j’ai perdu environ 46 kilos, en l’espace de 6 mois. Ceci étant, c’est aussi parce que j’avais remplacé mon addiction, entre guillemets, à la nourriture, par une addiction au sport. Les gens qui me connaissent aujourd’hui auront du mal à le croire, mais je passais 6 jours sur 7 à la salle de sport. Parfois, j’y venais même 2 fois par jour. En plus, à cette époque-là, j’étais célibataire. J’allai à la fac mais j’avais peu d’amis à côté. Du coup, j’y étais trop bien, à la salle de sport. J’avais mes camarades de la salle, le coach… On était vraiment une petite famille. Je suis tombée sur une salle conviviale et j’y passais beaucoup de temps. Avec tout ce sport, j’ai donc perdu beaucoup de poids et très vite. Est arrivé le moment où mon corps a dit « stop » et où j’ai un peu lâché l’affaire. Pendant 1 an ou 1 an et demi, je me suis maintenue. L’effet de l’opération était encore là. C’était encore la période qu’on appelle la « lune de miel ».
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Reprise de poids après la lune de miel post-opératoire
– C’est ce terme que j’avais dans la tête, la lune de miel post-opératoire.
– Ça revient souvent, comme terme, mais je me disais que je m’étais trop renseignée, que je savais trop ce que c’était et que ça ne m’arriverait pas. Mais ça m’est arrivé ! 😉 Au bout d’un moment, les écarts n’étaient plus compensés par les effets de l’opération. Un autre problème aussi, c’est que l’opération compense, par exemple, les gros repas de famille, qui impliquent de gros excès. L’exemple que je prends souvent, c’est celui de la raclette. Aujourd’hui, je ne peux vraiment pas en manger beaucoup, par rapport à avant. Par contre, je sais comment j’ai repris le poids : en grignotant. Quand on a un TCA, la sleeve seule ne peut pas tout résoudre, puisque la relation avec l’alimentation reste troublée. Pendant environ 2 ans, les effets de l’hyperphagie se sont arrêtés. Je ne faisais plus de grignotage car je compensais par du sport. Mais, au bout d’un moment, ça s’est remis en place…
– Et oui, parce que tu surfais sur cette vague grisante de la lune de miel. Il y avait la perte de poids rapide, avec un corps qui se transforme littéralement. Tu as très bien évoqué aussi le fait que tu avais remplacé une addiction par une autre. Et puis, au bout d’un moment, et ça aussi, tu le dis très bien, ton corps a dit stop. Peut-être que ton esprit aussi d’ailleurs, puisque le ou les problèmes étaient toujours là ?
– Mon esprit, non, ou pas tout de suite du moins. Quand je dis que mon sport a dit stop, c’est que je faisais beaucoup de malaises. 6 ou 7 mois après avoir commencé, j’ai dû arrêter le sport parce que mon corps ne suivait plus. À ce moment-là, ma vie a aussi changé parce que j’ai rencontré mon chéri. J’avais d’autres centres d’intérêt, c’était nouveau, j’étais toujours occupée, etc. Du coup, mon esprit allait bien. Par contre, après un an et demi ou 2 ans de couple, j’ai commencé à reprendre de mauvaises habitudes. Il était souvent en déplacement, donc j’étais régulièrement seule et je grignotais devant la télé. C’est revenu progressivement lors de cette période. Le moral a commencé à descendre quand le poids a commencé à remonter. Au début, on reprend 2 ou 3 kilos, mais on se dit que ce n’est pas grave. « Avec ce que j’ai perdu, 2 ou 3 kilos, ce n’est pas grand-chose. Je vais les reperdre. » Sauf que 2 ou 3, puis 3 ou 4… Au fur et à mesure, ça remonte très vite, sans qu’on s’en rende bien compte. Je me disais que je n’atteindrais plus jamais ce poids-là, que ce n’était pas possible, etc.
– Et oui… Je ne sais pas si on peut dire ça comme ça, mais tu te disais peut-être qu’il y avait « tellement de marge » que tu ne pouvais y revenir.
– Oui, c’est clairement ça. Entre en avoir perdu 46 et en reprendre 2 ou 3, le ratio est vite fait ! On se dit que ce n’est pas grave et qu’on verra ça la semaine d’après. Mais la semaine d’après, il y en a 2 de plus et ça escalade.
– Ça, c’était quand alors ? Tu t’es fait opérer à 19 ans, ensuite il y a eu environ 2 ans de lune de miel. Sachant que tu as 25 ans, ça nous amène à il n’y a pas si longtemps !
– C’est ça. Je me suis fait opérer en juillet 2017 et j’ai recommencé à avoir des problèmes de poids début 2019. Au début, c’était léger, mais ça s’est accentué par la suite.
Le suivi médical post-opératoire après une sleeve
– Au niveau du suivi médical post-opératoire, il y a eu quelque chose ? Il me semble que ça ne dure pas très longtemps ?
– Oui, tout à fait. En plus, j’ai fait le choix de me faire opérer dans une clinique privée. Je ne regrette pas ce choix parce que je pense qu’à ce moment-là de ma vie, il fallait que l’opération soit faite assez rapidement. Mine de rien, ça m’a quand même aidée, même si j’ai repris du poids. Je n’ai pas les muscles que j’avais avant et je le subis peut-être moins qu’avant, même si ça reste compliqué. L’opération a quand même été bénéfique car ça m’a permis de faire des choses dans ma vie que je n’aurai pas forcément faites sans ça. Par contre, je le dis pour ceux qui écoutent le podcast et qui pourraient être concernés : quand on se fait opérer dans le privé, je pense que le suivi n’est pas très adapté. Je me suis fait opérer à Lyon, à 1 h 15 de chez moi. Quand on a des rendez-vous de suivi qui durent 10 min, avec 1 h 30 en retard… forcément, au bout du 2e, on n’y va plus. J’avais essayé de trouver un suivi dans ma ville. On m’avait conseillé quelqu’un qui n’était pas du tout adapté. Pour donner un exemple : il m’a fait de l’auricoluthérapie, qui est une thérapie où on insère de petites aiguille dans les oreilles… sans même demander mon consentement avant ! Autant te dire que je n’ai pas poursuivi avec lui ! De fil en aiguilles, j’ai essayé de me construire un petit suivi entre mon médecin traitant, une psy de ma ville, etc. Mais au final, ça n’a rien donné de très concret. Concernant l’opération, le problème, c’est qu’une fois qu’on a repris du poids, le suivi n’est plus vraiment possible, entre guillemets. Ceci étant, j’ai revu le chirurgien il y a peu, pour discuter avec lui. À un moment donné, j’en avais tellement marre que j’ai même considéré le bypass, même si je l’ai assez rapidement oublié. En tout cas, voilà : on ne nous propose pas trop d’encadrement, ni d’autres solutions. À part nous dire : « Vous savez pourquoi ça n’a pas marché » ou nous suggérer une autre opération, on ne nous propose pas grand-chose.
– Et oui…
– Ceci étant, je ne leur reproche pas ! Ce n’est pas un remède miracle, sinon tout le monde l’utiliserait. Mais en tout cas, pour ma part, j’ai constaté qu’il n’y a pas énormément de suivi.
Le diagnostic de l’hyperphagie posé par Tessa elle-même
– C’est ça. En sachant que, de leur côté, le remède miracle, ce serait de travailler sur le poids, et pas sur le trouble. TCA et sleeve ne sont, malheureusement, pas encore traités en même temps, ni par les mêmes professionnels… Tu disais tout à l’heure que c’est toi-même qui a posé le terme d’hyperphagie sur ce que tu vivais, grâce à des recherches, des témoignages, etc. Comment ça s’est passé ?
– J’ai beaucoup lu et regardé d’émissions, du style de « Ça commence aujourd’hui ». J’ai visionné de nombreuses vidéos Youtube aussi, de filles qui avaient été opérées… Je précise que je dis « de filles » parce qu’il n’y a pas beaucoup de garçons qui témoignent. C’est pour ça que j’ai dit à Ludovic que c’est bien qu’il l’ait fait ! 😊 Je ne me reconnaissais pas dans la boulimie, pour plein de raisons, y compris le fait que je ne me faisais pas vomir, ni ne compensais autrement. Je ne me reconnaissais pas dans l’anorexie non plus, forcément. Du coup, c’était un peu vague. Pour les gens autour de moi, j’étais juste « gourmande ». Moi, je sentais bien que ce n’était pas que ça. Quand on a l’obsession d’aller acheter à manger même quand on travaille ou qu’on fait n’importe quelle activité, ce n’est pas juste de la gourmandise. Un gourmand qui a envie de manger un gâteau, il le mange, puis il passe à autre chose. Je savais qu’il y avait un aspect psychologique dans l’histoire, même si je ne savais pas encore bien lequel. J’ai fait des études de psycho, ça m’a peut-être aidé un peu. 😉 En tout cas, oui, c’est moi-même qui ait posé le diagnostic et on ne m’en a jamais trop reparlé depuis. J’ai vu d’autres professionnels et ils n’ont jamais ni infirmé ni confirmé. À Grenoble, on a un centre spécialisé dans les TCA. Il y a peu de temps, j’y ai demandé un suivi. On m’a fait venir une journée entière pour faire des prises de sang, voir des psychologues et des psychiatres pendant 30 min chacun, etc… J’en suis ressortie avec un bilan que je trouve assez court et résumé, dans lequel on m’a dit : « Allez voir une psychomotricienne, c’est la seule chose que vous n’avez pas essayée. »… OK. Du coup, j’ai essayé et ça n’a pas changé grand-chose. Donc voilà : même eux sont démunis. Il n’y a donc pas de solution miracle.
– Ça veut dire que c’est un centre de diagnostic, pas un centre de suivi, non ?
– Si, ils font des suivis, tous les 6 mois, je crois. Mais, en somme, ils donnent un conseil et le discours, c’est que si telle ou telle démarche ne fonctionne pas, il reste l’opération.
– OK.
– Moi, parmi ce qu’ils ont l’habitude de proposer, il ne me restait plus que la psychomotricienne à tester. Je pense que ce genre de centre, c’est plus intéressant pour des gens qui ont 25, 30, 40 ans, qui n’ont jamais eu de suivi pour le poids et qui ne comprennent pas pourquoi ils en prennent. Il peut s’agir, peut-être, de gens qui ne sont pas conscients du problème ou qui sont dans le déni. Là, je pense que ça peut être adapté. Mais pour quelqu’un qui, comme moi, est suivi depuis l’âge de 8 ans et qui, parfois, connaît mieux sa pathologie que certains médecins, je pense que ce n’est pas un centre adapté. La médecin traitante que j’ai en ce moment, elle est très bien. Mais, parmi ceux que j’ai vus par le passé, il y en a qui ne savaient pas du tout gérer ce problème, ni comment l’aborder. Certains étaient même violents dans leurs propos. Je ne suis pas forcément susceptible sur la question, mais il y a quand même des façons de le dire. Avec certains médecins, même quand on vient les voir pour une tendinite ou autre chose qui n’a rien à voir, c’est toujours lié au poids. À un moment donné, j’avais envie de leur dire qu’ils sont censés avoir l’habitude de traiter tout type de personne et que je ne vais pas perdre 20 kilos là, en 2 semaines, donc il va peut-être falloir m’aider autrement.
– Bien sûr ! « Soignez-moi ! »
– Je pense qu’il y a un gros manque au niveau de la prise en charge par les médecins qui ne sont pas forcément habilités à gérer ça. Il y a aussi des personnes qui sont dans le déni, et là, je pense que les centres TCA peuvent être bien. Ils pourront découvrir et se rendre compte de certaines choses dont ils n’avaient pas forcément conscience. Mais moi, rien de tout ça ne m’a aidée…
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La situation actuelle de Tessa, le surpoids au quotidien
– Du coup, où tu en es aujourd’hui, de ton TCA ?
– J’avoue que je me suis concentrée sur d’autres projets et d’autres soucis. J’ai un peu mis ça de côté pour quelque temps. Ça me rattrape vite au quotidien, parce que le poids pèse, c’est le cas de le dire. Ça pèse dans le quotidien et dans la vie perso, dans la vie professionnelle aussi, d’ailleurs. J’avais commencé un nouveau travail. Au final, j’en change de nouveau, mais ça m’a quand même aidée car j’étais très occupée. Je ne pensais plus qu’au boulot. Je ne sais pas si c’est beaucoup mieux, mais ça m’a permis de maigrir un peu. Je pense que l’ennui joue un gros rôle dans ma prise de poids. Avec ma corpulence, on peut difficilement faire beaucoup d’activité. En tout cas, ça nécessite d’y réfléchir un peu… D’ailleurs, on m’a dit, dans d’autres domaines, que je réfléchis trop à tout. Je pense que quelqu’un de lambda, sans problème de poids, réfléchit beaucoup moins que moi sur certains sujets. À mon avis, beaucoup de personnes en obésité se reconnaîtront là-dedans… Quand on propose à une personne lambda d’aller au restaurant, elle répondra : « oui, avec plaisir ». Moi, dans ma tête, je me dis : « Oui, mais… Où est situé le restaurant ? Est-ce que je vais pouvoir m’installer confortablement ? Est-ce que je vais pouvoir me garer pas trop loin pour ne pas avoir trop à marcher et ne pas arriver dans un état… second ? ». Ce sont plein de questions que je me pose quand on propose une sortie et ça gâche un peu le quotidien. Pareil pour le boulot : je ne prendrai pas un boulot qui nécessite d’être debout 8 h/jour, parce que ce n’est pas possible.
– Ça vient complexifier tellement de choses dans ton quotidien…
– Oui. Après, en soi, je ne le vis pas forcément mal tous les jours. Mais oui, ça bloque un peu.
– Oui.
– Ceci étant, cette limite, je me la mets un peu toute seule. Certaines choses sont effectivement limitées. Par exemple, je n’irai pas faire de l’accrobranche demain matin… Mais il y a des choses pour lesquelles je me restreins alors qu’il n’y en a pas forcément besoin. Je pense qu’il y a une question de confiance en soi qui rentre en ligne de compte. Mais à côté de ça, je vois parfois des gens très enthousiastes qui essaient de trouver une solution. « On va faire comme ci, on va faire comme ça ! » Mais moi, je me dis que non, ça ne va pas être possible. Ça m’arrive aussi pour d’autres sujets. J’avais échangé avec Ludovic à ce propos. Pourtant, je n’ai jamais été discriminée par rapport à mon poids. Je n’ai jamais reçu de moqueries à l’école. Là-dessus j’ai eu de la chance.
La question de la légitimité face à un TCA ou à la souffrance
– Et même ces fameuses années collèges, tu les as traversées sans problème ?
– Sans ami fixe, mais sans moquerie, oui. 😉 D’ailleurs, ce sujet rejoint quelque chose que j’ai pu constater dans beaucoup de témoignages. Souvent, les gens qui avaient des problèmes de poids avaient subi du harcèlement dans leur enfance et leur adolescence… Mais ce n’est pas mon cas. Ça a même été un sujet pour moi. Je me demandais ce qui n’allait pas chez moi. J’ai une enfance tout à fait normale, j’ai des parents adorables, une sœur adorable, une famille adorable. Je réussis très bien à l’école, même sans trop en faire. Je n’ai pas de sujet d’inquiétude autre. On ne se moque pas de moi. Je n’ai pas de famille dysfonctionnelle. Alors qu’est-ce qui a bien pu se passer ? Dans les témoignages que j’écoutais ou lisais, on trouvait souvent une histoire familiale, une histoire personnelle, du harcèlement, un événement traumatisant ou autre… Mais moi, ce n’était pas mon cas.
– Tu avais un sentiment d’illégitimité. Je l’entends régulièrement parmi les personnes que je reçois, que ce soit autour des troubles du comportement alimentaire ou d’autres troubles. « Normalement, tu devrais bien aller pour moi… Comment ça se fait que j’en sois là ? Je ne suis pas légitime à dire que ça ne va pas, je ne suis pas légitime à souffrir… » Alors qu’en fait, il n’est même pas question de ça. Il y a factuellement de la souffrance, mais notre tête ne peut pas s’empêcher de venir nous tenir ce discours. Je ne sais pas ce que tu en penses, mais je trouve que souvent, ça rajoute une couche.
– Oui, je suis d’accord. Du moins, ça a rajouté une couche. Maintenant, je réfléchis moins de cette façon-là, mais en effet, à un moment donné, ça représentait un poids supplémentaire. Mon couple allait très bien, ma famille allait bien aussi… Bon, le boulot, c’était un peu compliqué. Durant les 2 ans qui ont suivi l’opération, j’étais en alternance et ce n’était pas forcément évident. Mais ça n’expliquait pas tout. Ça expliquait une petite partie de la prise de poids, mais pas tout. En plus, je savais que j’avais bientôt fini mon alternance et j’avais déjà plus ou moins une idée de ce que j’allai faire après. Il n’y avait vraiment pas d’inquiétude à ce niveau-là.
Problèmes hormonaux, syndrome des ovaires polykystiques et problème de poids
– Tu parlais, tout à l’heure, de problèmes hormonaux que tu avais rencontré au lycée, je crois. Peux-tu nous en dire plus ?
– C’était à la fin du collège. Pour commencer, j’ai eu mes règles très très jeune : elles sont arrivées quand j’étais âgée de 10 ans, je crois. J’étais en CM2. Ce n’était pas très pratique… Ça aussi, pour se sentir différente, c’est ce qu’il faut…
– Exact !
– En primaire, rien n’est prévu pour les jeunes filles qui ont leurs règles très tôt. Il n’y avait pas de poubelle dans les toilettes, par exemple… C’était assez compliqué, mais heureusement, c’est arrivé à la fin du CM2. Ça encore, ça allait, je n’en ai pas un souvenir très marquant. En 6e/5e, j’avais des règles très abondantes. C’était tout à fait gênant aussi, mais ça se gérait. Puis, arrivée en 4e, plus rien. C’est là qu’on s’est dit qu’il y avait un problème et j’ai commencé à voir le gynécologue. Ça n’a pas forcément aidé par rapport au poids, d’ailleurs… On m’a parlé de dystrophie ovarienne. Aujourd’hui, c’est connu sous le terme de syndrome des ovaires polykystiques. On m’a expliqué que : « C’est ça qui vous fait prendre du poids, et le poids entraîne un dysfonctionnement hormonal ».
– Le serpent qui se mord la queue…
– Voilà. À partir de ce moment-là, j’ai repris des suivis autour de l’alimentation. Je crois que c’est là aussi que j’ai testé l’acupuncture et les médecines douces. Ensuite, il y a eu un « vide hormonal ». On m’a mise très jeune sous pilule. Je n’avais pas du tout besoin de contraception, mais c’était pour réguler mes hormones. Jusqu’à il y a 2 ou 3 ans, j’ai pris la pilule sans que personne ne m’inquiète à ce sujet. Ça s’est réglé comme ça, car, effectivement, la pilule me donnait des règles régulières. Sauf que… ce n’est pas le bon traitement, entre guillemets, car mon corps ne fonctionne pas correctement. J’ai tenté d’autres méthodes, comme le stérilet, mais ça a plus mis le bazar qu’autre chose.
– Ce syndrome des ovaires polykystiques a été confirmé ?
– Oui, ça a été confirmé par ma gynécologue, il n’y a pas longtemps. J’ai 25 ans, donc la question des enfants commence à arriver… Ce n’est pas forcément évident. Le problème est toujours le même : le poids entraîne le syndrome et le syndrome entraîne le poids. C’est encore un stress supplémentaire et la question des enfants, c’est compliqué.
Le surpoids et la gestion de son moral et de ses projets
– Finalement, aujourd’hui, tu es encore dans cette sorte d’errance, pour ce qui est de trouver des solutions pour ton hyperphagie. N’est-ce pas ? Tu as pris conscience de ce qu’il se passait, tu as mis des mots dessus, mais tu cherches. Tu cherches des professionnels qui peuvent t’aider. Tu as essayé différentes choses pour guérir de ton TCA, et la sleeve a eu du bon, malgré la reprise de poids. Ensuite, tu as eu d’autres priorités. Maintenant, il y a ton mariage qui arrive.
– Oui et j’ai aussi des échéances professionnelles qui arrivent d’ici à la fin d’année. Je vais me concentrer là-dessus. Nous avons aussi un gros voyage de prévu, juste après le mariage. Malgré tout, je suis une personne très joviale et rayonnante, habituellement. « Rayonnante », je me lance des fleurs… 😉
– Je trouve que ça s’entend dans ta voix, oui ! 😉 On entend le soleil et la joie.
– Je ne passe pas mes journées à faire la tête. 😊 Là, on parle de ça et ce n’est pas forcément très réjouissant. Le poids, c’est sûr que ça prend une grande partie de mon quotidien parce que je n’ai pas trop le choix, mais j’espère qu’à l’avenir, ça prendra une part un peu moins conséquente.
– Au travers de tes mots, j’ai l’impression que tu as un entourage plutôt soutenant, autour de toi. Je pense notamment à ton futur mari, qui t’a accompagnée pendant ces années de perte puis de reprise de poids, et qui te soutient. Comment il voit les choses, lui ?
– Il essaie ! Je pense que ça le dépasse un peu. Lui n’a été concerné que très tard, car on ne se connaît que depuis 5 ans. Il n’a pas vécu tout l’historique du parcours, donc je pense qu’il ne se rend pas bien compte de la durée que ça représente dans ma vie. Ceci étant, il m’a accompagné chez le chirurgien la dernière fois que j’ai voulu y aller, par exemple. Il est soutenant et le reste de ma famille aussi ! Il n’y a aucun souci là-dessus.
TCA et sleeve : le mot de la fin de Tessa
– Je vois qu’on se dirige tranquillement vers la fin de cet épisode. Comment souhaiterais-tu conclure ? Y a-t-il un dernier message que tu souhaites partager ? Y a-t-il un point particulièrement important à tes yeux, sur lequel tu désires insister ?
– Pour moi, le plus important à transmettre, c’est que le poids ne nous définit pas. À mon sens, c’est une enveloppe qui ne correspond pas à ma réelle personnalité. Si on demande à mon entourage de lister mes qualités et de définir ma personnalité, ils diront que je suis quelqu’un de très dynamique, par exemple. Moi, je n’en ai pas du tout l’impression ! J’ai le sentiment de traîner mon corps en permanence. Mais tout le monde me dit : « Mais non, tu ne te rends pas compte ! ». Effectivement, je pense que j’ai tendance à compenser : si j’ai des invités, je vais me lever 50 fois pour aller chercher quelque chose, par exemple. Je pense vraiment que le poids ne nous définit pas et c’est pour ça que je n’en ai pas parlé dans ma description en me présentant. C’est un détail corporel, à un moment de notre vie, et j’ai envie de penser que c’est quelque chose de facilement modifiable. Je préfère avoir envie de modifier mon corps que d’avoir envie de modifier ma personnalité. Je pense que c’est plus facile, même si c’est une longue route. Pour moi, c’est ça le plus important : même si nous avons des problèmes de poids, il y a des solutions. Si quelqu’un en a une, je suis preneuse ! 😉 Mais quoiqu’il en soit, tout peut aller pour le mieux, mais si on a des problèmes de poids. C’est une passade.
– Je te rejoins complètement quand tu dis que ce n’est pas ça qui nous définit. Nous sommes tellement plus qu’un chiffre sur la balance ou que la forme d’un corps ! Même si, bien sûr, ça peut prendre une place compliquée, voire très compliquée, par moment. J’aime beaucoup quand tu dis que les personnes qui te sont proches ne te décrivent pas par un chiffre sur une balance. Elles peuvent citer tes qualités et toi, tu peux les recevoir et les entendre pour les faire tiennes. C’est un chouette message, je te remercie pour ça, Tessa ! 😊
– De rien ! 😊
– Je te remercie d’être venue témoigner dans « La pleine conscience du pouvoir ». Est-ce que tu serais d’accord que ceux qui le souhaitent te contactent ?
– Oui, bien sûr ! Je parle beaucoup sur les réseaux sociaux, avec pas mal de personnes, sur ce sujet-là ou d’autres. Vous pouvez me joindre sur mon compte Instagram.
– Merci ! Je te souhaite un très mariage et un très beau voyage ensuite ! 😉 Je te souhaite également bon courage pour la reprise après ça et pour ces changements dans ton travail.
– Merci à toi !
*
J’espère que ce témoignage vous aura permis de mieux comprendre les problématiques qui se cachent derrière les notions de TCA et de sleeve. Avant ou après une opération, il est bon de se faire accompagner pour retrouver définitivement une relation saine avec la nourriture. Pour celles et ceux qui désirent aller plus loin, je vous propose de découvrir :
- mes programmes en autonomie ;
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