Grossophobie médicale | Le témoignage de Julie

Dans ce nouvel article de mon podcast sur l’alimentation, « La pleine conscience du pouvoir », nous allons parler de grossophobie médicale, via le témoignage de Julie. Cette maman est entrepreneure : elle accompagne les femmes à développer un business au service de leur vie. Après la naissance de sa fille Charlie, il y a un bientôt 3 ans, Julie a commencé à se reconnecter à ses sensations corporelles, en particulier aux sensations douloureuses. Elle a décidé de s’occuper de chacun des problèmes de santé, physique ou mentale, qu’elle rencontrait, pour certains, depuis longtemps. Elle s’est, en particulier, penchée sur son problème d’apnée du sommeil, que la grossophobie médicale avait trop souvent été mis sur le dos du surpoids. Grâce à la vigilance de sa kinésithérapeute, elle a pu faire un bilan à l’hôpital et nous raconte son parcours de diagnostic et de soins. Julie partage également avec nous la façon dont elle aborde et travaille son image corporelle, en particulier dans le cadre de son travail sur les réseaux sociaux. Je vous laisse découvrir notre échange.

« Moi c’est Julie, je suis entrepreneur depuis 6 ans bientôt.”

« Depuis que j’ai accouché, il y a comme quelque chose qui s’est débloqué sur l’écoute de mon corps. J’arrivais à un stade où je me disais que j’allai vraiment m’écouter, faire en sorte de savoir ce qui me gênait dans ma vie et ne pas mettre ça sur le compte de « je suis trop lourde », « je suis trop grosse » ou « c’est à cause des kilos en trop ». »

“Mon corps, il était en détresse, mais pour moi, c’était normal. »

« J’ai, comme beaucoup de femmes, trop cette capacité à prendre sur soi. »

« Je me disais : « La caméra va peut-être montrer mon double-menton si j’en ai un ! Aaah ! » Je me demandais « Comment je vais faire ? ». »

« J’ai envie de ne pas me mettre de barrières. »

« Maintenant, ce que je dis, c’est : « On s’en fou, on le fait quand même et ça va bien se passer ! ». »

« Si vous sentez que vous n’êtes pas soutenu, écouté ou que ça ne vous va pas : allez va voir quelqu’un d’autre, jusqu’à ce que vous trouviez l’oreille attentive qui vous fasse creuser les choses pour aller mieux. »

Des problèmes de sommeil et des douleurs non-écoutées

– Bonjour Julie !

– Bonjour Anne !

– Je suis ravie de t’accueillir sur mon podcast sur l’alimentation, « La pleine conscience du pouvoir ». Je me rends compte que je suis un peu émue et intimidée. Je vous expliquerai après comment nous nous sommes connues, avec Julie. Pour moi, c’est presque un honneur de te recevoir sur le podcast aujourd’hui et je sens comme une petite pression. 😉 Mais je vais me détendre et je sais que tout va bien se passer ! Je veux bien que tu commences par te présenter, après quoi je dirais un mot sur la façon dont nous nous sommes rencontrées, si ça te va.

– Avec plaisir ! Merci pour tes mots et pas de stress ! 😉 Moi aussi, je suis contente d’être là. Ça me fait toujours plaisir de discuter et de parler de soi. J’aime bien ça ! Moi c’est Julie, je suis entrepreneure depuis bientôt 6 ans. J’accompagne particulièrement les femmes à créer le business qu’elles veulent, en ligne et à leur service. Je dis souvent « au service de leur vie ». Je travaille avec mon mari, j’ai une petite fille et ma vie est très riche de plein de choses. Je pense que l’un des biais par lequel tu m’as rencontrée, c’est le podcast. Maintenant, nous travaillons ensemble. Il y a tellement de choses à dire sur le sujet que nous allons aborder que ça va être dur pour moi d’être concise !

– Et oui ! Nous nous sommes rencontrées parce que j’ai la chance de travailler avec toi depuis quelques mois déjà. Vous m’accompagnez, Rémi et toi, dans le développement de mon entreprise. Ça fait un peu moche de dire ça comme ça. 😉 Mais en tout cas, vous êtes à mes côtés et vous me conseillez dans l’expansion que je souhaite donner à tout mon travail, sur le podcast mais aussi avec les clientes de mon accompagnement Indépendance Cannelle. Aux mois de juin et de juillet, tu as partagé des publications sur ton compte Instagram, l’une parlant de la grossophobie médicale dont tu as été victime et une autre, très inspirante, autour de l’image corporelle. Je me suis dit qu’il y avait là 2 sujets très importants pour mon podcast, « La pleine conscience du pouvoir », sur lesquels j’avais envie de partager. Quoi de mieux qu’un témoignage pour cela ? C’est pour cela que je t’ai contactée dans le cadre de mon podcast. Si ça te convient, j’aimerais bien que nous commencions par échanger sur le parcours que tu as suivi au printemps et qui t’a amenée à rencontrer la grossophobie médicale, cette stigmatisation autour de ton poids.

– Ce n’était pas la première fois que j’y avais à faire. L’année dernière, début 2021, j’ai été opérée d’une hernie discale. J’ai accouché il y a 2 ans et demi et depuis, beaucoup de choses se sont passées par rapport à mon corps. J’ai notamment réalisé beaucoup de choses au sujet de ma santé mentale. J’ai eu beaucoup de prises de conscience et il y a quelque chose qui s’est débloqué autour de l’écoute de mon corps – écoute que je ne pratiquais pas forcément auparavant. L’une des anecdotes auxquelles je pense à chaque fois que je songe à cette non-écoute de moi-même, c’est quand j’avais mal au niveau du ventre, entre ma poitrine et mes hanches. Je disais à Rémi, mon mari, que j’avais mal dans cette zone-là. Il me demandait des précisions, mais je répondais que je ne savais pas. Je pouvais seulement dire que j’avais mal « par-là ». Je n’étais pas capable d’identifier ma douleur, je n’étais pas à l’écoute. J’avais mal mais je ne savais pas bien où et je ne savais pas non plus doser l’intensité de la douleur. Après mon accouchement, plein de choses se sont débloquées. J’ai commencé à m’écouter et j’ai décidé d’aller chercher les bons professionnels. Ça m’a pris 2 ans pour trouver ce dont il s’agissait, mais j’ai fini par subir une opération d’une hernie discale et j’ai fait de la rééducation. Après, j’ai commencé à noter toutes les douleurs et à me dire : « OK, celle-là, c’est bon. Celle-là, c’est traité. Celle-là, je sais d’où ça vient. ». J’arrivais à un stade où je me disais que j’allais vraiment m’écouter, faire en sorte de savoir ce qui me gênait dans ma vie, sans mettre ça sur le compte de « je pèse trop lourd », « je suis trop grosse », « c’est à cause des kilos en trop ». Autour de la respiration, je trouvais que beaucoup de symptômes s’accumulaient : le fait de ronfler la nuit, avoir beaucoup de mal à reprendre mon souffle, ainsi qu’une l’irritabilité fréquente. J’en ai parlé à ma kiné et elle m’a suggéré de m’enregistrer la nuit avec mon téléphone, pour savoir ce qu’il en était exactement des ronflements. Je me suis alors rendu compte que je ronflais… 7 h par nuit ! C’était énorme. J’ai fait ça pendant plusieurs nuits et à chaque fois, c’étaient les mêmes résultats. Cette observation, cumulée aux autres symptômes, je me suis dit que ce n’était pas normal et que j’avais un sommeil très bizarre. Ma kiné m’a dit qu’à ce niveau-là, ce n’était pas une question de kilos et que je devais aller à l’hôpital pour faire un diagnostic d’apnée du sommeil. Je reprécise que c’est ma kiné qui m’a dit ça… Cela montre bien les problèmes de prise en charge ! Même si, bien sûr, je trouve génial qu’elle ait pu m’aider alors que ce n’était pas son domaine.

La grossophobie médicale lors de la recherche de diagnostic

– Ce que tu veux dire, c’est que tu en avais déjà parlé à d’autres professionnels, de ces ronflements et difficultés à respirer, et que personne ne s’était penché dessus ?

– Exactement ! Ces symptômes, je les avais depuis très longtemps, depuis l’âge de 13 ans. J’ai toujours dormi la bouche ouverte, j’ai toujours ronflé, on m’a toujours dit que je faisais beaucoup de bruit, « comme mon père, comme ma tante ». Mais, il y avait toujours eu l’idée que ces personnes sont aussi en surpoids et que ça devait donc être à cause de ça. Le problème avait toujours été dégagé, parce que « ça doit être les kilos ». Il s’agit là autant de grossophobie médicale que de grossophobie générale.

– D’accord, ça avait toujours été vu par le même prisme, celui du poids, comme s’il ne pouvait rien y avoir d’autres derrière cette problématique. Du coup, c’est ta kiné qui, enfin, s’est dit qu’il y avait peut-être un réel problème médical. Peut-être était-elle déjà sensibilisée aux problèmes de sommeil ou de respiration…

– J’adore cette personne, elle a sauvé ma vie, littéralement. Elle est kiné spécialisée dans la rééducation post-partum et dans l’allaitement. Je pense qu’aujourd’hui, dans le monde médical, on sous-estime globalement la douleur, voire on la nie, en nous disant que « ça va passer, c’est normal que vous ayez mal ». Elle, elle était très à l’écoute et en alerte par rapport à ça. Elle n’a pas minimisé mes symptômes, ni mon vécu, ni ma douleur. Au contraire, elle m’a écoutée et je pense que c’est ça qui a ouvert la porte au reste.

– Du coup, tout cela fut en lien avec ton accouchement ? Ce fut un moment de ta vie où tu as vécu une reconnexion à tes sensations corporelles, c’est bien cela ?

– Je dirais plutôt que c’est venu après l’accouchement. L’accouchement que j’ai eu, ce n’est pas forcément celui que j’avais imaginé ni ce dont j’avais envie. Les prises de conscience sont venues après, avec le post-partum, l’allaitement et la dépression post-partum dont je n’étais pas loin. Nous parlons beaucoup de la matrescence, des bouleversements hormonaux et des changements de cette période. C’est tout cela m’a amenée à me dire « Il se passe ça, qu’est-ce que je fais ? ». Ça a vraiment changé les choses pour moi et j’en suis bien contente !

– D’accord, ce fut ça le début de ce cheminement jusqu’à aujourd’hui et qui va peut-être continuer ! Ce post-partum fut un peu compliqué, mais il t’a permis de rencontrer des personnes comme cette kiné. Elle a été à ton écoute, sans minimiser ta douleur, sans dire que c’était normal et sans grossophobie médicale. Elle a su t’accompagner et elle a mis le doigt sur tes problèmes de sommeil. Elle t’a donc envoyée à l’hôpital et, enfin, des mots ont été mis sur ce qu’il se passait et on a établi un diagnostic. C’est bien ça ?

– En fait, ce fut une succession d’éléments. Ça, c’est un des épisodes et je repense à d’autres… J’avais déjà des prémices de ce diagnostic, car il y en a dans ma famille. Mais, tant que les examens ne sont pas réalisés, le diagnostic ne peut pas être posé. Ces examens, je les ai donc faits. J’étais à l’hôpital, on m’a posé des électrodes partout, j’ai passé une nuit pourrie pour savoir ce qu’il se passait au niveau du cœur et de la respiration. « Apnée du sommeil », moi, ça me faisait penser au fait d’arrêter de respirer la nuit et à la machine qui va avec. De plus, dès que j’y pensais, je me disais : « C’est parce que je suis trop grosse que j’ai ça. ». Là, j’ai fait les examens, puis j’ai attendu 15 jours pour avoir les résultats. C’est une psychologue, qui a aussi cette spécialité « apnée du sommeil », qui m’a recontactée pour me dire que c’était très sérieux. Je ne m’attendais pas à ça. Je pensais en faire un peu, qu’on me prescrirait la machine et que ce serait tout. 

– Je fais une petite parenthèse, pour dire que ce lien que tu faisais avec ton poids est quelque chose de complètement internalisé, à l’instar de bon nombre de pensées relatives à l’image corporelle. Tu entendais peut-être cela depuis tes 13 ans, depuis que tu avais du mal à respirer… Du coup, forcément, cette idée revenait à chaque fois que le sujet arrivait sur la table. De là peuvent suivre une la minimisation et la culpabilité.

– Complètement ! Et c’est terrible. C’est terrible de se dire que c’est sa faute, que c’est à cause de ça, en plus de subir les effets de ce problème de santé. Quand le diagnostic a été posé, il m’a été expliqué qu’à partir de 35 apnées, ça commence à être sévère. « 35 apnées », ça signifie que toutes les heures, on s’arrête 35 fois de respirer et ça, c’est considéré comme un problème sévère. Moi, j’en étais à 66. La psychologue que j’ai eue au téléphone m’a bien dit que c’était vraiment sévère. 66 fois par heure, toutes les nuits depuis l’âge de mes 13 ans environ, je m’arrêtais de respirer. Mon corps était en détresse, moi pour moi, c’était normal.

grossophobie médicale témoignage

Une nouvelle vision des choses quant aux effets du surpoids

Quand on m’a informée de ce diagnostic, après avoir un peu digéré la nouvelle, je me suis dit que ce ne serait peut-être pas le cas si j’étais moins grosse. Je lui ai donc tout de suite demandé si c’était lié au poids. Ce à quoi elle a répondu : « Oui, ça peut être une conséquence de l’apnée et ça favorise… ». Ce que j’ai compris, c’est qu’en fait, il s’agit d’un cercle infernal. Ça, ça m’a fait du bien.

– Ce qu’elle dit, c’est même que ça se passe dans l’autre sens : le surpoids peut être une conséquence du fait que tu passes ta nuit à ne pas respirer. Plus de 60 fois par heure, ça fait plus qu’une apnée toutes les secondes ! Tu passais tes nuits en apnée, en fait. Ça me donne envie de respirer ! 😊  

– Le fait que ce soit à ce point la norme que les ronflements viennent du surpoids a rendu les choses difficiles et a participé au fait que j’ai mis du temps à trouver les bonnes personnes. J’avais toujours entendu ces réflexions sur mes ronflements et mon poids, mais là, je commençais à être trop fatiguée, à avoir trop de symptômes graves. Il faut savoir que l’apnée du sommeil peut, entre autres, amener à avoir des accidents de la route. On parle beaucoup de l’alcool, mais il y a aussi des gens qui s’endorment au volant et qui manquent de vigilance. Ce sont souvent les hommes qui sont diagnostiqués. Les femmes le sont moins, pour les raisons que nous évoquons. Pourtant, je ne pouvais plus être concentrée. C’était devenu impossible. Pour éviter la grossophobie médicale et générale, je pense important de se rappeler que l’apnée du sommeil peut nourrir bien d’autres problèmes.

– De plus, j’imagine que certains organes peinent, le cœur notamment.

– Le cœur en pâtit oui, et les hormones ne sont pas synthétisées correctement. Comprendre l’impact du sommeil m’a beaucoup intéressée. En plus, je suis devenue parent… C’était la double peine !

– Et oui, car le sommeil est déjà bien perturbé avec un petit-enfant !

– Ça a sans doute accentué mon diagnostic. De plus, je pense que j’ai, comme beaucoup de femmes, cette capacité à trop prendre sur soi. Au bout d’un moment, le sommeil était vraiment trop en retard… Ça a quand même mis un an demi, presque 2 ans, jusqu’à ce que je m’épuise ! Mon corps ne pouvait pas synthétiser les bonnes hormones et produisait plus de gras à cause de ça. Il y a vraiment tout un dysfonctionnement au niveau de la fabrication des bonnes hormones, mais cela ne se voit pas. Ce que nous voyons, c’est : « Je prends du gras, il faut que je fasse du sport. ». La dernière fois que j’en avais fait, c’était en avril, juste avant d’être diagnostiquée. Dans ma tête, j’en avais envie, car ma santé mentale allait mieux. Mais mon corps n’a pas suivi… J’ai fait une séance de sport que j’adore, en 30 min, et j’ai fait une crise de spasmophilie. Ça ne m’était pas arrivé depuis des années ! Ça arrive quand je fais trop d’efforts et j’ai vraiment senti mon cœur s’emballer !

– Qu’est-ce qu’il s’est passé après ? Tu as eu un traitement ou la machine ? Comment se passe ton sommeil aujourd’hui ? Ça a mis du temps, à s’améliorer ?

– La nuit, je suis obligée de porter un appareil, qui expulse de l’air en continu, que j’inspire ou que j’expire, pour que ma gorge s’ouvre mécaniquement en permanence. Il y a d’autres traitements possibles, mais c’est souvent celui-là qui est prescrit. On me demande souvent si je vais devoir le porter toute ma vie ou pas, mais je n’ai pas la réponse. Même la médecin ne le sait pas, ça dépend de l’amélioration de ma respiration. On peut refaire des tests, tous les ans ou tous les 6 mois. Au début, je me demandais comment j’allais réussir à dormir avec ça, d’autant que je suis encore en cododo avec Charlie. Je redoutais que ça fasse du bruit, que ça me gêne, etc. Mais en fait, j’ai facilement dormi avec. Beaucoup de modèles existent, j’en ai essayé 3 avant de trouver celui qui me convient. Tous les ans, certains s’améliorent et il en sort de nouveaux. Je pense qu’il y a 10 ans, ce n’était pas du tout la même chose, mais aujourd’hui, ce sont vraiment de petits appareils. Ça ne prend pas trop de place, il faut simplement s’y habituer. En se retournant la nuit, ce n’est pas toujours cool, parce qu’on a envie de bouger le tuyau aussi… mais ça va. 😉 Ce ne sont pas des machines qui s’achètent : elles se louent. Un prestataire vient à domicile pour prêter la machine, expliquer comment ça se passe, tester les modèles, etc. Certaines personnes sont très réfractaires, pour d’autres ça se passe très bien. Pour les résultats, c’est pareil : il y a de tout ! Certains voient directement la différence. Pour d’autres, c’est plus long. Pour moi, ce ne fut pas miraculeux et il a fallu du temps. Au moment où nous enregistrons cet épisode, ça fait plus de 6 mois que je l’ai. Depuis environ 1 mois seulement, je sens que j’ai vraiment l’énergie pour refaire du sport. J’en ai envie et mon corps suit : je vois que je peux de nouveau en pratiquer sans avoir l’impression de faire une crise cardiaque.

– Est-ce que ça veut dire que quelque chose s’améliore dans ta respiration en journée aussi ?

– Nous ne nous en apercevons pas, mais mécaniquement, oui. À respirer par la bouche, ma langue n’était pas bien placée. Depuis que j’ai cet appareil, j’apprends à la placer au palais, ce que je ne faisais pas avant. Cet apprentissage est toujours en cours, bien entendu. Je sais que je ne peux m’attendre à un changement radical en quelques semaines ou mois. Mais il n’empêche que je respire mieux et que je sens que je prends de vraies bouffées d’air. À mes yeux, c’est un peu comme si j’avais réglé ce problème, dans le sens où j’ai été diagnostiquée et que j’ai le traitement adéquat. Maintenant, je sais que je ne peux pas avoir la mobilité que je désire parce que mon corps a d’abord besoin d’être en forme. Ce serait OK pour moi de perdre 30 kilos en me remettant à bouger, mais ce n’est pas de ça dont j’ai besoin. Ce dont j’ai besoin, c’est d’avoir de la force, d’avoir la forme, de sentir que je peux me mouvoir sans m’essouffler pour cette raison-là. À part ça, je dors mieux et j’ai pu réaliser ce que c’est qu’une nuit sans être réveillée. Pour moi, c’était normal d’être souvent micro-réveillée, je ne connaissais que ça depuis des années.

– Et oui, depuis que tu étais enfant, quasiment.

– Oui. La première fois, ce que j’ai remarqué, c’est que je m’étais endormie avec la lumière… et que le lendemain : « Ah tiens, il y a encore de la lumière, donc je ne me suis pas réveillée durant la nuit ! ». C’est ça, la première chose qui m’a frappée.

Une image corporelle encore empreinte de dualité

– Incroyable ! 😊 Tu en parlais tout à l’heure et tu viens de l’évoquer de nouveau : lorsqu’une problématique est résolue, c’est comme si tu cochais une case avant de te questionner sur l’étape d’après. Justement, maintenant que nous avons échangé autour de la grossophobie médicale, et si nous abordions notre second sujet du jour ? Je pense à ce que tu avais partagé il y a quelque temps sur les réseaux sociaux, autour de l’image corporelle et de la place qu’elle a aujourd’hui. C’était très inspirant ! Je me souviens que tu disais que, quelle que soit la forme de votre corps aujourd’hui, il est déjà parfait. Il y avait quelque chose de l’ordre de cette idée, dans mon souvenir. Est-ce que tu veux bien échanger avec nous là-dessus ? Qu’est-ce qui t’a amené à partager cette publication ? Qu’elle est l’étape d’après ? Où tu en es, aujourd’hui, par rapport à cette question ?

– Je pense qu’aujourd’hui, ma relation au corps est à peu près la même qu’à ce moment-là. Dans cette publication, mon message était surtout de dire qu’il y avait certaines choses que je ne faisais pas avec mon corps. La raison étant que je ne l’aime pas comme il est et qu’il faudrait qu’il soit différent pour que je puisse me montrer. Je pouvais me dire, par exemple, que la caméra allait peut-être filmer mon double-menton, si j’en ai un… « Ah ! Comment vais-je faire ? » J’étais vraiment en train de réaliser que je ne faisais pas certaines choses parce que mon corps n’avait pas un certain aspect et cette réalisation me peinait. Aujourd’hui, il y a toujours une dualité entre « j’ai envie d’être différente pour me sentir mieux », mais en même temps « je m’aime comme je suis ». Je ressens, d’un côté, que je suis fière de qui je suis et d’un autre côté, ça me fait chier de penser ça et je le ressens, que ça ne me va pas. Je ressens vraiment une dualité entre le fait de vouloir être différente… mais de ne pas vouloir l’être.

– D’accord, tu vis avec des idées paradoxales : « Je m’aime comme je suis. », mais en même temps, « J’aimerais être autrement. ».

– Aujourd’hui, ça a un peu changé. La dernière chose que j’ai comprise autour de ce sujet-là est relative au fait de toujours se regarder au travers du regard de l’autre. La publication dont tu parles était un reel Instagram, mais dernièrement, j’ai eu une expérience avec un shooting photo. Là aussi, j’étais vue à travers le regard de quelqu’un d’autre et j’ai eu une réflexion autour du paraître et du fait d’être différente pour quelqu’un d’autre. Même si j’avais ces réflexions depuis longtemps, cette expérience m’a permis de vraiment les réaliser. Je pense qu’on intègre, comprend, accepte et change, au fil du temps, pas toujours d’un seul coup. Il faut parfois toute une traversée pour avancer. Là, c’est vraiment en lien avec ce que nous nous sommes dit : le problème ne vient pas de mon image corporelle à proprement parler, mais plus du ressenti que j’ai, par rapport à ce qui peut être vu ou à ce que je montre. Je ne peux pas dire que je me sente en phase avec mon corps, dans le sens où si j’avais le même, mais que je me sentais forte et en forme, ça m’irait… mais ce n’est pas le cas. C’est cela qui fait qu’aujourd’hui, si j’arrive à faire le sport que j’aime, ce n’est pas forcément parce que j’en envie de rentrer dans du 42, contre du 48/50 aujourd’hui. Si j’y arrive, c’est plutôt que parce que j’ai envie de me sentir forte.

grossophobie médicale

L’envie non pas d’être fine, mais d’avoir un corps puissant et en forme

– D’accord, il s’agit de rendre ton corps puissant. Ça me rappelle le témoignage d’autres femmes dans ce podcast, par rapport à la naissance de leur enfant. Elles parlaient d’une puissance, qui n’a rien à voir avec la forme du corps, mais avec la capacité qu’il a, à accomplir quelque chose d’extraordinaire comme donner la vie, mais aussi à accomplir des choses fortes au quotidien. Elles partagent avec toi ce message, à l’encontre de la culture des régimes et de la grossophobie médicale, de souhaiter un corps au service de ce qu’elles ont envie d’accomplir, quelle que soit la forme qu’il a.

– C’est complètement ça. Après avoir eu le diagnostic d’apnée du sommeil, je suis retournée aux urgences en octobre dernier. Je ne me rappelle plus ce que j’ai eu, mais j’ai ressenti une douleur très forte, je suis retournée aux urgences et on m’a diagnostiqué autre chose. Après cela, je suis retournée voir cette kiné que j’adore. Elle m’a dit que vu tout ce que j’avais traversé, si j’accouchais de nouveau, je serais capable de le vivre sans péridural, car je suis capable de gérer la douleur. Il ne s’agit évidemment pas de souffrir pour comprendre à quel point on est fort par rapport à la douleur, ce n’est pas un concours. 😉 Mais, quand elle m’a dit ça, j’ai compris que nous sommes vraiment fortes. C’est ça que je recherche : être en forme, pouvoir faire ce que j’ai envie de faire et avoir le corps qui me permet de le faire et ce, pour longtemps. C’est vraiment à l’opposé du fait de vouloir ressembler à la vision de la beauté en 2022.

– Oui, il s’agit de vivre avec son corps pour sa fonction. Je suis marquée par ce que tu as partagé avec nous autour de l’image car dans ton travail, tu « utilises », entre guillemets, beaucoup ton image. Tu te montres, que ce soit via des vidéos ou des shootings photos, or tu viens d’évoquer avec nous ton vécu par rapport au regard de l’autre. Quand tu nous as parlé de ce shooting, j’ai eu l’impression que quelque chose avait changé, que ton approche de ton image corporelle était un peu différente de ce qu’elle a pu être.

– Initialement, il devait avoir lieu plus tôt dans l’année 2021, mais il s’est décalé pour des raisons de météo. Au départ, je m’étais demandé si j’allais vraiment le faire, si j’avais envie d’avoir des photos de moi comme ça, si ça m’intéressait de me voir, etc. Je n’allais pas maîtriser, car ce n’est pas moi qui prendrais ces photos, ce serait quelqu’un d’autre. Mais en même temps, j’avais envie d’avoir des souvenirs. Je ressentais une dualité entre l’envie d’avoir des photos et cette impression désagréable qu’en faisant ça, on fige une image dans le temps. Ce n’est jamais qu’un morceau de nous. Qui dit ça dit qu’en fait, souvent, ces images vivent au regard de ce qu’il s’est passé avant. J’avais cette idée que, dans quelque temps, je me dirais : « À cette époque, je me trouvais grosse aussi… et en fait, ce n’était pas le cas. ». Je trouvais que les photos véhiculent trop cette idée que « avant, c’était mieux ». Mais j’ai réalisé que c’était vraiment dommage de tout le temps être dans ce regret du passé, car je me sentais pareil aujourd’hui qu’il y a 5 ou 10 ans. J’ai vraiment réalisé que ce n’est pas grave de ne pas se sentir bien et parfait là, maintenant, tout de suite. Ce n’est pas grave non plus de se dire qu’on aurait pu vivre différemment toutes ces années parce qu’alors notre corps était très bien même si on ne le voyait pas ainsi, alors que c’est surtout une question de regard. Plein de choses se sont mélangées, mais je pense que ce que j’ai surtout réalisé, c’est que j’ai le droit d’avoir envie de ces photos et de les montrer. Je n’ai pas besoin de me mettre de barrière en me disant : « Je ne vais pas faire ça parce que je me trouve trop moche pour telle et telle raison. ». J’ai envie de ne m’imposer aucune barrière, c’est surtout ça que tu as senti dans cette publication.

– Tu as envie de pouvoir profiter du moment tel qu’il est, sans être déjà préoccupée parce que tu en penseras plus tard, ou ce que tu en aurais pensé avant… parce qu’en fait, ça ne va jamais. C’est ça aussi que tu dis : si tu regardes les photos d’il y a 5 ans ou 10 ans, tu te souviens que tu ne te sentais déjà pas bien dans ton corps, alors qu’en regardant la photo aujourd’hui, tu constates qu’il n’y avait pas lieu. Les femmes qui témoignent ici partagent souvent cela ! Il s’agit, cette fois-ci, non pas de grossophobie médicale, mais plutôt d’une forme de grossophobie internalisée et de difficultés quant à l’image corporelle. Quand elles regardent une photo prise avant le fameux premier régime, quand elles se trouvaient trop grosses, elles constatent que non, en fait elles étaient parfaites. C’est ça ton message : le parfait, c’est maintenant. J’entendais cela aussi dans ton message. N’est-ce pas ?

– Oui. Ceci étant, même si c’était pire ou mieux avant et que maintenant, je me sens dans un meilleur état d’esprit, alors d’autres pensées peuvent arriver. Elles font aussi partie de mon message autour de l’image corporelle. Par exemple, pendant mon shooting, la réflexion qui m’a traversé l’esprit, c’est que « c’est dommage, je commence à faire du sport en ce moment, si je l’avais fait plus tôt, j’aurais pu avoir un poids plus faible et être différente physiquement. J’aurais été plus belle sur les photos, pour quand je les regarderai après ». C’est comme ce truc constant et courant de « J’achète une fringue maintenant mais je la mettrais plus tard. » ou « C’est une fringue d’avant, je la remettrai peut-être plus tard. ». Nous ne sommes jamais vraiment dans le présent. Comme tu me vois pendant qu’on enregistre, tu as la possibilité de voir la robe que je porte Avant, j’aurais attendu 6 mois avant de me l’acheter ! Là, j’avais envie d’avoir de beaux vêtements, à ma taille, que j’aime porter, bref, dans lesquels je me sens bien : je n’ai pas attendu pour ça. Et ce, même si c’est plus difficile et même si ce ne correspond pas forcément aux valeurs de consommation que j’aimerais pouvoir porter… Malheureusement, les vêtements pour les personnes en surpoids, c’est vraiment compliqué. On nous fait culpabiliser d’acheter de la fast-fashion, mais en même temps, on ne nous donne pas l’opportunité de porter ce qu’on a envie, c’est terrible. Malgré cela, je l’ai achetée quand même. Je n’ai pas attendu d’avoir fait plus de sport et de pouvoir rentrer dans des robes que j’aimais ou que j’aimerais bien porter. C’est maintenant.

– Tu as bien raison. Pourquoi ne pas se sentir bien, belle et confortable, avec un corps puissant, dès maintenant ? Quand nous passons ce message-là, il nous est parfois répondu qu’il ne faut pas se contenter de ça, qu’il faut viser plus loin, etc. Mais il ne s’agit pas de ça ! Ça n’a rien à voir. Être dans le présent n’empêche pas d’avoir des projets, des objectifs ni d’imaginer la situation autrement. C’est juste que c’est maintenant que ça se passe.

Le mot de la fin sur la grossophobie et mon témoignage : écoutez-vous !

Mais je vois que le temps défile assez vite, comme toujours. Je pourrais trouver encore plein de questions à te poser ! Je repensais à ce que tu disais par rapport à la petite Julie à qui on disait « C’est comme ton père. »… mais je vais mettre ça de côté pour le moment. Maintenant, s’il devait y avoir un dernier message inspirant à faire passer, la chose la plus importante à transmettre ici, ce serait quoi ?

– C’est dur, la question que tu me poses ! 😉

– Il peut y avoir plusieurs choses. 😊

– Des messages tels que « vous êtes belle comme vous êtes » ou « faites ce que vous voulez », je pense que ça peut toujours raisonner chez quelqu’un, d’une façon ou d’une autre selon les personnes. Mais, au final, le message principal, au-delà de la grossophobie médicale et de l’image corporelle, c’est de s’écouter, soi. Cherchez et validez ce que vous ressentez, que ce soit quelque chose de dur, de beau, les 2 à la fois ou autre chose. C’est vraiment ça qui m’a aidée, ces dernières années. Mon premier message, ce serait d’écouter ce que vous ressentez et d’aller trouver quelqu’un qui soit en capacité d’être en résonnance avec ça si c’est de la douleur, ou de creuser le sujet si vous en avez envie, etc. Que ce soit pour ma santé mentale ou pour ma santé physique, c’est ce qu’il s’est passé. Je suis allée voir une thérapeute, j’ai été accompagnée et ça continue. J’ai toujours été dans cette écoute de moi-même et je pense que la base est là : valider ce que vous ressentez et comprendre que c’est OK, peu importe ce dont il s’agit.

– Oui, la légitimité à ressentir et à éprouver des choses, c’est important.

– Même si ce n’est pas forcément ce qu’on attend de vous… Justement d’ailleurs, ce n’est pas l’objectif.

– Ça, ce serait ton premier message.

– Après… Ce que je dis souvent, c’est : « On s’en fout, on le fait quand même et ça va bien se passer ! ». En général, il s’agit de se dire : « J’ai ce problème. Maintenant, qu’est-ce que je veux pour moi ? ». Le « maintenant » est très important. Qu’est-ce qui est important pour vous, maintenant ? Faites-le maintenant, si c’est une chose juste et que vous avez vraiment envie de vous lancer. Souvent, nous avons un regard pour ce qu’il s’est passé ou ce qui arrivera et nous pouvons rester ainsi comme ça à vie. À la fin, vous pourriez le regretter et je trouve ça dommage.

– Et oui ! D’ailleurs, cela concerne plein de domaines de notre vie ! Je ne sais pas si tu verrais ça comme ça, mais je reste marquée par… presque « la chance » d’avoir pu rencontrer les bonnes personnes, comme cette kiné, qui ont pu t’amener à avancer. Sinon, ça aurait pu continuer pendant je ne sais combien de temps. Tu aurais pu finir avec… un infarctus peut-être. Je ne sais pas quel aurait été le pire risque pour toi, si tu avais continué à entendre encore et toujours qu’il faudrait que tu perdes du poids. En même temps, dire ça me rend triste, car je sais qu’il y a d’autres personnes qui ne rencontreront pas la personne qui leur sera adaptée…

– Je ne suis pas sûre que ce soit une question de chance. Évidemment, il y a toutes les questions sociétales que nous pourrions évoquer… Je pense que nous sommes d’accord sur le fait que, en tant que personne grosse, nous n’avons pas de chance pour ce qui est du domaine médical. Mais, je pense aussi qu’avoir confiance en la vie, entre guillemets, ça compte aussi. Si je me suis occupée de ma douleur physique, c’est aussi parce que, mentalement, j’étais prête à l’aborder. J’ai d’abord traité l’aspect santé mental, même si j’avais des douleurs physiques. J’ai vraiment vu ça comme ça une succession d’éléments. Après des changements, quand on regarde ce qu’il s’est passé avec le recul, souvent, nous constatons que ça fait sens. Ou bien, nous nous faisons des remarques comme : « heureusement que ça s’est passé comme ça » ou « heureusement que j’ai eu assez confiance pour faire ça, à ce moment-là ». Souvent, pour ce qui est de la « bonne personne », nous comprenons que nous l’avons rencontrée à ce moment-là, pour cette raison-là. Ça, ça rassure. Il faut avoir confiance sur le fait que vous trouverez les bonnes personnes si vous allez les chercher. N’attendez pas 50 ans que quelqu’un vienne vous dire quoi faire… Je rajoute que si vous avez le moindre doute, que ce soit sur quelqu’un du monde médical ou non, si vous sentez que vous n’êtes pas soutenu ni écouté ou que ça ne vous convient pas : allez voir ailleurs. Mais vraiment : allez voir quelqu’un d’autre jusqu’à ce que vous trouviez l’oreille attentive qui vous fera creuser les choses pour aller mieux. Ça, c’est très important.

– Et ça demande une certaine ténacité !

– Oui, c’est pour ça qu’il faut se sentir bien dedans et dehors. Je pense que le « dedans » est sous-estimé. Je pense que, d’avoir commencé par prendre soin de mon mental, malgré la présence de douleurs physiques, ça m’a aidé pour la suite.

– Je te remercie beaucoup, Julie, pour ce temps que tu as pris avec moi, avec nous, pour partager ton expérience.

– Merci de m’avoir accueillie pour échanger sur ce sujet ! Ça change du business, c’est cool ! 😊

Si vous souhaitez échanger avec Julie ou être accompagné dans votre entreprenariat, vous pouvez la retrouver, avec son mari, sur son compte Instagram, kinokojulie, ou sur leur site internet. Ils proposent également un podcast : Être soi. Vous avez de quoi écouter une centaine d’épisodes ! Pour ma part, j’espère que le témoignage de Julie autour de la grossophobie médicale et de l’image corporelle vous aura inspiré. J’attends avec impatience vos retours sur mon compte Instagram ou via mon site internet.

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