Sortir de l’anorexie | Le témoignage de Lana

Dans cet article de « La pleine conscience du pouvoir », mon podcast sur l’alimentation, vous découvrirez dans le témoignage de Lana comment cette jeune fille de 15 ans a commencé à sortir de l’anorexie mentale dont elle souffre depuis 2 ans et demi. Tout est parti, un été, d’un défi entre cousines de faire un régime. L’obsession pour son poids a commencé à la rentrée suivante, alors que tout le monde autour d’elle la félicitait pour cette perte de poids – alors même qu’elle n’était pas en surpoids avant cela… Comme beaucoup de jeunes souffrant de troubles du comportement alimentaire, en plus et à cause de sa relation compliquée avec la nourriture, Lana a connu la dépression, le harcèlement au collège, un sentiment de solitude extrême, l’hospitalisation… Si vous aussi, vous vous demandez comment se réconcilier avec la nourriture, j’espère que vous serez encouragé par la joie de vivre que Lana essaie de transmettre autour d’elle, maintenant que son chemin de guérison est bien entamé !

« Bonjour à tous, je m’appelle Lana, j’ai 15 ans, ça fait environ 2 ans et demi que je souffre d’anorexie mentale et je vais vous raconter mon histoire. »

« Je commençais à rentrer dans un cercle vicieux et je ne me suis jamais posé la question de quand j’allai arrêter. »

« La pédiatre est venue dans ma chambre, où mes parents étaient à côté, elle a annoncé que je souffrais d’anorexie mentale. Elle a posé ce diagnostic-là le 6 février 2019 exactement. »

« Pour moi, mon corps, c’est comme une petite sœur, je dirais, ou un petit frère, donc je dois prendre soin de lui, en fait, lui donner de la nourriture, pour qu’il ait de l’énergie. »

« C’est une façon aussi de me remercier et de lui dire que… ben merci. »

« Je suis vraiment prête à guérir et à me débarrasser de la maladie. C’est vraiment une ennemie contre laquelle il faut avoir la rage contre elle, je pense, et se battre coûte que coûte. »

« Je n’ai pas du tout envie que la maladie gagne et qu’elle m’enlève à mes parents et à mon futur. »

Extraits du témoignage de Lana

Un défi entre cousines à l’origine de mon trouble du comportement alimentaire

  • Bonjour Lana, je suis ravie de t’accueillir dans ce nouvel épisode de mon podcast sur l’alimentation, pour recueillir ton témoignage. Avant de te laisser la parole, j’avais envie de raconter la façon dont nous nous sommes rencontrées, toutes les 2. Ça s’est passé via ton compte Instagram, dont tu parleras peut-être au cours de cet entretien. Avec ce compte, tu as à cœur de témoigner sur la façon dont tu as pu commencer à sortir de l’anorexie et de soutenir ceux qui traversent une période similaire. J’ai été très touchée par le fait que tu veuilles tant partager et tant soutenir. C’est ainsi que nous nous sommes rencontrées, et lorsque je t’ai demandé si tu souhaitais venir témoigner dans mon podcast « La pleine conscience du pouvoir » et que tu as accepté, j’étais super contente ! Maintenant, même si j’ai commencé à te présenter, est-ce que tu veux bien le faire également ?
  • Bonjour à tous, je m’appelle Lana, j’ai 15 ans et je suis en 3ème. Étant donné que la période que j’ai vécue a été très difficile, je suis maintenant l’école à la maison et ça fait environ 2 ans et demi que je souffre d’anorexie mentale. Je vais vous raconter mon histoire.
  • Je te remercie beaucoup pour ce partage-là, parce que je pense que ce n’est pas toujours facile de venir parler de ce qu’il se passe quand on souffre d’un trouble du comportement alimentaire. J’ai l’impression que cette générosité, dont je parlais juste avant et dont tu fais preuve, permet cela aussi. Est-ce que tu aurais envie de reprendre ton histoire dans l’ordre chronologique ? Quand est-ce que ça a commencé ?
  • Je dirais que mon obsession pour mon poids et mon image a vraiment débuté vers les mois de juillet et août 2018. J’ai commencé à ne pas trop aimer mon corps pendant les grandes vacances, que je passais avec mes 2 cousines. Nous avons à peu près le même âge et nous avons eu envie de faire un régime. Quand on rentre dans la période de l’adolescence, le changement du corps peut être un perturbateur qui peut provoquer des TCA, des dépressions, etc. C’est là que j’ai commencé à vraiment faire très attention à mon alimentation. Mes cousines et moi, nous faisions les choses avec obsession, par exemple en pratiquant beaucoup de sport. Nous ne connaissions presque rien à la nutrition, donc nous appliquions ce régime comme si nous étions des adultes… alors que nous étions plutôt des enfants je dirais, puisque j’avais 12 ans. C’est encore un âge très jeune. Au retour de ces vacances, chez moi, beaucoup de personnes dans ma famille m’ont félicité pour ma perte de poids, parce que je pense que j’étais « plus jolie », ou quelque chose comme ça. Pourtant, je n’ai jamais été en surpoids. Je dirais, en quelque sorte, que j’avais un poids « normal ». Je pense que c’était vraiment dans mon corps et aussi dans ma tête que je ne me sentais pas bien, donc j’ai voulu continuer cette perte de poids. C’est là que j’ai commencé à rentrer dans un cercle vicieux : j’arrivais à perdre du poids, donc je continuais et ainsi de suite. Je pense que je ne me suis jamais rendu compte, je ne me suis jamais la question « Quand est-ce que j’arrête ? »
  • Tu m’arrêtes si je me trompe, mais en résumé je comprends que c’est parti d’un défi entre cousines, en fait. Pourtant, je ne sais pas ce qu’il en était pour elles, mais toi en tout cas tu n’étais pas du tout en surpoids à l’époque. Puis, quelque chose à dérapé… d’autant que tu avais été félicitée pour cette perte de poids. C’est bien cela ?
  • C’est ça. Mes cousines, de leur côté, ne sont pas tombées dans l’anorexie ni dans un autre trouble du comportement alimentaire. Il n’y a que moi qui ait suivi ce chemin. Elles ont repris le cours de leur vie, alors que moi, pas du tout. Même à l’école, quand je suis rentrée au mois de septembre, beaucoup de personnes m’ont félicitée également et c’est là que ça a vraiment commencé à prendre de l’envergure et que l’obsession s’est installée.
  • C’est donc une rencontre entre la valorisation de cette perte de poids et d’une envie que toi tu avais de continuer à contrôler qui t’a fait tomber.
  • C’est ça. Mon optique était vraiment : « aller toujours plus loin ». Avec le recul, je comprends que je n’avais aucune idée de là où j’allais m’arrêter. Généralement, on vise une certaine perte de poids, un certain poids. Moi, je n’avais aucune idée de ça.

Le sentiment d’isolement et la dépression au collège

  • C’était le processus qui était important pour toi, il n’y avait pas de ligne d’arrivée. Du coup, continuons la chronologie de ton histoire : ça, c’était lors de ta rentrée en 6ème, c’est cela ?
  • C’était à ma rentrée de 5ème. Vers le mois d’octobre, à peu près, j’ai vraiment commencé à sombrer dans un comportement dépressif. Je me renfermais beaucoup sur moi-même, je restais fermée à mes camarades de classe, lorsqu’ils venaient me parler. En quelque sorte, j’étais rejetée mais, avec du recul également, je réalise que mon comportement était de ne pas adresser la parole aux autres. Je voulais parler aux autres le moins possible et ça m’a coupé de toute amitié. J’ai subi un début de harcèlement moral. J’ai reçu beaucoup de moqueries, ou des remarques sur mon aspect physique, parce que ma perte de poids, très rapide, se voyait. Pour moi, c’était vraiment très très compliqué. Je pleurais dans mon lit le soir, si bien que mes parents venaient me voir. Quand mon père nous déposait à l’école, j’éprouvais beaucoup de difficulté à sortir de la voiture. Mes larmes coulaient, je ressentais beaucoup de stress. En plus, c’était l’hiver et, très honnêtement, j’ai un mauvais ressenti de ça, car c’était si dur que je dirais que j’ai vécu un traumatisme. Même pendant les cours, il m’arrivait souvent de pleurer quand on devait se mettre en groupe pour réaliser un travail. J’étais toute seule dans mon coin. J’avais très froid donc j’étais à côté du radiateur et je m’en rapprochais le plus possible, pour atteindre une source de chaleur, que mon corps n’arrivait plus à en dégager.
  • Oui, c’était vraiment une période de grande détresse pour toi. Tu as parlé de harcèlement, d’isolement… Tu te sentais hyper triste. C’était une sacrée épreuve, tu parles même de traumatisme, à propos de ce moment-là. Est-ce que tu veux bien nous partager la suite, à présent ?
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L’hospitalisation et le début d’une nouvelle vie

  • Après cette période, qui fut très difficile, je ne me rendais presque plus en cours, ma maman venait me chercher le plus souvent possible. Je me plaignais d’avoir mal au ventre, ce n’était vraiment pas possible de rester en cours pour moi. J’étais suivie par une psychologue, que j’allais voir assez régulièrement. Je suis rentrée dans une période très scolaire, avec 15 de moyenne, au lieu de 9 de moyenne d’habitude. Je travaillais entre autres sur un projet en anglais, je me préparais vraiment à passer cet oral. Un jour, lors de mon rendez-vous chez la psychologue, j’ai écrit une lettre à mes parents. C’était difficile d’exprimer à l’oral ce que je ressentais. Je me sentais beaucoup plus à l’aise à l’écrit. J’ai donc rédigé cette lettre, pour leur expliquer que ma dernière pesée avait été un choc pour moi. Mon père a pris la décision de montrer cela à ma psychologue, avec mon accord. Elle a calculé mon IMC et m’a demandé d’aller faire des examens, car elle trouvait cela vraiment trop bas. Ces examens ont duré toute une journée. En attendant les résultats, j’avais été installée dans une chambre. La pédiatre est venue dans cette chambre, mes parents se trouvaient à côté de moi et elle a annoncé que je souffrais d’anorexie mentale. Elle a posé ce diagnostic-là, le 6 février 2019 exactement. Je ne pouvais plus du tout rentrer chez moi car ma santé est trop mise en danger. Le lendemain, j’ai été transférée dans un hôpital un peu plus loin de chez moi, où j’ai été prise en charge pendant 3 mois, presque 4. Là, ce fut une période pendant laquelle j’étais toujours dans le déni, mais où j’essayais de me reconstruire, grâce à l’aide de l’alimentation, pour mon corps ; et grâce à l’aide psychologique des pédopsychiatres, pour mon moral. Je ne le savais pas encore, mais c’était la première étape de mon chemin pour sortir de l’anorexie.
  • Je suis marquée par la présence importante, pour toi, de cette date du 6 février 2019. Comment tu le baptiserais, toi, ce jour-là, si tu devais lui donner un nom, à ce fameux 6 février ?
  • Je pense que je lui donnerai le nom de « début d’une nouvelle vie ». Ce fut comme si la famille était brisée, car j’ai dû partir loin de la maison. Mais, d’un autre côté, c’était le début d’une nouvelle vie car c’était une possibilité de reprendre goût à la vie, même si à ce moment-là je ne le voulais pas du tout. Aujourd’hui, je dirais que c’était un moment de renouveau.
  • C’était le début d’un nouveau chemin, finalement, même si, comme tu le dis, ton état d’esprit n’était pas encore celui-là. C’était il y a environ 2 ans, donc à l’échelle de 15 années de vie, 2 ans ce n’est pas rien ! C’était vraiment le début de quelque chose, en tout cas c’est comme ça que tu peux le voir aujourd’hui, même si en même temps ça impliquait d’être loin de ta famille, de tes parents. Tu es restée 3 ou 4 mois à l’hôpital. Raconte-nous comment ça s’est passé.
  • J’ai été prise en charge par les psychologues. En arrivant, j’ai réalisé des examens pour voir si tout allait bien ou pas. On m’a installé une sonde naso-gastrique, car les médecins jugeaient que ma prise de poids n’était pas assez rapide. Ils trouvaient que je ne faisais pas assez d’efforts, ce qui montre bien que c’était encore difficile sur ce sujet-là. Je l’ai portée pendant presque 1 mois et ça m’a beaucoup aidée. Mais, c’est quelque chose qui a été très dur, car ils me l’ont posé des dizaines de fois. La mettre, l’enlever, la mettre, l’enlever, faire des examens pour vérifier qu’elle était bien placée, devoir l’enlever une fois remontée… C’était vraiment pénible et encore une fois ce fut un traumatisme, qui est resté gravé en moi.
  • Et oui, d’autant que c’est un geste assez invasif, très invasif même. Devoir le faire et le refaire, ce n’est pas rien.
  • Oui. Les repas étaient pris tous ensemble, donc au début c’était difficile. Petit à petit, j’ai essayé de manger le plus possible, entre guillemets. J’essayais de reprendre une alimentation normale, même si les repas étaient des moments très difficiles. Il y a eu des hauts et des bas, mais je me suis alimentée aussi avec l’aide des médecins, qui donnaient des petits conseils. Dans mon service, il y avait d’autres personnes qui souffraient également d’anorexie, donc avec eux aussi on se donnait des conseils les uns et les autres. On essayait vraiment de se soutenir, de partager un maximum, de s’entraider, etc., car je pense que c’est le seul moyen de s’en sortir. Avoir leur soutien m’a beaucoup aidé. Il y avait aussi d’autres personnes, à côté, qui étaient là pour moi, comme mes parents, qui étaient très présents.
  • Ce dont j’ai l’impression, tu me diras si je me trompe, c’est que de retrouver le soutien d’un groupe, de pairs, de personnes qui vivaient la même chose, d’être toutes ensemble, car j’imagine qu’il s’agissait surtout de jeunes filles, c’était un tel contraste avec ce que tu avais vécu au collège, entre isolement et mise à l’écart, que ça te redonnait confiance dans les relations humaines.
  • Oui, ça m’a permis de me rendre compte qu’il y a des personnes bien dans le monde, que tout le monde n’est pas comme ce à quoi j’avais été habituée à l’école.

La sortie de l’hôpital

  • Oui, je comprends. C’était un sacré contraste ! Après, 3 ou 4 mois après, il y a eu la sortie de l’hôpital.
  • Oui, le 27 mai 2019. Je n’ai pas du tout repris de scolarité. Pour les quelques mois qui restaient, retourner à l’école où j’étais, ce n’était pas du tout possible. J’étais encore très fragile psychologiquement. J’ai suivi des cours à distance, que l’école m’avait demandé de rattraper. C’était assez bien, mais je voulais vraiment me consacrer à ma guérison et poursuivre encore plus mes efforts à la maison pour sortir de l’anorexie. Ensuite, pendant l’été, je suis allée en vacances avec ma tante, puis dans un centre avec d’autres jeunes pour m’habituer et pour m’accorder, entre guillemets, un nouveau début pour la scolarité de 2020.
  • C’était un centre de vacances qui n’avait rien à voir avec le médical, pour le coup ?
  • Non, c’était vraiment avec des jeunes que je pouvais croiser à l’école.
  • Et alors, ce fut comment de te retrouver à nouveau dans un groupe ?
  • Au début, c’était très difficile. Je n’avais pas envie d’y aller. Revoir les gens que j’avais déjà vu, c’était compliqué, de même que rediscuter des choses de la vie de tous les jours, etc. Les repas étaient également pris là-bas, donc c’était difficile, mais j’essayais vraiment de m’accrocher aux activités, de rigoler le plus possible et de m’amuser. Une sortie avait été organisée dans un parc d’attraction, ça ce fut très chouette et j’en ai de bons souvenirs. J’étais prête, à nouveau, à reprendre ma scolarité et à partager ça avec de nouvelles personnes.
  • Il s’agissait non pas de repartir à zéro, puisque si je comprends bien, il y avait des personnes que tu connaissais déjà, mais plutôt de repartir sur d’autres bases, pour cette rentrée.
  • Oui, c’est ça.
  • Donc, en septembre, tu es rentrée en 4ème, c’est bien ça ? C’était toujours dans le même collège ?
  • Non, c’était un autre collège, pas très loin de chez moi. Ça s’est bien passé, ça s’est vraiment bien passé, je reprenais goût à la vie. La maladie ne prenait plus vraiment de place dans ma vie. Je pense que je l’avais vraiment enfouie à l’intérieur de moi. Avec tout ce qu’il se passait autour de moi, l’école, etc., j’y pensais le moins possible. Je n’avais pas assez de place, entre guillemets, pour y penser dans mes journées. J’ai vraiment créé des amitiés dont j’ai de très bons souvenirs, même si aujourd’hui, malheureusement, elles sont terminées. Ça m’a permis de me rendre compte de ce que je suis capable de réaliser. Aujourd’hui, même si j’éprouve encore des difficultés à créer du lien social, j’ai quand même réussi à aller à l’école plusieurs fois, et je pense que c’est encore possible.
  • Oui, c’est-à-dire que, même si c’était compliqué et que ça peut encore être compliqué, c’est venu te prouver que c’est possible. Ça t’a permis de réaliser que ce n’est pas forcément douloureux, difficile, moche… Mais que tu pouvais aussi découvrir du positif dans ces relations.
  • Oui, c’est ça.
  • Et donc, tu disais que, pendant cette période-là, c’est vraiment le scolaire qui était en avant et que la maladie était enfouie.
  • Oui, c’est ça. Il n’y avait plus de période restrictive ni de mauvaises pensées. C’était vraiment comme si je revivais normalement, je pense. C’était un grand soulagement à ce moment-là, car je pensais être guérie. Noël est arrivé et s’est super bien passé. J’ai passé de bons moments, je recommençais à me construire moi-même. Nous profitions des repas, nous sortions, les repas étaient plus normaux… Puis, c’est au confinement que ça a commencé à repartir. J’ai vécu de l’isolement, car nous ne pouvions pas sortir de chez nous. J’ai décroché dans la scolarité car je n’arrivais plus du tout à travailler. Je suis un peu retombée dans la maladie, j’ai reperdu du poids. J’ai été menacée entre guillemets, par ma pédiatre, d’une seconde hospitalisation si je ne reprenais pas du poids, car il y avait des enjeux pour ma santé. Heureusement, j’ai eu un déclic, en me rappelant de tout ce que j’avais vécu à l’hôpital, qui n’était pas forcément positif. À ce moment-là, je me suis dit « Il faut que je me reprenne en mains, faut vraiment que je remonte la pente car je ne veux pas revivre ça. » J’avais la volonté d’y arriver par moi-même. J’ai reçu beaucoup de soutien de la part de mes parents. J’ai recommencé à reprendre goût à la vie, de nouveau, car j’étais vraiment retombée bas psychologiquement. J’avais très peu de confiance en moi. Mon père m’a accompagnée sur le plan de l’alimentation, en trouvant des petites astuces et surtout en m’aidant à appliquer une méthode qui m’a beaucoup aidée et m’aide encore. Il s’agissait de remanger un peu à la façon d’une « reverse diet ». Le principe, c’est de remonter ses apports énergétiques progressivement, jusqu’à retrouver une alimentation normale. Ça m’a beaucoup aidée, car j’ai goûté de nouveaux aliments, j’ai découvert des plats et des saveurs, comme le porridge, que j’aime beaucoup ! J’ai découvert les bowl cakes, etc. J’ai repris goût à la vie. Le confinement fut une période dure, mais il y aussi eu beaucoup de positif.
  • Tout ça s’est fait assez rapidement, si je comprends bien ? Il y a eu le début du confinement où tu t’es sentie à nouveau isolée, où scolairement c’était compliqué, si bien que tu as lâché… mais il y a eu assez vite cette mise en garde de la pédiatre, qui t’a permis une prise de conscience. C’était assez rapide, n’est-ce pas ?
  • Oui. Je pense que ce retournement de situation a duré environ 3 semaines, entre le moment où on a commencé à me mettre un peu la pression, à me faire comprendre qu’il ne fallait pas pousser le bouchon trop loin, et le moment où j’ai vraiment décidé d’avancer et où j’ai reçu l’aide de mes parents.
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Le rôle des parents et du suivi médical dans mon chemin pour sortir de l’anorexie

  • Tu l’as déjà évoqué, lorsque tu parlais de ton hospitalisation : tes parents ont toujours été très soutenants et continuent à l’être, dans ce processus de guérison.
  • Oui.
  • Pendant cette période, entre la rentrée et le confinement en mars 2020, je suppose que tu continuais à être suivie, par la pédiatre ou du personnel de l’hôpital. Comment ça se passait, à ce niveau-là ?
  • Pendant le confinement, j’avais un suivi pédiatrique, mais aucun suivi psychologique, car les rendez-vous étaient annulés. Ça, ce fut très compliqué. Je pense que de ne pas avoir de lien du tout, de ne pas pouvoir parler de ce qui n’allait pas, ce fut dur. Après ça, j’ai repris un suivi psychologique avec le pédopsychiatre de mon hospitalisation, que je connais depuis à peu près 2 ans. Ça m’a beaucoup aidée à remonter la pente.
  • C’est un travail d’équipe, entre ta famille et les professionnels de santé qui t’ont entourée et soutenue pendant ce processus. Avec l’aide de ton père, tu as mis en place cette « reverse diet », « diète inversée » si ça existe en français 😉, avec l’augmentation de tes apports petit à petit et en découvrant de nouveaux aliments, de nouveaux plats. J’ai l’impression, en t’entendant parler, qu’il est aussi question de remettre du plaisir dans le fait de manger et dans ce que tu mangeais.
  • Oui, c’est ça.

Mon compte Instagram et mon rapport au corps

  • Là, on est rendu au printemps dernier, à peu près.
  • C’est ça. Pendant l’été, je suis partie en vacances avec la famille du côté de mon père. J’ai continué à reprendre goût à la vie et à me challenger. C’est là que j’ai ouvert mon compte Instagram, le 22 mars il me semble. Je l’ai créé pour partager mon histoire et pour apporter du soutien aux personnes qui me suivent. Le but est de se serrer les coudes et de partager les bons comme les mauvais moments. C’est vraiment l’idée d’une communauté pour s’entraider, se donner des défis. Ça m’a permis de beaucoup avancer et de combler le manque de l’école entre guillemets, d’avoir des interactions. Même si ça reste dans le cadre de la maladie, ça m’apporte des interactions et me permet de ne pas rester dans mon coin. Ce compte-là m’aide toujours, dans mon combat pour sortir de l’anorexie. C’est une aide essentielle. Je dirais que c’est un peu comme une famille, nous sommes très soudés, il y a beaucoup d’échanges. Certaines personnes viennent me parler, me raconter leur histoire, et ça me touche tout particulièrement car ça signifie qu’ils ont confiance en moi. Ça m’a apporté un regain de confiance, de constater que certaines personnes m’aiment pour qui je suis, et pas pour l’aspect que j’ai.
  • Comment tu abordes aujourd’hui l’aspect de ton corps justement ? Qu’est-ce que tu pourrais en dire, de ton physique ?
  • Aujourd’hui, j’arrive à avoir un bon rapport avec mon corps, à me trouver jolie. Ce n’est pas tous les jours, mais j’arrive à avoir confiance en moi et à avoir un rapport apaisé avec mon corps. Mon corps, c’est comme une petite sœur ou un petit frère, dont je dois prendre soin, lui donner de la nourriture pour qu’il ait de l’énergie, pour qu’il se sente bien. Je dois le traiter et le regarder d’une façon bienveillante, plutôt que de le regarder avec dégoût. Quand on se regarde dans le miroir, on n’a pas forcément des pensées positives, mais aujourd’hui j’essaie de regarder mon corps comme il est et de l’accepter, qu’il ait des défauts ou pas, que j’ai aggravé avec mes états de santé ou non. Si aujourd’hui je suis là, c’est grâce à lui et il faut que je le remercie. Si je fais des efforts, c’est aussi pour lui. C’est une façon de le remercier, de lui dire que… ben merci.
  • Je trouve ça extrêmement fort, cette image que tu as, de ton corps comme un allié précieux qui serait comme une petite sœur dont on doit prendre soin, en tant que grande sœur. Dans l’idée de grande sœur, il y a une notion de responsabilité. Tu es la grande sœur, donc tu es responsable et vous avancez main dans la main, c’est ça ?
  • Oui, c’est ça.
  • Je suis touchée par cette image-là. C’est émouvant, de vous imaginer toutes les deux, main dans la main, même si bien sûr vous êtes la même personne, toi avec ce regard bienveillant, avec cette idée que c’est précieux que cette petite sœur soit là et que c’est précieux que vous soyez ensemble. Je verrais presque des sœurs jumelles, des siamoises, complètement liées, inséparables.

Ma relation actuelle avec l’alimentation

  • Aujourd’hui, Lana, nous sommes à présent en mars 2021. Il y a eu le camp de vacances l’année dernière, puis la rentrée. À présent, je crois que tu suis un cursus scolaire à distance. Où est-ce que tu dirais que tu en es, aujourd’hui ?
  • Ces derniers jours ont été très intenses mentalement. J’ai eu beaucoup de pensées positives. Lors de mon dernier rendez-vous avec la pédiatre, on m’a encore mis la pression, mais cette fois-ci pour mon avenir, pour construire une famille. À l’heure d’aujourd’hui, mon corps va bien mais il n’a pas encore assez d’énergie pour faire fonctionner ce qui est hormonal… Ce discours, les médicaments, etc., ça m’a apporté un nouveau déclic. Je veux vraiment reprendre du poids, en mangeant ce qui me fait plaisir, en lâchant prise. Ces 3 jours, je pense que j’ai beaucoup évolué. J’ai notamment arrêté le comptage de calories que je pratiquais depuis des mois et des mois et dans lequel je m’enfonçais. J’ai arrêté ça, maintenant je mange intuitivement, je ne pèse presque plus mes aliments, sauf les féculents pour lesquels c’est encore compliqué. Mais je suis passée de 2 ou 3 pesées, contre des pesées toute la journée il y a une semaine. Ça, c’est vraiment un gros changement. C’est un nouveau départ, je pense, et l’image que j’ai de mon corps a également beaucoup changé. J’arrive à privilégier mon physique pour moi et aussi à prendre du temps pour moi. J’ai l’impression que la dysmorphophobie a disparu. Quand on souffre de ça, l’image qu’on a de nous est complètement déformée, alors qu’à l’heure d’aujourd’hui mes proches me disent que je suis mince et qu’il faut vraiment que je reprenne du poids pour ma santé. Cela m’a permis de me voir comme je suis actuellement et ce fut un choc. C’est dur de voir la réalité en face et de constater ça. D’avoir eu ce déclic m’a fait réaliser qu’il fallait vraiment que je reprenne du poids, pour que mon corps ait un regain d’énergie et que je suis puisse refaire du sport. À l’heure d’aujourd’hui, je suis privée de sport, car ça ne m’est pas possible d’en faire. Encore une fois, tous ces efforts-là, c’est pour mon corps et pour moi, pour ma petite sœur comme on disait, mais aussi pour moi.
  • De ce que tu dis là, je retiens surtout le choc que ce fut, quand tu as pu, d’un coup, te voir telle que les autres te voient. J’ai l’impression, en t’écoutant, qu’il y a vraiment eu un avant et un après cette prise de conscience là. Tu as vraiment pu te dire « Ce corps, il faut vraiment que je lui permette de reprendre du poids, que je le fasse avancer. » Ce que ta pédiatre t’a dit, par rapport au fait de remettre en route toutes les fonctions du corps, notamment les fonctions hormonales de reproduction, afin d’avoir la capacité à avancer vers ta vie de jeune femme, d’adulte, peut-être de mère, etc. a joué un rôle. Ce fut vraiment un déclic, ce que tu as pu vivre ces derniers jours, et j’entends beaucoup d’optimisme dans ce que tu partages avec nous pour la suite !
  • Oui, maintenant je suis vraiment prête à guérir et à sortir de l’anorexie car je me suis vraiment rendu compte de ce dont elle me prive, notamment les interactions sociales. Ne pas pouvoir sortir, ne pas pouvoir partager de repas normaux avec la famille, par peur de l’alimentation, etc., tout cela nous enferme dans un globe. Je me suis vraiment rendu compte que la maladie n’est pas là comme une amie, mais vraiment comme une ennemie, et qu’il faut vraiment avoir la rage contre elle et se battre coûte que coûte.
  • C’est comme ça que tu te sens, aujourd’hui, avec la rage de te battre ?
  • Oui, complètement.
  • Je me dis que ça doit vraiment demander beaucoup d’énergie ! Mais peut-être pas ? Dis-nous, est-ce que cette rage pour te battre est une évidence ? Ou bien est-ce que ça appelle beaucoup d’énergie ? Comment ça se passe, ça, à l’intérieur de toi ?
  • Je pense qu’il y a beaucoup de fierté en moi, pour avoir évolué comme ça, en quelques jours. Je pense que c’est de la fierté, qu’il n’y a pas de culpabilité. Je pense que la maladie doit rager que je ne pense plus à elle, même si je continue de me battre le plus possible, pour contredire tout ce qu’elle me dit. Ce n’est pas toujours facile, certaines pensées sont dures, mais j’essaie de les accepter et de me dire que demain ça ira mieux et qu’il faut surtout profiter d’aujourd’hui car on ne sait pas de quoi demain sera fait. Peut-être que demain n’existera pas. Comme j’ai pu me le dire à plusieurs reprises à moi-même : il faut profiter de la vie et de chacun des jours qui sont là car demain peut très bien ne pas exister. Je n’ai pas du tout envie que la maladie gagne et m’enlève à mes parents et à mon futur.
  • J’entends une très belle énergie de vie, en t’écoutant nous partager ça. Je sens comme quelque chose, à l’intérieur de toi, qui te pousse, avec beaucoup de philosophie et de recul aussi, même si tu es encore en train de te remonter les manches pour te bagarrer. Cette énergie de vie, que je sens en toi, les autres femmes qui sont venues témoigner la partagent aussi. On retrouve chez vous cette énergie de vie qui vous pousse. Je ne sais pas si tu vois ça comme ça ?
  • Si, en effet, je le vois comme un regain d’énergie et, comme je le disais tout à l’heure, une rage de s’en sortir.
  • J’ai envie de rajouter, de préciser : une rage positive, constructive.
  • Oui, c’est ça.

Mon conseil pour celles qui essaient de sortir de l’anorexie

  • Nous arrivons à la fin de ce témoignage. Comment aurais-tu envie que nous concluons ? As-tu un dernier message à partager, quelque chose qui te tient vraiment à cœur ?
  • Je pense sincèrement que nous sommes tous capables d’y arriver. Je sais que nous passons tous par une période dure où nous avons l’impression que nous n’allons jamais y arriver, que seuls les autres s’en sortent. Je peux affirmer que nous allons tous s’en sortir, si vraiment nous nous en donnons les moyens. Même si je sais à quel point c’est compliqué, il ne faut rien lâcher, il faut croire en soi et profiter de la vie et se dire qu’un jour ça ira mieux, du moins tout finira par s’améliorer. Ne lâchez rien, soyez fier de vous, même si ça peut paraître rien, chaque petit défi, chaque petite action nous amène à la guérison et que c’est ça qu’il faut retenir.
  • Oui, c’est vraiment un pas après l’autre que ça se fait. Je ne pense pas qu’il y ait des pas moins importants que d’autres. Certains peuvent paraître plus petits, mais ils sont tous importants, ces pas, mis les uns derrière les autres. Pour terminer, à ton avis qu’est-ce qui t’a le plus aidé, ces dernières années ?
  • Je pense que ce sont les suivis psychologiques. Je sais que c’est un peu dur parfois, d’y aller, de parler de sa maladie, de ressasser les mauvais moments, etc. Mais je sais que ça m’aide beaucoup, d’avoir des relations, d’échanger autour de la maladie, mais aussi du futur. Se projeter, se demander si on est capable de vivre avec la maladie, c’est important aussi. Je pense que la réponse de tout le monde serait non, ce qui signifie qu’il faut se battre maintenant. L’aide psychologique m’a permis d’avoir toutes ces pensées-là et d’avoir la tête devant.
  • Comme un miroir qui te renvoie quelque chose en face de toi, je comprends. J’ai beaucoup entendu aussi le soutien de tes parents ?
  • Oui, ils ont beaucoup été là pour moi et je les remercie énormément. Ce sont aussi eux qui m’ont montré que la vie est belle. Me montrer comme on construit une famille, ça m’a aidé beaucoup car j’ai pu réaliser que moi aussi j’y ai le droit et qu’il faut se battre pour ça.
  • Je te remercie beaucoup Lana, pour avoir partagé à la fois ces moments difficiles et à la fois ton optimisme et cette envie d’avancer, d’aller de l’avant, de poursuivre ce chemin-là en retroussant tes manches et en ne lâchant rien. De ton témoignage, je retiens aussi ta détermination, qui, sans doute, peut avoir des hauts et des bas et c’est complètement normal. Mais, comme tu le disais : tu profites du jour, tu profites de ce qui est là, de ce qui va bien, tu le soulignes, tu en prends conscience.

Nous arrivons à la fin de cet épisode de « La pleine conscience du pouvoir ». Merci, Lana, d’avoir partagé avec nous ton parcours pour sortir de l’anorexie, avec une authenticité qui m’a beaucoup touchée. Je te souhaite une belle continuation dans ce chemin de guérison qui se poursuit, et qui, je l’espère, pourra, vous aussi, vous toucher et vous inspirer. Pour celles et ceux qui désirent aller plus loin, je vous propose de découvrir :

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