Une personne souffrant d’un trouble du comportement alimentaire atypique peut facilement se sentir perdue, ne pas se sentir légitime dans sa souffrance, voire ne pas être prise au sérieux par certains professionnels de santé. Pourtant, tout comme les TCA « classiques », il s’agit de troubles qu’il est important de prendre en charge et qui peuvent avoir des réelles conséquences sur la santé, le bien-être ou la qualité de vie. Pour en parler, j’ai invité Alice, diététicienne comportementaliste spécialisée dans l’accompagnement des TCA et de l’image corporelle. Un trouble du comportement alimentaire atypique, c’est quoi ? Comment les éviter ou les repérer ? Voici une partie des questions auxquelles nous avons répondu ensemble dans cet épisode de mon podcast sur l’alimentation, « La pleine conscience du pouvoir ».
Un trouble du comportement alimentaire atypique, c’est quoi ?
Explication du TCA atypique
Avec Alice, nous avons commencé par définir ce qu’est un trouble du comportement alimentaire atypique. En résumé, il s’agit d’un comportement alimentaire qui présente de nombreux points communs avec un TCA diagnostiqué. Cependant, les symptômes sont souvent moins fréquents et/ou de moindre intensité. Il peut en manquer par rapport à la liste établie dans le DSM 5 (manuel de diagnostic des troubles mentaux).
Par exemple, une personne souffrant de boulimie atypique peut avoir des compulsions compensées par des vomissements, mais « seulement » 2 ou 3 fois par mois. Une personne ayant le même comportement qu’une personne souffrant d’anorexie, mais n’ayant pas un poids en-dessous de la norme ni une dénutrition importante peut être reconnue comme souffrant d’anorexie atypique.
Des dangers similaires aux TCA classiques
Cependant, même avec des comportements maladifs moins fréquents et/ou moins intenses, il y a quand même des conséquences sur la santé physique, mentale, sur le moral, sur la vie sociale, etc. Un trouble du comportement alimentaire atypique peut aussi, in fine, amener à un TCA « classique ».
« Il y a à peu près 30 à 40 % des personnes qui souffrent d’anorexie atypique qui ont un risque de déboucher sur de l’anorexie mentale pure. »
Des relations troublées avec l’alimentation trop peu diagnostiquées
Cela est d’autant plus compliqué que nombre des comportements menant aux TCA atypiques (surveiller son poids, « faire attention », faire un régime après Noël ou avant l’été, perdre du poids…) sont valorisés et très courants dans la société.
« La société valorise ces comportements des troubles du comportement alimentaire atypique. S’acharner à faire un régime chaque année est assez valorisé en société. Pourtant, ça pourrait rentrer dans un critère de trouble du comportement alimentaire atypique. »
Il arrive aussi fréquemment que le corps médical lui-même soit mal informé. Il y alors non seulement sous-diagnostic, mais aussi un sentiment d’illégitimité à exprimer sa souffrance.
« Des personnes ont essayé d’évoquer ce sujet avec leur médecin et il y a eu un rejet total :
– Vous avez encore vos règles, vous ne pouvez pas souffrir d’anorexie.
– Vous avez un poids normal, vous ne pouvez pas souffrir d’anorexie. »
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Comment éviter ou repérer une anorexie atypique ou un autre TCA atypique ?
La prévention des troubles alimentaires atypiques
À l’instar de ses collègues du DSM 5, un trouble du comportement alimentaire atypique a différentes causes.
« Moi, j’aime bien cette métaphore du train où je dis qu’il y a des wagons qui sont pleins de facteurs de risques et à un moment, ils vont tous se rattacher entre eux. Il va y avoir le wagon du facteur d’aggravation, du facteur de maintien du trouble, du facteur déclencheur. »
Cependant…
« On peut avoir les facteurs génétiques, on peut avoir les facteurs comportementaux sans développer le trouble puisqu’il n’y a pas tous les wagons du train qui se rattachent. La prévention peut avoir un sens indépendamment des facteurs génétiques. »
Outre l’information et la prise de conscience de l’énorme impact de la culture des régimes, la prévention peut passer par :
- un renforcement de l’estime de soi dès le plus jeune âge ;
- une valorisation de la pratique sportive pour le plaisir, pour soi, pour le bien-être, et non pour la perte de poids ;
- une éducation alimentaire axée sur la santé physique, mais aussi mentale, et, là encore, pas sur la minceur.
Les indices laissés par une relation troublée avec l’alimentation
Il y a des tas de raisons qui amènent nos patientes à venir consulter Alice ou moi-même. Cependant, on peut remarquer des points communs. On constate souvent un tiraillement entre l’envie de contrôler son alimentation, et la souffrance qu’engendre, pour ces personnes, le fait de ne pas réussir à le faire sur le long terme.
« Ce qui va troubler le rapport à l’alimentation, […] ça va être une conduite alimentaire qui est, à ce moment-là, en dehors de nos besoins corporels, émotionnels, sociaux. […] On se force à la tenir alors qu’elle n’est pas alignée avec nos besoins. »
Cependant, toutes les personnes souffrant d’un trouble du comportement alimentaire atypique n’ont pas encore pris conscience que le problème ne vient pas de l’alimentation.
« Ce que je vois avec mes patientes, c’est que ce n’est pas la restriction, à priori, qui les fait souffrir. C’est le fait de ne pas réussir à être en restriction. »
Alice résume très bien, en une seule phrase, ce qui doit interpeller :
« La meilleure façon de définir une alimentation troublée, c’est une alimentation qu’on doit tenir. »
Plus largement, cela se caractérise (entre autres) par :
- une utilisation de la mentalisation pour se nourrir, bien avant l’écoute de ses besoins ;
- une difficulté à s’adapter à un contexte différent, à mettre de la flexibilité dans son alimentation ;
- et surtout : la présence d’une tension, d’une souffrance, d’une difficulté en lien avec l’action de manger.
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Qu’en est-il de l’orthorexie, le trouble alimentaire du « manger sain » ?
Pour terminer, Alice et moi-même avons discuté sur l’orthorexie, qui est peut-être le trouble du comportement alimentaire atypique le plus connu, aujourd’hui, avec l’anorexie atypique. La plupart du temps, ça n’a pas de rapport avec une envie de mincir.
« Souffrir d’orthorexie, c’est souffrir d’une obsession permanente d’être en bonne santé et de manger sainement. »
En termes de symptômes, l’orthorexie a des points communs avec :
- l’anorexie (contrôle strict de l’alimentation, rejet de certains aliments, restriction…) ;
- les troubles obsessionnels compulsifs (exemple : vérification systématique des ingrédients, des étiquettes, de l’hygiène des aliments…).
Autour de l’orthorexie, mais aussi du végétarisme par exemple, Alice et moi avons échangé sur l’importance de la place qu’occupent nos valeurs dans notre alimentation. Elles peuvent nous servir en rajoutant du sens à notre alimentation… Mais elles peuvent aussi nous amener à tendre vers un trouble du comportement alimentaire atypique si, par exemple, cela manque de souplesse. Je vous invite à écouter l’épisode si cette question vous parle. Notre échange vous apportera peut-être des pistes de réflexion intéressantes.
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Vous en savez désormais plus sur les TCA atypiques. Si vous avez le sentiment que ce sujet vous concerne, j’espère que cet article et cet épisode de podcast vous auront aidé à vous sentir légitime à partager cette souffrance avec un·e professionnel·le formé·e. Pour celles et ceux qui désirent aller plus loin, je vous propose de découvrir :
- mes programmes en autonomie ;
- mon accompagnement individuel.
Nous vous conseillons aussi :
- le compte Instagram d’Alice
- le site internet d’Alice
- son podcast « Les mangeuses libres »
