Crise d’hyperphagie : ennemie… ou amie ? | Le témoignage d’Émilie, partie 2

Bienvenue dans ce nouvel article de mon podcast sur l’alimentation, « La pleine conscience du pouvoir ». Aujourd’hui, je vous propose la suite du témoignage d’Émilie, intitulé « J’ai guéri de l’hyperphagie ». Il est sorti en juin 2021 et reste, à ce jour et depuis longtemps, le plus écouté et le plus lu. Vous allez entendre que le processus se poursuit, et qu’aujourd’hui, Émilie aborde différemment la venue d’une crise d’hyperphagie et ce qu’elle lui apporte. Ces compulsions alimentaires sont devenues un signal d’alarme, un baromètre de son état intérieur. Elles viennent l’alerter que quelque chose ne va pas et l’encourager à prendre encore et toujours plus soin d’elle, afin de pouvoir ensuite prendre soin des autres. En plus de l’hyperphagie, ce témoignage abordera le travail d’Émilie pour aimer son corps. Je vous laisse écouter notre échange.

« On parle très peu d’hyperphagie et c’est très important d’en parler, donc si mon témoignage peut aider, c’est génial. »

« Aujourd’hui, je ne me considère pas comme guérie de l’hyperphagie. J’ai toujours des crises. Moins souvent qu’avant et j’ai pris conscience qu’en fait, les crises ne sont pas mes ennemies. »

« J’ai appris à penser à moi et à faire de moi une priorité, chose que je ne faisais pas du tout avant. J’ai passé quasi toute ma vie à penser aux autres avant de penser à moi… C’est bizarre, au début. »

« J’ai réalisé toutes les choses que mon corps me permet de faire. Je me suis réconciliée avec lui et ce n’est plus du tout mon ennemi. Je fais ce que je peux pour qu’il aille bien, lui aussi. J’ai envie d’aimer mon corps, parce qu’il me permet de vivre, tout simplement. »

« Pour l’instant, c’est comme ça que je fonctionne et au final, ce n’est pas grave. Ce n’est pas grave. »

L’hyperphagie, un TCA encore trop peu connu

– Bonjour Émilie !

– Bonjour Anne. 😊

– Je suis vraiment vraiment ravie de te recevoir à nouveau pour cette suite de ton témoignage sur « La pleine conscience du pouvoir ». Nous avions enregistré un premier témoignage en avril 2021, pour une sortie juin 2021. C’était l’épisode 16, pour ceux qui ne le connaissent pas encore. 😉 Tu nous racontais ton parcours avec l’hyperphagie. Force est de constater que cet épisode a eu et a toujours énormément de succès. C’est l’épisode le plus écouté de tout le podcast, qui compte pourtant, à ce jour, plus de 70 épisodes. Pour moi, c’est vraiment le signe que l’hyperphagie est un sujet important à traiter. C’est d’autant plus important qu’il n’y a pas encore beaucoup de personnes qui le font… Je voulais donc te remercier à nouveau pour ce premier épisode que nous avions enregistré, et je te remercie pour cette suite que nous enregistrons maintenant, qui sortira au tout début de l’année 2023.

– Merci à toi, car c’est toi qui m’as contactée la première fois. Ce podcast m’a beaucoup aidée, mine de rien. Je suis ravie de pouvoir aider toutes les personnes qui souffrent d’hyperphagie, et même celles qui ne le sont pas. Effectivement, on parle très peu de ce trouble alimentaire, alors que c’est très important de le faire. Si mon témoignage peut aider, c’est génial.

– Tu dis : « on n’en parle pas » et j’ai envie de suggérer : « on n’en parle toujours peu, même 18 mois après ».

– C’est vrai. On en parle un petit peu plus, mais ce sont toujours la boulimie et l’anorexie qui sont en tête de liste. C’est dommage, parce que beaucoup de personnes sont atteintes de ce TCA. Elles se retrouvent seules avec leur maladie, souvent totalement démunies lorsqu’une crise d’hyperphagie survient, sans savoir quoi en faire. Ceci étant, on en parle un peu plus. On a eu la chance de voir Ludo passer à la télé récemment et c’est bien. Les langues commencent à se délier un peu. Ce n’est toujours pas assez, mais on commence à en parler un peu quand même. 

– Oui, petit à petit, ça fait son chemin. Rappelons aussi que c’est un trouble du comportement alimentaire qui a été identifié il n’y a pas si longtemps que ça. Ça peut aussi expliquer qu’il y ait peu de personnes, même parmi les professionnels de santé, qui y soient sensibilisés et/ou formés.

– C’est vrai. Il n’y a même pas 10 ans qu’on parle d’hyperphagie. Effectivement, il faut le temps que les médecins se forment, etc. C’est dommage que ce soit si long, mais il faut le temps.


Nous vous conseillons aussi :


Le point d’Émilie sur son trouble alimentaire, 18 mois après

– Émilie, pour commencer j’ai envie de te poser cette question toute bête : comment te sens-tu ? Comment vas-tu aujourd’hui ? 😊

– Alors… 😉 Aujourd’hui, je ne me considère pas comme guérie de l’hyperphagie. J’ai toujours des crises, même si c’est moins souvent qu’avant. Mais la grosse différence, c’est que j’ai compris que, lorsque je fais une crise d’hyperphagie, c’est que quelque chose ne va pas. Maintenant, pour moi, les crises ne sont plus une maladie, mais un signal d’alerte. Désormais, la crise me dit : « Attention, il y a quelque chose qui ne va pas. Tu ne vas pas bien. Il faut identifier ce qui ne va pas et trouver une solution. ». C’est la grosse différence avec avant.

– Quand tu dis « la grosse différence avec avant », tu penses aussi au moment où nous nous étions parlé, en 2021 ?

– Oui, je parle aussi de cette période-là. En 2021, je n’avais pas encore totalement compris le but des crises. À mes yeux, c’était encore une maladie que je subissais. Il fallait absolument contrer les crises. Si je n’en avais pas, c’était génial et si j’en avais, ce n’était quand même pas terrible. Aujourd’hui, si j’ai une crise d’hyperphagie, et bien j’ai une crise, voilà. Ce n’est pas grave. Ça ne régit pas toute ma vie. Surtout, j’ai pris conscience que les crises ne sont pas mes ennemies et que, si elles sont là, c’est qu’il y a vraiment un problème derrière et qu’il faut que je le règle.

– Si je comprends bien, tu es passée d’une période où tu pensais qu’il fallait les éradiquer, à maintenant, où te dis : « OK, ces crises ont une fonction ».

– C’est tout à fait ça. Avant, je les subissais. Clairement. Maintenant, je les laisse venir. C’est mon petit signal d’alarme, mon alerte rouge, mon « stop, il faut faire quelque chose ».

– C’est comme un baromètre.

– Elles sont devenues des amies, en fait.

– Oui ! J’ai une idée de météo en tête.

– C’est un peu ça, oui ! C’est une belle analogie. 😊

Le travail de guérison d’Émilie face à une crise d’hyperphagie

– Quand nous nous étions quittées, en 2021, tu étais, comme aujourd’hui, très optimiste sur la suite des événements. Ça faisait quelques mois que tu n’avais pas croisé de crise d’hyperphagie et tu disais que ça pourrait peut-être revenir, mais que ce ne serait pas grave. En tout cas, c’est ce que j’ai entendu. Qu’est-ce qu’il s’est passé, dans les mois qui ont suivi ?

– Dans les mois qui ont suivi, j’ai changé beaucoup de choses dans ma vie. J’ai demandé le divorce, déjà. C’était un grand pas. J’ai aussi appris à penser à moi, à faire de moi une priorité, chose que je ne faisais pas du tout avant. En faisant ça, les crises se sont atténuées, puisque j’allai mieux. Ça m’a permis d’avancer petit à petit, dans ma vie. Il y avait des moments où je n’allai pas bien et ces crises m’ont fait comprendre que ça n’allait pas, qu’il fallait changer quelque chose pour que ça aille mieux. Quand je cherchais et trouvais effectivement une solution, et bien les crises rediminuaient. C’est comme ça que j’ai compris qu’elles sont un signal d’alarme et qu’il faut que je les écoute. Il ne faut pas que je les évite, il ne faut pas que je les mette de côté, il faut que je les écoute.

– Ce que j’entends, c’est que ce sont les crises elles-mêmes qui t’ont mis sur la piste pour voir les choses autrement. N’est-ce pas ?

– Oui, c’est ça.

– Je suis vraiment curieuse de savoir si cette prise de conscience est quelque chose que tu as fait seule, ou en étant accompagnée, ou soutenue par des pairs ? Comment ça s’est tricoté ?

– Je l’ai tricoté plus ou moins seule. À l’époque, en 2021, j’étais très suivie. Je voyais ma diététicienne tous les mois, je faisais beaucoup d’hypnose, beaucoup d’acupuncture, etc. J’ai énormément diminué tout ça parce que je n’en ressentais plus vraiment le besoin. J’avais peut-être aussi besoin de faire une pause. Avoir des suivis réguliers comme ça, c’est intense. Ça fait faire beaucoup de travail sur soi, ça remue beaucoup de choses. J’avais besoin de faire une pause et de prendre le temps de souffler. Il fallait aussi que j’assimile tout ce que j’avais appris sur moi, sur ma vie, sur ma manière de fonctionner… Je pense que c’est en prenant le temps de prendre du recul que j’ai pu comprendre. J’ai quand même toujours ma diététicienne dans le coin, pour discuter. C’est plus une coach qu’une diététicienne. 😉 Elle est toujours là quand j’ai des petits soucis. Elle m’a aidée, elle aussi. Pour te répondre en résumé : ça s’est surtout fait en prenant le temps de faire le point sur tout ce qu’il s’était passé durant ces dernières années.

– D’accord, ça vient surtout d’une prise de recul, après un travail intense durant plusieurs mois, voire plusieurs années. D’un coup, tu t’es dit : « Oh je vais reprendre mon souffle et remettre les choses à plat. Je vais prendre de grandes décisions dans ma vie, aussi. ». En t’écoutant, j’ai vraiment le sentiment de quelque chose qui a décanté.

– C’est ça ! J’ai analysé ce qui ne me convenait plus et comment je pouvais le changer. Ça prend du temps aussi, mais c’est important. J’ai pris le temps de prendre soin de moi et de penser à moi.

L’expérience de prendre soin de soi en priorité

– Tu avais déjà parlé en 2021 de la nécessité de faire de toi une priorité. Là, ça me donne l’impression que tu es passée à l’étape 2. Ou à l’étape 3, ou 4, ou 10, je ne sais pas, mais en tout cas ça me donne la sensation qu’une étape de plus a été réalisée sur ce sujet.

– C’est ça. Entre prendre conscience qu’il faut prendre soin de soi et le faire réellement, il y a une marge. On le sait tous, qu’il faut prendre soin de soi et se faire passer en priorité. Mais le faire dans la vraie vie, c’est autre chose. C’est compliqué. On peut se dire qu’on est égoïste. « Et les autres ? » En tout cas, c’est comme ça que moi, je le ressentais au début. Au final, si on ne prend pas soin de soi, on ne peut pas prendre soin des autres non plus. C’est comme ça que je vois les choses maintenant. Si moi, je ne vais pas bien, comment puis-je aider les autres à aller mieux ? Il faut réussir à se faire passer avant, même si ce n’est pas toujours facile. Au final, ça n’amène que du bon derrière.

– Il y avait la théorie, que tu avais bien comprise. Tu étais d’accord avec le concept, mais dans la pratique, c’est une autre paire de manches.

– Oui, c’est une autre expérience, d’autant que j’ai passé quasiment toute ma vie à penser aux autres avant de penser à moi. Ça fait bizarre, au début ! 😉 Je me disais : « Oulala je fais ça pour moi… mais c’est étrange ! ». Mais, au bout d’un moment, on se rend compte que c’est comme ça qu’on va mieux et qu’autour de nous, ça se ressent. Mes proches me l’ont dit, que depuis que je fais attention à moi, j’ai l’air plus radieuse, plus heureuse, plus ouverte… C’est quand même bénéfique pour tout le monde, je pense.

Crise d'hyperphagie : pourquoi ne pas la voir comme une amie conseillant de prendre soin de soi ?

L’importance de vivre selon ce qui est important pour soi

– Oui. 😊 Est-ce qu’il y a eu un événement particulier qui t’a fait « basculer », si je puis dire ? Est-ce qu’il y a eu une sorte de déclic ? Ou est-ce que ça vient plutôt des expériences que tu as menées les unes après les autres ?

– Je pense que c’est plutôt un ensemble de petites choses. Par ailleurs, j’ai un travail qui m’amène beaucoup d’apprentissages sur la vie : je suis aide-soignante en soins palliatifs. Je suis tous les jours au contact de patients en fin de vie et ils m’apprennent énormément. J’ai toujours en tête une patiente en fin de vie, atteinte d’un cancer. Son mari venait la voir, mais elle me disait : « Je ne veux pas le voir parce que je ne l’aime pas. Je n’aime pas mon mari, ça fait des années que je ne l’aime plus. On vit ensemble, mais juste comme ça… Et je n’ai même pas envie qu’il soit là. ». Cette histoire, ça m’a inspiré une espèce de « Au secours ! La pauvre ! ». Je me suis dit que je ne veux pas être comme ça et que, le jour de ma mort, je ne veux pas regretter ma vie et je veux être entourée de gens que j’aime. J’ai plein de petites leçons de vie comme ça, au quotidien. Au final, ça aussi, ça m’a permis de me dire qu’il faut faire de soi une priorité parce qu’à la fin, on est en face de soi. Être entouré des gens qu’on aime et qui nous aime, c’est important et ça passe aussi par ça.

– Je suis marquée par la puissance des messages que t’envoie ton travail. Ce n’est pas rien, de recevoir des leçons de vie comme ça.

– Hé oui… Ça m’a aussi aidé à ouvrir les yeux sur pas mal de points et à faire des choix. Est-ce que c’étaient les bons ou pas ? L’avenir me le dira… mais pour l’instant, ça me semble être les bons. 😉

– Ça se vérifie dans ton quotidien, en tout cas. Ça me fait penser à un exercice qui est souvent proposé dans la thérapie ACT (thérapie d’acceptation et d’engagement) et que je propose parfois aussi à mes clientes. Il s’agit de réfléchir à ce qu’on souhaiterait voir graver sur notre pierre tombale, ou quel éloge ion aimerait que fassent nos proches le jour de nos funérailles. Ça peut paraître sordide, mais ça vient nous confronter à nous-même. Ça incite à vraiment faire un bilan, autour de ce qui est important pour soi. De quoi j’ai envie que les autres se souviennent ? Qu’est-ce que, le jour de ma mort, je veux pouvoir voir dans ma vie en regardant en arrière ?

– C’est ça. Il ne faut peut-être pas y penser au quotidien non plus, mais c’est important de se demander quelle trace on a envie de laisser. Est-ce que j’ai envie de laisser l’image d’une personne qui pense toujours aux autres, mais qui n’est pas forcément heureuse ? Ou est-ce que j’ai envie de laisser l’image de quelqu’un de joyeux, de bien, qui prend aussi soin des autres, mais qui le fait parce qu’elle a pris soin d’elle et qui du coup, peut partager son énergie ?

La prise de conscience que prendre soin de soi n’est pas égoïste

– C’est ça. Quand tu parlais de prendre soin de soi, tu as évoqué le fait que ça peut sembler égoïste. Ensuite, tu as expliqué qu’en fait, prendre soin de soi ne se fait finalement pas au détriment des autres. 

– Oui. Même si ce que je vais dire peut paraître bizarre : quand on pense à soi, on pense aussi aux autres. Les choix que nous faisons impliquent aussi notre entourage. Par exemple, quand on est dans une relation qui ne va pas bien et qu’on décide de partir, c’est bien aussi pour l’autre. L’autre n’aurait pas été heureux non plus. Quand on fait des choix pour soi, ça a forcément une répercussion positive pour les autres aussi, même s’ils ne le voient pas forcément sur le moment.

– Cela peut même se retrouver dans des choix au quotidien, surtout quand on a des enfants assez jeunes. Parfois, se mettre en priorité à un certain moment peut nous donner l’énergie de pouvoir être auprès d’eux par la suite.

– Tout à fait. Au début, quand j’ai eu mon fils qui a 4 ans et demi maintenant, tout tournait autour de lui. Aujourd’hui, il est toujours ma priorité… mais je me fais aussi passer avant. Avoir une maman heureuse, c’est quand même plus sympa qu’avoir une maman malheureuse, même si elle prend soin de nous le plus possible. Avoir une maman qui sourit et qui se sent bien dans sa peau et dans son corps, ça me semble quand même vachement plus sympa.

L’apprentissage pour aimer son image corporelle après un TCA

– Hé oui, clairement. 😊  Tu parles du fait de se sentir bien avec ses émotions, dans sa tête, mais aussi dans son corps. Quel rapport tu dirais que tu as, aujourd’hui, avec ton corps et ton image corporelle ? En effet, avancer vers la guérison d’un TCA ne se résume pas à la façon dont on vit une crise d’hyperphagie

– Ça va beaucoup mieux. Avant, je le détestais. C’était un cauchemar. Quand je me regardais dans le miroir, je me disais « olala… ». Maintenant, j’ai pris énormément de recul avec tout ça. J’ai réalisé toutes les choses que mon corps me permet de faire. Il m’a permis de mettre un enfant au monde, ce n’est pas rien ! Il me permet de bouger tous les jours, de respirer, de me promener, de regarder et d’entendre des choses magnifiques… Je me suis vraiment réconciliée avec lui. Évidemment, il y a des choses que je n’aime pas, mais dans la globalité, ce n’est plus du tout mon ennemi. Je fais ce que je peux pour qu’il aille bien.

– Il y a quelque chose d’une histoire d’amour, qui s’est tricoté là. 😊

– C’est ça. Bien sûr, ça prend du temps. Il y a des jours avec et des jours sans. Il existe toujours des moments où je n’ai pas envie de le regarder. Mais oui, j’ai envie d’aimer mon corps parce qu’il me permet de vivre, tout simplement.

– C’est important ce que tu dis. Bien sûr que ce n’est pas fluide tout le temps. On ne peut pas se dire tous les jours : « c’est formidable, je m’aime et je m’adore ! ». Il n’est pas question de ça ici. Il est question de… de quelque chose de très humain, finalement. C’est un peu comme dans la relation avec nos proches, et même avec nos enfants. Tu me dirais si tu vis ça aussi, parfois. Il y a des jours où on ne peut plus les voir en peinture, pour X ou Y raisons. Mais ça n’empêche pas qu’au fond, on les aime et on les aimera toujours, même s’il y a des jours où on n’en peut plus.

– C’est ça : ça ne peut pas être tout rose tout le temps. C’est impossible. Malgré ça, au fond, j’ai pris conscience de l’importance de mon corps. Il a la forme qu’il a, mais il a le mérite de me faire vivre tous les jours, de me transporter tous les jours, etc. Il a le mérite d’être là quand même et il a le droit d’être là. Il a aussi le droit d’être comme il est. Il a le passif qu’il a, parce que je l’ai quand même bien maltraité pendant plusieurs années. Malgré tout, il ne m’a jamais lâchée. Il a le droit d’avoir ses défauts.

– Je trouve que cette gratitude dont tu parles et que tu développes pour lui est vraiment importante.

– Après, c’est comme tout : c’est tout un travail à faire pour prendre conscience de tout ça. Mais en effet, j’ai une grande gratitude vis-à-vis de mon corps. D’autant plus que l’ai bien maltraité. J’ai même été jusqu’à le charcuter avec une sleeve et ce n’est pas rien. Je pourrais développer tout un tas de maladie, il pourrait se rebeller complètement… mais il ne le fait pas.


Nous vous conseillons aussi :


Ce qui a aidé Émilie à se réconcilier avec son corps

– Qu’est-ce qui a été aidant pour toi, dans cette prise de conscience ? Est-ce que tu te souviens s’il y a eu des déclics ?

– Il me semble que c’est ton programme dont je ne me souviens plus du nom… C’est un programme court, qui nous fait faire des exercices pour se réconcilier avec son corps.

– Ah oui ! « Mon corps, ce héros ».

– Voilà, c’est ça ! 😊

– Tu l’avais suivi durant l’été dernier, c’est bien ça ?

– Exactement. J’avais déjà fait un bon bout de chemin mais ça m’a permis de me poser, de prendre le temps et d’être presque en tête-à-tête avec mon corps. J’ai pu réaliser ce qu’il a traversé et ce qu’il me permet de faire. Il y a eu le sport aussi. J’ai repris tout doucement, pour reprendre contact, on va dire, avec mon corps et avec ses sensations. Je pratique à mon rythme, je ne fais pas non plus 10 h de sport par semaine.

– Ce serait beaucoup. 😉

– Ce serait beaucoup oui !

– Ce que tu expliques là, c’est que la reconnexion avec ton corps et ses possibilités s’est aussi faite par le mouvement et l’observation des sensations que ça créé.

– C’est ça. Je n’avais pas fait de sport depuis pas mal d’années, ou pas sérieusement en tout cas. J’ai pu redécouvrir qu’en fait, il est capable de beaucoup. Pour la première séance, je m’étais dit : « olala, je ne tiendrai jamais » et finalement, je l’ai réalisée sans trop de soucis.


Nous vous conseillons aussi :


Le compte Instagram sur son parcours pour vaincre l’hyperphagie

– Je sais que ton compte Instagram existe toujours, puisque nous discutons régulièrement via ce réseau. Comment a-t-il évolué, lui aussi, au fil des changements de ton rapport au corps et à la raison d’être d’une crise d’hyperphagie ?

– Juste après notre premier épisode, je postais encore beaucoup. Dernièrement, je poste beaucoup moins parce que j’ai moins de sujets à partager. Je ne sais plus trop comment les partager et je n’ai pas envie de tourner en rond à répéter toujours pareil. Quand je partage quelque chose, j’ai envie que ce soit du « vrai ». Je n’ai pas envie de broder. Poster pour poster ne m’intéresse pas. Je suis toujours là, le compte existe toujours et je réponds toujours aux messages. J’en reçois souvent en lien avec le podcast, justement. On me dit régulièrement : « j’ai écouté ton témoignage, est-ce que tu peux m’aider ? » et je réponds avec grand plaisir. Mais, effectivement, je poste beaucoup moins parce que j’ai envie de prendre le temps de proposer des post vraiment intéressants.

– Est-ce que c’est aussi en lien avec le fait que ton chemin a pas mal avancé ? Tu es peut-être en train de passer à autre chose ? Ou ce n’est pas du tout ça ?

– Je pense que oui, c’est en lien. Je n’ai pas envie de ressasser toujours les mêmes sujets. J’ai envie d’aider différemment. J’ai toujours cette envie d’aider les personnes atteintes d’hyperphagie, et même d’autres TCA, mais j’ai envie de le faire différemment. Je ne sais pas encore comment par contre…

– Ah, j’allai justement te demander : « Ah bon, mais comment ? », mais ce n’est pas encore le moment. 😉

– Hé non ! 😉

Le mot de la fin sur l’hyperphagie du témoignage d’Émilie

– Ce n’est pas grave, ça fera une occasion de se revoir une troisième fois ! 😉 À la fin du premier épisode que nous avons enregistré ensemble, je t’avais demandé quel serait le message le plus important pour toi. C’est peut-être toujours le même, mais j’ai envie de te reposer la question. Quel serait, pour toi, le plus important à transmettre, dans tout ce que tu as vécu ces dernières années ?

Je dirais que le plus important, c’est de… ou d’essayer en tout cas, de ne plus considérer une crise d’hyperphagie comme une ennemie. Essayez de faire d’elles des alliés et de trouver leur pourquoi. Pourquoi interviennent-elles à certains moments et pas à d’autres ? Qu’est-ce qui ne va pas ? Je pense qu’elles sont réellement un signal d’alarme pour toutes et tous, que quelque chose ne va pas et qu’il faut changer. Je sais que c’est un très gros travail, que c’est très difficile, très long et que ça prend beaucoup d’énergie. Mais une fois qu’on a compris et intégré ça, qu’on trouve les raisons, ça va beaucoup mieux car les crises s’en vont. Même quand elles sont là, on ne culpabilise plus car elles ont une raison d’être. Je pense que c’est très important d’avoir conscience de ça. Et la deuxième chose, bien sûr, c’est de redire de prendre soin de soi avant de prendre soin des autres. 😊

Aimer son corps malgré les crises d'hyperphagie : le témoignage d'Emilie

La crise d’hyperphagie comme signal d’alarme : un exemple

– Est-ce que tu aurais un exemple concret de l’alerte que peut être une crise d’hyperphagie ?

– Par exemple, en ce moment, c’est très compliqué au travail. J’ai beaucoup crisé, ces derniers temps. J’ai mis le temps, avant de me dire que c’était peut-être au boulot que ça n’allait pas et que je pouvais peut-être agir. Depuis qu’on en a parlé au travail, ça va beaucoup mieux.

– D’accord. Ce que j’entends, c’est que c’est un vrai travail d’introspection. Il s’agit d’abord de remarquer : « Là, il y a un signal d’alarme : quelque chose se passe », avant de regarder dans tous les domaines de ta vie ce qui pourrait créer de la tension, de l’inconfort. Ensuite, il est question de trouver un moyen d’assouplir les choses. Enfin, ça se vérifie par la preuve.

– C’est ça : ça se vérifie par la preuve. Les crises diminuent, voire disparaissent, pas « comme par magie », mais presque. On règle un problème et hop, ça va mieux. Les crises reviendront un jour ou pas, ce n’est plus un problème. Maintenant, je sais que si elles reviennent, c’est juste que quelque chose ne va pas.

– C’est ça. J’entends beaucoup d’acceptation dans tes mots. Il s’agit de les accueillir et de les voir, comme tu disais, comme des amis. Ton autre message, c’était d’être attentif et attentives à prendre soin de soi.

L’optimisme d’Émilie face au futur de ses compulsions alimentaires

– Tout à fait. Peut-être qu’un jour, j’aurais d’autres signaux d’alarme pour me dire que ça ne va pas. Ça ne sera peut-être pas toujours sous forme d’une crise d’hyperphagie, mais pour l’instant, c’est comme ça que je fonctionne et ce n’est pas grave.

– Quand je t’entends dire ça, je me dis qu’il s’agira peut-être de sentir qu’il se passe quelque chose au moment où les choses ne conviennent pas. Tu arriveras peut-être à être attentive à des « tiens mais qu’est-ce qu’il se passe là, je sens comme un inconfort… ». Tu vois ce que je veux dire ?

Oui, peut-être que, dans le futur, je détecterai que ça ne va pas bien avant que la crise d’hyperphagie n’arrive. Je pense que ça se travaille et que j’apprendrai, petit à petit, à écouter mon corps et à voir que, ça aussi, c’est un signal, ce truc-là peut-être aussi… C’est tout un travail à faire, le travail d’une vie !

– Le travail d’une vie oui, mais quand je t’écoute, là encore, je ressens de l’acceptation par rapport à ça. Tu n’es pas en train de dire que tu en as marre. Je comprends quelque chose de très ouvert de ta part.

– Oui, même s’il y a aussi des jours où j’en ai marre de criser tout le temps et où j’aimerais que ça cesse. Nous l’avons déjà dit : ce n’est jamais tout rose ! En tout cas : oui, aujourd’hui, je suis plus dans l’accueil et l’envie de faire des alliés de tout ça.

– Nous arrivons à la fin de cet épisode. Est-ce qu’il reste encore un message que tu souhaiterais faire passer, ou un sujet que tu aimerais aborder ?

La plateforme Stop TCA pour trouver de l’aide face à un trouble alimentaire

– Un sujet pas spécialement… Par contre, j’aimerais rappeler l’existence de la plateforme Stop TCA. Je reçois beaucoup de messages me disant « je ne sais pas comment faire », « je n’ai pas de spécialiste près de chez moi », « j’ai peur de tomber sur quelqu’un qui n’y connaît rien », etc. Cette plateforme, Stop TCA, on peut la retrouver sur Instagram et sur Google. Elle ne regroupe que des professionnels qui sont formés pour les troubles du comportement alimentaire. Ce sont des personnes très safes. Vous pouvez leur parler, il n’y aura pas de jugement. Vous pouvez y aller les yeux fermés et je vous le conseille vraiment. C’est important pour moi de les citer de nouveau, parce qu’ils font vraiment du très bon boulot.

– Tout à fait. C’est important d’être suivi par des professionnels, que ce soit au niveau psychologique ou pour l’aspect nutrition. Même si ce n’est pas toujours facile, il est capital que ce soient des personnes formées ou au moins sensibilisées aux conduits alimentaires. Vous rencontrerez peut-être des professionnels qui sont formés, mais avec lesquels le courant ne passera pas. Ou alors ils ne proposeront pas exactement ce que vous cherchez… Je dis souvent aux personnes que je vais accompagner que je ne suis peut-être pas la bonne personne, ou pas maintenant. Peut-être que si, mais en tout cas, j’encourage à aller voir d’autres professionnels, pour vérifier que vous vous sentez bien et en sécurité avec la personne choisie. C’est important de trouver, et donc de chercher, la bonne.  

– Tout à fait. De plus, en général, quand on est hyperphagique, on est aussi atteint d’obésité. Du coup, rencontrer des professionnels est toujours très compliqué. On se dit qu’on va être jugé, qu’on va s’en prendre plein la tête, etc. Là, vous pouvez vraiment y aller les yeux fermés, ils ne vous jugeront pas. Ils ne vous diront pas « allez faire du sport et revenez me voir plus tard », comme on a déjà pu me dire ailleurs.

– C’est important, d’être dans un espace sécurisé, dans lequel les professionnels ont travaillé sur leurs biais grossophobes, sur les croyances du lien entre santé et poids, etc. C’est le cas avec cette plateforme Stop TCA, ou encore avec les personnes qui se sont sensibilisées à l’approche inclusive à l’égard du poids. Il y a des points à vérifier et c’est vraiment difficile de tester ça par des remarques et par le négatif. Si on peut trouver des professionnels en sachant qu’à priori, ces questions-là sont réglées, ça fait gagner du temps et du confort.

– C’est ça, ça permet de gagner du temps et du confort et aussi de continuer à faire confiance aux professionnels. J’ai déjà vécu l’expérience d’arriver dans un cabinet et d’être regardée de travers. Ensuite, sans surprise, je me suis vu donner une liste d’aliments à manger et à ne surtout pas manger, avec la précision de faire du sport et d’arrêter le chocolat. Ce n’est pas bon pour la confiance et l’estime de soi et on ne repart pas confiant envers les professionnels non plus. Après ça, on n’a plus envie d’aller voir qui que ce soit. J’ai eu la chance, à Rouen, de trouver de supers professionnels grâce à ma diététicienne. Cependant, ils sont à Rouen, donc ils ne peuvent pas être partout. Avec Stop TCA au moins, c’est en ligne !

– C’est aussi en ça que ça peut être intéressant de développer les consultations en ligne ! 😊 Je te remercie beaucoup, Émilie, pour ce deuxième moment passé ensemble. Merci pour ce deuxième partage. Ce sera sans doute une aide précieuse lors de la prochaine crise d’hyperphagie de certains lecteurs et auditeurs. Je sais que ce sera une nouvelle pépite pour les personnes qui nous écoutent. Je te souhaite une belle continuation.

– Merci à toi, Anne, et à très bientôt !

*

Nous voici à la fin de cette seconde partie du témoignage d’Émilie. Nous espérons qu’il a pu vous aider si, vous aussi, vous vous sentez démuni lorsqu’une crise d’hyperphagie survient. Vous pouvez retrouver Émilie sur son compte Instagram. N’hésitez pas à la contacter ! Dans l’épisode d’aujourd’hui, Émilie nous parle de la façon dont le programme de 5 jours « Mon corps, ce héros » a pu la soutenir dans son processus de mieux-être. Si vous aussi, vous aimeriez être en paix avec votre corps : je vous invite à le découvrir.


Nous vous conseillons aussi :


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Téléchargez le guide de tous les épisodes du Podcast

Besoin d’aide pour trouver l’épisode de podcast que vous cherchez ? 

Le guide des épisodes de podcast

Besoin d’aide pour trouver l’épisode de podcast que vous cherchez ? 

💬 Besoin d'infos supplémentaires ?