Se réconcilier avec son corps | Le témoignage d’Hélène

Bienvenue dans ce nouvel article témoignage de mon podcast sur l’alimentation, « La pleine conscience du pouvoir ». Après avoir parlé de conscience du corps au travers de la psychomotricité, nous allons aujourd’hui parler de se réconcilier avec son corps au travers d’un nouveau témoignage. À 49 ans, Hélène se voit comme « madame tout le monde » : noyée dans la masse de toutes ces femmes qui se demandent « Comment perdre mes kilos en trop ? ». Influencée par les images des magazines, elle a commencé à enchaîner les régimes vers ses 30 ans. En 2017, 2 deuils consécutifs l’ont conduite à se réfugier dans la nourriture et à prendre pas mal de poids. En 2018 Hélène a téléchargé une des célèbres applications de comptage de calories. Cela a marqué le début de la descente aux enfers, l’arrivée dans sa vie des compulsions alimentaires. Ces restrictions l’ont menée jusqu’à ne même plus reconnaître sur une vidéo cette femme qui jouait avec ses enfants… L’application de comptage de calories prenait toute la place et décidait de tout ou presque dans son quotidien. Découvrez comment elle en est arrivée à décider de s’en libérer, pour retrouver le plaisir de manger et pour se réconcilier avec son corps, y compris ces fameux « quelques kilos en trop ».

« Je m’appelle Hélène, j’ai 49 ans et je suis « madame tout le monde ». »

« Le reflet que j’avais dans le miroir, ce n’était pas le corps des magazines. À partir de là, j’ai enchaîné régime sur régime. »

« J’ai téléchargé la fameuse application MyFitnessPal©. Ça a été une descente aux enfers : du contrôle, des calculs, de la frustration… Pendant cette période-là, tout était contrôlé. »

« Je me suis rendu compte que j’étais allée très très loin. Sur la vidéo, il y a une femme avec les enfants, mais je dis : « Mais c’est qui ? ». Il me regarde, un peu ébahi en me disant : « Mais c’est toi… ». Je ne me voyais pas du tout comme ça ! »

« Je pense que mon corps était arrivé au bout de ce qu’il pouvait endurer. »

« C’est ce qui m’a fait réagir. Ce sont mes enfants. Je me suis dit : « Il faut que je désinstalle tout simplement l’application, que je la sorte de ma vie pour pouvoir revivre normalement. » Je reprenais les rênes de ma vie, c’est un peu comme ça que je le vois. »

« Je voudrais faire un petit message à toutes les « madame tout le monde » qui pourraient nous écouter : ce n’est pas sur la balance que l’on peut mesurer notre bonheur ! »

Une enfant et une ado sereine avec son corps et son alimentation

– Bonjour Hélène !

– Bonjour Anne !

– Je suis ravie de te recevoir dans ce nouvel épisode de mon podcast sur l’alimentation, « La pleine conscience du pouvoir ». Je suis très heureuse que tu aies accepté d’apporter ton témoignage en nous racontant l’histoire de ta relation avec l’alimentation. Avant de commencer à plonger au cœur de ton récit, est-ce que tu veux bien te présenter ?

– Avec plaisir ! Déjà, merci à toi de m’accueillir. Je m’appelle Hélène, j’ai 49 ans et je dirais, pour me présenter, que je suis « madame tout le monde ». J’ai 3 enfants, qui ont 14, 15 et bientôt 19 ans. Je suis « madame tout le monde » parce que j’ai, comme beaucoup, beaucoup de femmes en ce monde, des petits soucis avec l’alimentation. Je me sens comme noyée dans la masse, car je ne fais pas non plus partie de celles qui ont eu de très gros soucis. Je suis une femme lambda qui a plus ou moins « quelques petits kilos en trop », comme beaucoup d’entre nous. Ça ne va pas jusqu’à des dizaines et des dizaines, ce sont plutôt ces petits kilos qui nous pourrissent un peu la vie. Ils ont fait que, à une époque de ma vie, je me suis laissée influencée par les médias et les régimes.

– Je trouve important ce que tu soulignes en parlant de « madame tout le monde ». Il y a quelque chose de tellement banalisé dans ce que tu as pu vivre, ou en tout cas dans ce que nous pouvons vivre en tant que femme, que ça en devient presque invisible. C’est aussi ça que j’entends, dans ton utilisation de l’expression « madame tout le monde ».

– C’est invisible oui. Comme je n’avais pas non plus 20 ou 30 kilos de trop, je ne me sentais pas légitime pour faire valoir cette souffrance que je portais pourtant en moi. C’est aussi ça que je mets sous cette expression. Je n’avais « que » quelques kilos en trop, mais le fait de vouloir les perdre avec des régimes et des restrictions m’a quand même amenée dans des troubles qui m’ont accompagnée quelque temps. Heureusement, ça n’a pas non plus duré trop longtemps et j’ai pu constater qu’on peut se réconcilier avec son corps même avec quelques kilos de plus que notre idéal. Mais ces troubles ont malgré tout été présents dans ma vie et ça m’a bien bouffé la vie, comme on dit. 😉

– Oui, je vois. Maintenant, peux-tu nous raconter ton histoire ? Comment a commencé cette histoire ?

– Si nous partons de l’enfance, je dirais que je n’ai pas eu de gros soucis durant cette période. Je viens du Nord-Pas-de-Calais : vive les frites et l’alimentation bien riche ! En plus, j’avoue que, enfant, je n’étais pas très fan de légumes et de fruits…

– Comme beaucoup d’enfants ! 😉

– Effectivement ! Nous avions une alimentation assez riche, mais je n’ai jamais vraiment eu de soucis. Quand je suis devenue jeune fille, j’ai pris entre 14 et 15 kilos, mais ça n’a jamais été un problème non plus. Je n’ai jamais reçu de réflexion désagréable de la part de qui que ce soit. Quand j’étais au lycée, il était clair que mon alimentation n’était pas saine. J’étais du genre à manger des pains chocolatés en guise de repas de midi… On peut faire mieux. 😉 Les kilos pris à cette période-là, je les ai ensuite gardés à l’âge adulte.

30 ans, grossesses et apparition de l’envie de mincir  

– Ce que tu veux dire, c’est qu’il n’y avait pas ce que nous pourrions appeler une « éducation alimentaire » dans ton enfance. N’est-ce pas ?

– Pas du tout ! J’ai vu ma mère suivre des régimes, et cela m’a d’ailleurs influencée quand je suis devenue un peu plus adulte. Ça m’a amenée à faire des tentatives, mais elles n’ont pas vraiment abouti. J’étais un peu jeune et je ne suivais pas franchement ça à la lettre. J’étais gourmande, et je le suis toujours d’ailleurs ! Comme je ne suivais pas bien les règles, j’ai peut-être perdu quelques kilos à cette époque-là, mais je les ai vite repris. En tout cas, pour reprendre le fil de l’histoire : ces kilos ne m’ont pas dérangée jusqu’à une certaine époque. Je ne saurais pas dire exactement pourquoi ça a commencé… Peut-être était-ce le fait d’être plus axée sur les médias et de regarder les femmes dans les magazines ? Je me suis rendu compte que le reflet que je constatais dans le miroir n’était pas le corps que je voyais dans les magazines. À partir de là, j’ai enchaîné régime sur régime.

– C’était à peu près à quel âge, cette prise de conscience, ce changement de vision du corps ?

– Ça a dû être un peu avant mes 30 ans. Avant, ça ne m’inquiétait pas plus que ça.

– Cela signifie qu’avant tes 30 ans, tu ne te posais pas de question ?

– Absolument pas. Je voyais bien que j’étais bien en chair comme on dit, et que j’avais des bonnes cuisses, des bonnes fesses, etc. Mais ça ne me gênait pas plus que ça. Mais, vers l’âge de 30 ans, ça a commencé à me gêner et j’ai enchaîné quelques régimes. Je les trouvais principalement dans les magazines d’été… Je n’ai pas de mémoire des chiffres donc je ne saurais pas dire combien, mais en tout cas, suite à ça, j’ai continué à prendre du poids, comme c’est hélas souvent le cas avec les régimes. D’autant plus qu’ensuite, mes enfants sont nés. Le premier est arrivé justement à l’âge de 30 ans. Les grossesses, forcément, ont engendré des prises de poids. Les kilos pris quand je suis devenue jeune fille se sont cumulés avec ceux que j’avais pris avec les régimes à droite et à gauche, qui se sont cumulés avec ceux que j’ai pris lors de mes grossesses. À partir de 2008, après la naissance de mon dernier enfant, j’ai perdu une bonne partie de ces kilos… mais j’en ai quand même gardé une belle quantité, disons.

– Entre tes grossesses, y avait-il de nouvelles tentatives de perte de poids ou de régime ?

– J’ai eu la chance, pour la première, de ne pas en prendre tant que ça et de les perdre très très rapidement, juste avec mon stress de jeune maman. Pour la première, j’ai dû en prendre 11 ou 12. Pour la seconde, pour ma fille, je me souviens d’en avoir pris 17. Je suis retombée enceinte quand elle avait 5 mois, donc très rapidement. Je n’avais pas perdu les kilos pris… Pour le petit dernier, je t’avoue que je me suis arrêté de compter à 17 justement. Je n’ai pas voulu savoir jusqu’où j’étais allée. Après ça, j’étais beaucoup plus investie dans mon rôle de maman et je ne pensais pas trop aux kilos.

– C’est repassé au second plan.

– Exactement. En fait, ces kilos en eux-mêmes n’ont jamais vraiment été un gros souci. Si j’ai voulu les perdre vers 30 ans, c’était plutôt par envie de me fondre dans la masse et de ressembler aux filles des magazines. Mais, au fond de moi, je sentais que ça ne me déplaisait pas plus que ça, que ça ne me gênait pas outre mesure. Le réel déclencheur qui m’a amenée à des régimes et à des contrôles beaucoup plus importants a eu lieu en 2017. Je sentais que je recommençais à moins accepter ces kilos. Je ne me sentais pas forcément bien dans ma peau, mais je vivais avec. J’essayais toujours plus ou moins de faire attention à ce que je mangeais, mais la gourmandise était toujours là et je ne perdais jamais durablement de poids. Par contre, je ne voyais rien de malveillant dans le regard des autres. C’est plutôt que je ne me plaisais plus à moi, dans ce corps que j’avais.

se réconcilier avec son corps

Téléchargement de l’application de comptage de calories

– D’accord. Cela sans qu’il ne se soit passé quelque chose de particulier en 2017, puisque tu dates ça de cette année-là ?

– Si : ce qui a déclenché ça en 2017, c’est-à-dire l’année de mes 45 ans, c’est la perte assez rapide et brutale de 2 personnes, 2 femmes que je connaissais et qui avaient exactement le même âge que moi. Elles sont toutes les 2 parties très vite de maladies. À ce moment-là, je me suis dit que j’avais besoin de me lâcher et de profiter à 5 000 % de la vie. Je me suis un peu réfugiée dans la nourriture. C’est un moment de vie qui fut un peu compliqué parce que je me disais qu’on peut partir du jour au lendemain et qu’il faut en profiter un maximum. Je mangeais pas mal de nourriture et je faisais beaucoup de soirées apéro avec les amis, avec la famille, etc. Là, il y a eu une prise de poids assez conséquente, en environ une année. En 2018, j’ai pris conscience que j’étais arrivée trop haut. Je crois que même avec mes grossesses, je n’avais pas atteint le poids que je faisais alors. C’est là que j’ai dit stop. J’ai voulu aimer mon image corporelle et je suis tombée dans cette fausse idée qui consiste à croire que se réconcilier avec son corps passe par la bataille pour un corps mince. J’ai téléchargé la fameuse application MyFitnessPal©, que certaines personnes connaissent peut-être…

– Oui ! Nous en avons parlé dans le témoignage d’Inès, en évoquant les méfaits de cette application.

J’ai donc téléchargé cette application et à partir de là, ce fut vraiment la période la descente aux enfers. Maintenant que j’en suis sortie, ou quasiment, je peux le formuler ainsi. De 2018 à environ 2020, ce ne fut que du contrôle, des calculs, de la frustration, etc. C’est un cercle vicieux destructeur car je ne vivais que pour ça. Pendant cette période-là, je passais mon temps à épier la moindre calorie. C’est d’ailleurs ce que nous demande cette application ! Elle nous demande de noter ce que nous mangeons, mais aussi les pas que nous faisons, afin de répertorier toutes les calories qui pourraient être brûlées. J’allai jusqu’à saisir les verres d’eau, alors qu’ils ne contiennent pas la moindre calorie ! Je ne m’en rendais pas compte, mais je ne vivais que pour ça.

– Tu traquais le moindre geste et la moindre chose qui rentrait dans ton corps, même l’eau.

– Exactement. C’était devenu complètement obsessionnel. Le sport est bien sûr venu se greffer sur ce fonctionnement. Je passais plus de temps sur l’application qu’en famille avec mes enfants. Pourtant, mes enfants, c’est toute ma vie ! Mais l’application est très bien faite… Il y a même des forums entre utilisateurs de MyFitnessPal© pour se motiver entre nous à perdre du poids… Bref, c’était catastrophique.

L’omniprésence du compteur de calories, jusqu’à ne plus se reconnaître

– Ça prenait toute la place même dans tes relations sociales…

– C’est ça. Je n’avais plus que ces amis-là : les personnes de MyFitnessPal©. Je ne discutais qu’avec elles et que de ça. C’étaient des échanges ressemblant à : « Cette semaine, je n’ai perdu que 200 g, ce n’est pas assez ! Je voulais en perdre 400… », qui m’amenaient à me restreindre encore plus. Le total calorique à atteindre dans la journée était indiqué en fonction du poids actuel et du poids à atteindre. Il était situé en 1 100 et 1 200 calories par jour. C’est très très peu… mais ça, je ne l’ai appris qu’ensuite.

– Mais oui ! C’est la ration d’un petit enfant…

– Tout à fait. Bien sûr, comme nous voulions perdre le plus rapidement possible, le « deal » entre utilisateurs, c’était de ne pas atteindre le quota. C’était encore mieux s’il nous restait 100 ou 200 calories non utilisées en fin de journée…

– Si je comprends bien (mais je pense que j’ai déjà la réponse 😉), c’est une application avec laquelle il n’y a aucune supervision d’aucun professionnel. Chaque utilisateur fait ça à sa sauce. N’est-ce pas ?

– Tout à fait, nous sommes complètement libres de notre utilisation. La seule information donnée, c’est le nombre de calories à ne pas dépasser par jour. Certes, en 1 an, j’ai perdu entre 12 et 13 kilos. Un kilo par mois, ça ne paraît pas forcément énorme… Mais en fait, je les ai perdus très vite. Comme beaucoup de régimes, surtout quand ils sont trop restrictifs et rapides, les kilos se perdent vite et ensuite, il y a une période de stagnation. De mémoire, j’ai perdu jusqu’à 15 kilos. Après ça, je ne perdais plus rien, tout en continuant la surveillance. J’ai même décidé de moi-même de diminuer encore le nombre de calories journalières. Je crois que je suis arrivée, durant une période, à ne même pas ingérer 1 000 calories par jour. Maintenant que cette période-là est derrière-moi et que j’ai pu voir des photos et des vidéos, je me suis rendu compte que je suis allée très loin. D’ailleurs, j’ai des amis qui m’ont dit qu’ils me pensaient malades à cette période car j’avais des traits tirés, j’étais creusée… Je me souviens même d’une fois où mon mari m’avait filmé sans que je ne le sache, avec mes enfants. Le soir, ou le lendemain, il me montre la vidéo et je vois mes enfants en train de jouer et je vois une personne à côté d’eux. Je ne m’étais pas reconnue. Je dis à mon mari : « Il y a une femme avec les enfants… C’est qui ? ». Il me regarde, un peu ébahi et me répond : « Mais c’est toi ! ». Moi, je me suis dit que ce n’était pas moi ça, que ce n’était pas du tout possible. Je ne me voyais pas du tout comme ça ! Cette personne, je la voyais mince et même plutôt maigre. Moi, quand je me regardais dans le miroir, je ne me voyais pas du tout comme ça. Je me voyais encore comme au début, avant de commencer à utiliser cette application. J’avais perdu environ 15 kilos mais je ne m’en rendais absolument pas compte.

– C’est impressionnant, ce que tu racontes là, de ne même plus te reconnaître en vidéo !

– Mais oui ! Quand je lui ai posé la question, il m’a regardé avec un air vraiment surpris, montrant qu’il se demandait si j’étais sérieuse.

– J’allai justement te demander comment réagissait ton entourage. Tu as évoqué ces amis qui se demandaient si tu n’étais pas malade, pour avoir les traits aussi tirés. Y avaient-ils des personnes qui tiraient le signal d’alarme, même si toi, tu ne pouvais ou voulais peut-être pas l’entendre ? Comment ça se passait ?

– Il y en a peut-être eu qui ont tiré le signal d’alarme oui, notamment des amis proches. Mais effectivement, j’étais trop obnubilée par cette application et par ma perte de poids pour entendre ce qui m’était dit. Ma maman m’a fait part de son inquiétude après coup. Elle voyait que je maigrissais, sans savoir, au début, que c’était lié à cette application. Il y a certainement eu des signaux d’alarme oui, mais je ne les ai pas entendus et ça a duré jusqu’en 2020, à peu près.

se réconcilier avec son corps pour stopper les compulsions alimentaires

Restrictions importantes et apparition de compulsions alimentaires

– Que s’est-il passé, ensuite ?

– Pendant cette période de comptage de calories obsessionnel, et je pense que beaucoup de personnes comprendront, il y a eu une apparition de troubles, de compulsions et de crises d’hyperphagie. Ça ne s’est pas produit dès le début, mais plutôt durant la période de stagnation. Je pense que mon corps était arrivé au bout de ce qu’il pouvait endurer. D’autant plus que, comme je l’ai rapidement évoqué tout à l’heure, il y avait la traque aux calories, mais il y avait aussi le sport. J’en pratiquais un maximum !

– C’est-à-dire ?

– C’était quotidien. J’en faisais au minimum entre 1 h et une 1 h 30 par jour.

– Ah oui, quand même !

– Si je pouvais en faire plus, j’en faisais plus. Je faisais plus, toujours plus. Nous avons souvent le réflexe de nous dire : « Je vais faire une heure de sport, ça me permettra de manger un peu plus. ». Mais là, ce n’était pas ça : je pratiquais du sport pour perdre encore plus de calories. C’est durant cette période de stagnation que sont apparues les compulsions. Je faisais des crises d’hyperphagie. Je ne pouvais pas m’en empêcher. Ça venait sans que je ne m’en rende compte, sans que je puisse y faire quoi que ce soit. J’ai l’impression que c’était comme un appel au secours de mon corps.

– On entend bien dans tes mots que c’était plus fort que toi. C’était ton corps qui n’en pouvait sans doute plus et qui criait famine. Dans ces moments-là, au-delà du bien-être qu’apporte le fait de se réconcilier avec son corps, repousser l’envie d’être et de rester mince devient une réelle nécessité de santé pour le corps.

– C’est ce que je pense, oui. Mes compulsions étaient souvent liées au müesli. C’était mon péché mignon ! Je sentais que j’avais besoin de ça, tout en ayant envie de me restreindre. Du coup, je me disais : « Allez, je prends une petite cuillère. ». Je prenais ma petite cuillère, puis je rangeais la boîte. Quelques secondes après, j’ouvrais de nouveau la boîte et je reprenais une petite cuillère. Je continuais comme ça jusqu’à la fin du paquet. Mais une fois le paquet terminé, je me demandais comment j’en étais arrivée là. J’étais dans un état second, je ne sais pas comme l’expliquer. Quand on ne le vit pas ça, on ne peut pas trop se rendre compte de la situation.

– Oui, nous ne pouvons qu’imaginer cet état presque hypnotique.

– C’est ça. C’est vraiment compulsif. Même si on sait qu’on va manger et que c’est un apport de calories, on ne peut pas s’en empêcher. C’est vraiment plus fort que nous. Une fois la fin du paquet arrivée, l’énorme sentiment de culpabilité déboule. On s’en veut et se dit que le lendemain, on fera un régime plus fort et plus important… mais ça ne s’arrête pas. Malgré tout, arrivé à un certain stade, on ne perd pas plus de kilos. Arrivé à une certaine étape, le corps stagne et on n’arrive plus à perdre quoi que ce soit.

– Tu étais donc toujours dans une optique de perte de poids ? Ce n’était toujours pas suffisant pour toi ? Tu n’étais pas arrivée à l’objectif que tu t’étais fixé ?

– Je m’étais fixé un premier objectif… que j’avais atteint très facilement. Mais justement, ça s’était fait trop facilement. Je me suis dit : « Mais c’est tellement simple ! ». Du coup, j’ai repoussé l’objectif plus loin. Ça a continué ainsi, jusqu’à ce que je veuille absolument atteindre un certain poids que j’ai quasiment atteint. J’étais à un kilo de ce poids et c’est là que mon poids a stagné. Comme je n’avais pas atteint cet objectif à un kilo près, je poursuivais. Pourtant, ce n’est rien, un kilo ! Je me rends compte aujourd’hui de la bêtise que c’était. Si on boit un peu plus durant une journée, on le prend, ce kilo, et on le reperd aussitôt ! Mais, comme je n’avais pas atteint ce poids, je ne voulais pas lâcher l’application. C’est pour ça que j’ai maintenu ce fonctionnement jusqu’en 2021 à peu près. Puis, à un certain moment, j’ai dit « stop ». Ce n’était plus possible.

L’envie de se réconcilier avec son corps grâce aux réflexions des enfants

– C’est donc en 2021 que tu as dit « stop ».

– Oui. J’ai dit stop pour une raison importante. La raison qui m’a fait réagir, ce sont mes enfants. Un jour, ils m’ont fait comprendre que je passais trop de temps sur l’application et que je ne faisais rien avec eux. Ils le voyaient bien, de même qu’ils voyaient bien, durant les repas, que je ne mangeais jamais comme eux. Ce sont des petites phrases de mes enfants qui ont engendré un déclic chez moi. S’ils mangeaient des pâtes avec un steak, par exemple, moi je mangeais seulement une cuillère à soupe de pâtes et un quart de steak, et surtout sans sauce ni crème. Ils s’en rendaient bien compte et ils avaient bien réalisé que ça durait depuis quelque temps. J’ai senti dans leurs paroles qu’ils étaient tristes pour ça. Ça leur faisait de la peine que je ne mange pas comme eux et que je ne prenne pas de plaisir durant les repas. Ils voyaient bien aussi que je quittais la table au plus vite, pour ne pas être tentée. C’est la parole de mes enfants, avec des questions comme : « Mais Maman, pourquoi tu ne manges pas comme nous ? », qui m’a fait réaliser qu’il fallait que j’arrête.

– D’accord, ces réflexions, leur inquiétude et leurs remarques quant au temps que ça prenait sur votre vie familiale furent un déclic. Ce n’était plus possible. Comment ça s’est passé, quand tu as voulu stopper ça ?

– Dans un premier temps, je me suis rapprochée de quelques comptes bienveillants, sur Instagram. Il y a eu, par exemple, Valentine, du compte « alimentation épanouie ». Je peux aussi citer le compte d’Elyane. Puis, suite à des discussions que j’ai eu avec certaines personnes, je me suis dit, de moi-même, qu’il fallait tout simplement que je désinstalle cette application. Je devais la sortir de ma vie pour pouvoir revivre normalement. Je l’ai enlevée et j’ai essayé de réapprendre à remanger correctement, puisque 1 000 ou 1 200 calories par jour, ce n’est pas correct.

– Et bien non, c’est très insuffisant.

– Oui, c’est très très insuffisant.

– On a l’impression que ça a été facile, quand on t’entend dire « tout simplement ». Est-ce que ça été juste un « hop, je désinstalle », et voilà ?

– Désinstaller l’application n’a pas été difficile. Par contre, pister les calories, je le faisais de façon instinctive.

– C’était devenu automatique…

se réconcilier avec son corps pour ses enfants

De la difficulté d’arrêter de compter ses calories quand c’est une habitude

– Hélas, oui. Le changement a été progressif. Ça s’est fait doucement et je suis encore en changement. Nous sommes en 2022, donc seulement l’année qui suit 2021… J’avoue que j’ai toujours un peu ce réflexe de regarder les calories d’un aliment. Je l’ai beaucoup moins qu’avant, mais c’est encore un peu présent.

– Nous pouvons désinstaller l’application, mais nous ne pouvons pas désinstaller notre cerveau, si je puis dire. Nous ne pouvons pas annuler ce qui a été appris par cœur. J’ai parfois témoigné de ce qu’il se passait pour moi avec WeightWatchers© et le comptage de points. Une fois que nous avons mémorisé le nombre de calories ou de points de tel ou tel aliment, nous ne pouvons pas l’effacer de notre mémoire. Nous le savons.

– C’est ça ! Même si nous ne voulons pas compter quand nous prenons une assiette de pâtes, par exemple, nous savons quand même que ça représente X calories. Nous y pensons forcément. Ceci étant, le changement se fait progressivement. Comme tu le disais tout à l’heure : le fait de désinstaller l’application a été assez simple, oui. Ce qui a peut-être été le plus difficile, ce fut d’accepter le fait que remanger de plus grandes quantités allait automatiquement me faire reprendre du poids. Retrouver la liberté et le plaisir de manger passe aussi par le fait de se réconcilier avec son corps, inconditionnellement, et ce n’est pas si simple que ça. C’est un peu moins dur maintenant, notamment grâce à mes discussions avec Valentine. Malgré tout, je crois que ce fut ça le plus dur : accepter que le chiffre sur la balance repasse de l’autre côté et me voir reprendre ces kilos que j’avais difficilement perdus. Je sais que j’en ai repris, même si je ne saurais pas te dire combien. Au départ, j’ai continué à me peser. Je me suis accrochée au fait que, pour mes enfants, il fallait que je reprenne du poids et une vie normale. J’ai vite arrêté, car je crois que je ne voulais plus voir ces kilos qui revenaient. Je voulais simplement reprendre une vie de maman, une vie normale avec mes enfants. Ça me donne la sensation que ma vie d’avant était « anormale ».

– Mais oui, il me semble bien… J’entends bien, dans tes mots, ta volonté de retrouver ta vie avec tes enfants et de te reconsacrer à eux. Ce qui me vient à l’esprit en t’écoutant parler de ces kilos qui sont revenus, c’est l’expression de « kilos de l’amour ».

– C’est exactement ça ! C’est joliment dit ! 😊 C’est tout à fait ça. Je me suis raccrochée à leur amour et à tout ce qu’ils pouvaient m’apporter. C’était un peu comme si je redécouvrais le bonheur d’être maman. Ma vie était entre parenthèses pendant cette période de comptage de calories. Elle était centrée sur moi et sur ces kilos à perdre, si bien que j’en oubliais ce qu’il y avait à côté. Avec ce changement, je me suis reconnectée à ma vie de maman et j’ai repris les rênes de ma vie.

– Tu peux à nouveau te laisser guider par ce qui est vraiment important pour toi, par ce qui compte vraiment et qui n’est pas ce que tu pensais. Le but de ta vie et de ta joie n’est pas de perdre des kilos.

– En effet ! En regardant maintenant comment j’ai pu être, je remarque que je donnais l’image d’une personne heureuse parce que je perdais des kilos et que j’étais mince. Je souriais ! Mais, maintenant que je sais ce que c’est qu’être heureuse et épanouie et je réalise combien je ne l’étais pas. Ce n’était que l’image que je voulais montrer, mais j’étais comme une coquille vide. Quand nous sommes aux prises avec la frustration et les compulsions, nous sommes dans une bulle et nous ne nous rendons pas vraiment compte de l’état dans lequel nous sommes. Ce n’est qu’une fois sortis de cette bulle que nous nous rendons compte que c’était vide et qu’il n’y avait pas de bonheur.

Du bonheur de se réconcilier avec son corps, pour toutes celles qui rêvent de perdre ces kilos en trop

– Tu dirais que tu en es où, aujourd’hui, par rapport à tout ça ?

– Je suis sur un bon chemin en tout cas, ça, c’est certain. Quelque chose que je ressens très fort aussi, c’est que je n’ai pas envie d’y retourner. Ça m’arrive, certains jours, de me dire par exemple que ce serait chouette de perdre juste 2 kilos pour l’été. Mais j’ai la chance de me souvenir immédiatement de ce que ça m’a apporté, à savoir rien, de la tristesse et du vide. Alors, je me suis dit tout de suite : « non, ce n’est pas possible, je ne peux pas retourner là-dedans ». Constater ça me donne encore plus d’énergie pour essayer d’avoir une relation sereine avec la nourriture.

– Super ! Et bravo ! 😊 Pour les dernières lignes qu’il nous reste, qu’aimerais-tu partager avec nous ? Quel serait le message que tu aimerais absolument faire passer et que nous n’aurions peut-être pas encore évoqué ?

– Au début de l’article, je me suis présentée comme étant « madame tout le monde ». Je voudrais adresser un message à toutes les « madame tout le monde » qui pourraient nous écouter. Nous sommes nombreuses à avoir ces fameux « quelques kilos en trop ». Combien entends-je de femmes dire qu’elles seraient trop contentes si elles pouvaient perdre 3 ou 4 kilos pour cet été ? À toutes celles-là, j’aimerais leur dire de faire très attention, car ces 3 ou 4 kilos peuvent vous amener à une perte de 4 ou 5, puis de 10, puis 15… Ça risque d’enclencher des troubles, des compulsions, de la frustration, de la tristesse… 3 ou 4 kilos, ce n’est rien, par rapport au bonheur que nous pouvons avoir en n’entrant pas dans cette volonté de perdre quelques kilos. Ils ne nous plaisent pas, mais il faut les accepter et apprendre à vivre avec et à s’aimer telles que nous sommes. Le bonheur n’est pas là, il n’est pas dans ces quelques kilos. Se réconcilier avec son corps par contre, ça en fait partie. Ce n’est pas sur la balance que nous pouvons mesurer notre bonheur. Il se situe et se mesure ailleurs que dans notre poids.

– Et oui ! Tu l’as très bien expliqué juste avant. Tu ne t’en rendais pas compte sur le moment, mais ton bonheur était ailleurs que dans cette chasse aux kilos.

– Tout à fait : elle m’a éloignée de mon bonheur.

– Ce que je retiens aussi de ton partage, et plus largement du partage de « madame tout le monde », c’est vraiment que la chasse à ces fameux 3 ou 4 kilos peut être un piège qui se referme sur nous. Et ce piège peut nous mener loin…

– C’est exactement ça. 😊 Ce qui cache derrière, c’est l’attrait de la perte de poids et d’en perdre toujours plus.

– Je te remercie beaucoup d’être venue nous raconter ton histoire. Merci de nous avoir mis en garde, une fois de plus, contre ces applications de comptage de calories et contre l’idée que se réconcilier avec son corps doit passer par la minceur. Celles et ceux qui souhaiteraient échanger avec toi pourront te contacter via ton compte Instagram : “lne_parfaitement_imparfaite”. Je te souhaite une belle continuation dans ce processus et beaucoup de bonheur avec tes enfants et ta famille ! Je te souhaite beaucoup de bonheur aussi en tant que femme, avec la possibilité de voir ton corps autrement qu’un corps perfectible.

– Merci à toi, Anne. C’est très gentil ! 😊

Nous voici à la fin de ce témoignage qui nous aura montré, encore une fois, que le bonheur se construit au-delà de notre apparence, au-delà ces fameux « quelques kilos en trop ». N’oublions jamais que notre valeur ne dépend pas et ne dépendra jamais de notre apparence corporelle. Si vous recherchez des outils aidant concrètement à se réconcilier avec son corps, jetez un œil à mon programme de 5 jours « Mon corps, ce héros ».  

6 réponses

  1. J’ai été très touchée par le témoignage d’Hélène
    Je me retrouve dans son parcours
    Moi même mise au régime jeune, j’ai enclenché plein de régimes, comme Weight Watchers et également avec des applications comme Le secret du poids et Yazio
    Un grand merci pour ce podcast tout en sensibilité

    1. Merci beaucoup pour votre commentaire et votre partage.
      Il me semble que nous sommes nombreuses (et nombreux ?) à nous retrouver dans le témoignage d’Hélène, dans ce vécu de “Madame tout le monde”. Venant confirmer qu’il y a bel et bien un truc qui cloche dans notre vision de ce que serait le bonheur et de ce à quoi notre corps devrait ressembler… cette fameuse norme.
      Déconstruire nos croyances et les biais induits par la culture de la minceur est une urgence il me semble, de plus en plus… ☺️

    2. Ma chère Elisabeth
      Je te remercie du fond du cœur pour ta gentillesse. Merci de m’avoir écoutée 🤗
      J’espère sincèrement que cela pourra aider … Je te dis à très vite 🥰

  2. Oh Hélène, j’écoute ton témoignage et je me retrouve dans tant de paroles …
    Les larmes me viennent …

    1. Me voici émue moi aussi de lire votre commentaire… j’espère également que l’optimisme d’Hélène a lui aussi été contagieux. Je trouve ce témoignage vraiment inspirant, entre autres parce qu’il parle à nombre d’entre nous… malheureusement ☺️

    2. 😍 Virginie, tes mots me touchent en plein cœur ❤️ Je suis tellement émue de savoir que mon parcours puisse toucher à ce point…. Je souhaite de tout mon cœur que tu puisses toi et toutes ces femmes, trouver l’apaisement.
      Je suis là si tu as besoin de papoter 🤗🥰🤗….. Gros bisous

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