Anorexie d’adulte : le témoignage de la thérapie d’alimentation intuitive de Carole

Bienvenue dans ce nouvel article de mon podcast sur l’alimentation, « La pleine conscience du pouvoir ». Aujourd’hui, je vous propose un nouveau témoignage sur les TCA, en l’occurrencel’anorexie d’une adulte. Carole a souhaité partager sa rencontre et son parcours avec l’alimentation intuitive. Elle a découvert cette thérapie entre autres par le biais de ce podcast ! Carole a commencé à la suivre il y a quelques mois seulement et pourtant, elle a déjà vécu tant de changements et de prises de conscience ! L’une des principales concerne le féminisme et la lutte contre les injonctions de la culture des régimes et de la minceur. Je vous laisse découvrir comment elle est tombée dans l’anorexie à l’adolescence, puis dans le cercle vicieux compulsions-restrictions alimentaires pendant 15 ans et, enfin, son parcours de guérison des TCA.

« Je m’appelle Carole, j’ai 35 ans. »

« L’année du bac, j’ai perdu un peu de poids, sans m’en rendre compte. Je suis tombée dans l’anorexie, mais très vite en fait, j’ai compensé avec des crises de boulimie. Ce comportement a duré 15 ans. »

« Tous les 2-3 ans, je me disais « quand même, il faudrait que j’aille creuser » et je remettais tout sous le tapis… Pendant 15 ans. »

« Je me suis dit « Tiens, l’alimentation intuitive… Qu’est-ce que c’est ? ». Et je suis tombée sur ton podcast, « La permission inconditionnelle de manger ». Je me suis dit, encore : « Mais qu’est-ce que c’est que ce truc ? ». J’ai senti quelque chose qui me disait : « c’est la bonne voie ». Comme si j’avais des nouvelles lunettes pour voir le monde. »

« Aujourd’hui, je me fiche de la forme que peut avoir mon corps. »

« L’alimentation intuitive, ce n’est pas « je mange à ma faim, ce que je veux et je m’arrête quand je n’ai plus faim ». C’est bien plus complexe que ça, bien plus large. »

« Cette thérapie m’a permis de devenir vraiment qui je suis, en fait. D’oser. »

La présentation de Carole, qui livre son témoignage sur son TCA

– Bonjour Carole !

– Bonjour Anne !

– Je suis vraiment ravie de te recevoir dans « La pleine conscience du pouvoir ». En plus, tu as fait tout le chemin pour venir jusqu’à moi, à Dourdan ! Nous sommes installées, j’espère confortablement, dans mon cabinet où il fait… moyennement chaud. Ça va, tu n’as pas froid ?

– Ça va, je suis bien installée. 😊

– Merci beaucoup d’avoir fait ce déplacement pour partager avec nous ton expérience, ton vécu autour de la relation compliquée avec l’alimentation. Tu témoigneras aussi sur ton processus de guérison, au travers de l’alimentation intuitive. Je suis très impatiente que tu partages ça avec nous ! 😊 Ce ne sera pas la première fois que « La pleine conscience du pouvoir » accueille un témoignage sur la thérapie d’alimentation intuitive. Nous avons déjà abordé ça avec Juliette, par exemple. Pour commencer, souhaites-tu te présenter ?

– Avec plaisir. 😊 Avant tout : merci à toi de me recevoir ! Ça me tient à cœur de partager mon expérience. Je m’appelle Carole, j’ai 35 ans. Dans la vie, je suis à moitié prof de yoga. Enfin « à moitié »… à temps partiel. 😉 J’ai, à temps partiel aussi, un travail classique dans un bureau. Je suis, depuis 1 an et demi, maman d’un petit Maël. Voilà pour ma petite présentation ! 😊

– Petit Maël qui est resté bien au chaud à la maison ?

– Au chaud avec son papa, qui est en vacances.

– OK. 😊 Par où as-tu envie de commencer ce partage autour de ton anorexie d’adulte ?


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La tombée dans l’anorexie à l’adolescence

– J’ai envie de commencer par le début : mon enfance et l’ambiance dans laquelle j’ai vécu. J’ai vécu dans une famille aimante, un papa, une maman, une petite sœur. C’était très classique… jusqu’à, je dirais, nos adolescences, à ma sœur et moi (nous avons 2 ans et demi de différence). Ma sœur a alors fait de la danse classique, à un niveau assez élevé on va dire, puisqu’elle a été petit rat de l’Opéra de Paris.

– Effectivement !

La danse classique, c’est un milieu très exigeant, notamment au niveau de tout ce qui est corps, minceur… Dans notre famille, on s’est vite retrouvés à mettre en place une alimentation vraiment très équilibrée, très saine. Le but était, justement, d’aider ma sœur et de ne pas la « soumettre », entre guillemets, à la tentation.

– C’est-à-dire que toute la famille était au même régime ?

– Exactement. On n’achetait pas de chocolat, pour pas qu’il y ait de tentation, par exemple. Moi, j’ai vécu ça un peu à côté, parce que ça ne me concernait pas directement. Malgré tout, j’étais déjà un peu impactée. J’ai des souvenirs, par exemple, où je me rends chez des amis, où il y a des M&M’s© et où je passe l’après-midi à les manger. J’étais tellement contente d’avoir accès à ces choses-là qu’il n’y avait pas chez moi…

– La rareté crée ce genre de réaction…

– C’est ça. Je n’ai pas vraiment eu de crise d’adolescence, à proprement parler. Mais, l’année du bac… je ne saurais pas dire s’il y a eu un déclencheur ou quelque chose comme ça. En tout cas, j’ai perdu un peu de poids. Il devait faire chaud et je n’ai sans doute pas eu faim pendant quelques jours. Mon copain de l’époque a dû me faire une réflexion, pour me dire que ça m’allait bien. À partir de là, j’ai mis un pied dans les troubles du comportement alimentaire. Tout était déjà cristallisé dans ma famille autour de la nourriture… Je pense que c’est pour ça que, moi, j’ai « choisi », entre guillemets, les TCA pour exprimer un mal-être. Il devait être là avant, mais je ne savais pas du tout exprimer. Sans m’en rendre compte, je suis tombée dans l’anorexie. Je pense avoir perdu une dizaine de kilos. À l’époque, la communauté pro-ana était très présente. Elle valorise, glamourise presque, l’anorexie. J’étais beaucoup dans ce mouvement-là. J’avais un blog et j’échangeais beaucoup avec des nanas qui étaient comme moi. Elles souffraient de troubles alimentaires et elles s’accrochaient à l’idée qu’on peut faire de l’anorexie un « style de vie », entre guillemets.

L’installation du cercle vicieux compulsions-restrictions alimentaires

– Je t’interromps 2 secondes… Est-ce que ça existe toujours, ce mouvement-là ? J’ai l’impression que c’est moins présent. D’un autre côté, je n’ai pas cherché.

– Hé bien moi non plus ! Je ne suis plus là-dedans et du coup, je ne saurais pas trop te dire. J’espère que ça n’existe plus, ou beaucoup moins. En tout cas, à l’époque, il y avait une vraie communauté, avec beaucoup de soutien. On était entre personnes qui se comprenaient. J’ai commencé avec la restriction, mais, très vite, j’ai compensé avec des crises de boulimie. C’était un schéma classique : je faisais une crise de boulimie et après, pendant plusieurs jours, j’étais dans une espèce de jeûne, ou de quasi-jeûne. Il n’y a jamais eu de vomissement, mais beaucoup de laxatifs et de sport à outrance. Ça a duré… je ne sais pas exactement en combien de mois j’ai vraiment sombré. Mais, il y a un moment où je suis arrivée à un poids beaucoup trop bas. J’en ai parlé à mes parents. J’ai parlé de la boulimie, évidemment, puisque ce n’était pas l’anorexie qui me dérangeait, à l’époque. Ils ont pris les choses en main. Ma mère m’a trouvé une pédopsychiatre. J’avais un peu plus de 18 ans, mais elle était spécialisée dans les TCA. Ça m’a permis d’éviter l’hospitalisation. Avec elle, on a établi un contrat. Il fallait que je mange, que j’ai tel comportement, afin d’éviter l’hospitalisation.

– C’était ça, la motivation principale : éviter l’hospitalisation ?

– Non, je ne pense pas. Je ne sais pas trop, en fait, quelle était ma motivation. J’étais arrivée à mon objectif de poids. Si je descendais en-dessous, c’était vraiment trop dangereux et ça aurait été l’hospitalisation. À l’époque, mon but, c’était limite de retrouver un comportement normal en restant à 40 kilos. C’était complètement illusoire !

– D’accord. Comme tu le disais juste avant : ce que tu souhaitais, c’était supprimer les crises de boulimie.

– C’est ça. C’était ça qui me gênait. J’ai eu ce suivi avec cette psychiatre pendant un moment. Puis, les choses se sont calmées, apaisées. En tout cas, c’était moins flagrant. Là, on est arrivé vers mes 20 ans. Cependant, j’avais toujours un comportement alimentaire en mode : restriction la journée, compulsion le soir et rebelote tous les jours. Ce comportement a duré… 15 ans. Je suis passée d’une anorexie à l’adolescence à une anorexie d’adulte, bien installée.

– Du coup, ça ne te gênait pas particulièrement, en fait ? C’était contrôlé. Enfin… contrôlé dans l’absence de contrôle. « Je contrôle, je ne contrôle plus, je recontrôle, je ne contrôle plus, etc. » Malgré tout, ton poids restait peut-être stable, non ? Et du coup, quelque part, ça t’allait. Est-ce que c’est comme ça que tu le vivais ?

L’envie d’avoir un enfant et les problèmes de fertilité

– C’était vraiment ça ! J’avais atteint un poids que ne faisait pas flipper et donc, on me laissait tranquille. Moi, je trouvais que j’étais très bien comme ça. Ce cercle vicieux des compulsions était là, mais je n’arrivais pas à m’en défaire donc je m’y accoutumais. Je me disais que je rééquilibrais la journée en mangeant moins. Ce fut mon style de vie pendant 15 ans, avec des périodes plus ou moins difficiles. Quand, par exemple, je vivais toute seule en studio, j’avais le Franprix© en bas de chez moi. Là, c’était crise de boulimie sur crise de boulimie, tous les soirs… C’était vraiment difficile. Il y a aussi eu des moments où ça s’est apaisé. Mais au global, ça a toujours été là pendant 15 ans. Il y a eu un moment important : celui où, avec mon conjoint, on a décidé de faire un bébé. Ça n’a pas marché du premier coup. Ni du deuxième. Ni du dixième. Durant le temps de parcours en procréation médicalement assistée, j’ai demandé si ça pouvait venir de mon alimentation. Je n’ai pas détaillé, je n’ai pas évoqué cette anorexie à l’âge adulte. À l’époque, je disais que maintenant, je mangeais normalement. Par contre, j’ai expliqué que j’avais eu un comportement anorexique-boulimique durant ma jeunesse. La gynéco, à l’époque, a été très cool. Elle m’a dit : « Effectivement, ça peut avoir un impact. Ça a pu jouer. Comme peut-être que ça ne joue pas sur votre infertilité. On ne le saura jamais. ». C’est quelque chose qui m’a marquée. Mine de rien, notre parcours en PMA a duré 7 ans, pour se terminer par un don d’ovocyte. Les FIV ont montré que c’était au niveau de mes ovules qu’il y avait quelque chose de défaillant. C’est pour ça que ça s’est terminé par un don d’ovocyte en République Tchèque, qui a fonctionné du premier coup. À partir de là, tout fut un bonheur ! La grossesse aussi a été un moment important dans ma relation à l’alimentation et à mon corps. Je me suis laissée tranquille.

– Quelque chose a lâché. C’est ça ?

– Oui. Je me suis dit : « allez, tu as 9 mois où c’est bon, tu peux avoir un gros ventre et tout le monde va s’extasier dessus ». Cependant, j’avais toujours gardé en tête que, quand j’aurai accouché, ce serait fini la rigolade.

– Ce serait la fin de la récré. On se reprend en main !

– Exactement ! J’ai accouché et un mois après, j’avais retrouvé mon poids d’avant grossesse. Je pratiquais du sport et j’étais retournée dans mon cercle de restriction en journée et de compulsions alimentaires le soir. Ce fut une période où j’ai vraiment eu beaucoup de compulsions parce qu’en plus, j’allaitais.

– Hé oui, tu avais faim !

– Ça demande de l’énergie au corps !

– Autant que de fabriquer un bébé…

Sortir de l'anorexie d'adulte grâce à l'alimentation intuitive

Les tentatives de suivi psychologie pour guérir des TCA

– Voilà. À ce moment-là, j’ai retenté une approche psycho-nutritive. Je pense qu’on peut appeler ça comme ça. Comme ça m’était régulièrement arrivé au cours des 15 précédentes années, j’avais déjà consulté. Tous les 2 ou 3 ans, je me disais : « quand même, il faudrait que j’aille creuser… ». Je faisais une séance où je passais une heure à pleurer. Du coup, c’était émotionnellement ingérable et je remettais tout sous le tapis.

– Je retiens quand même que tu sentais bien qu’il y avait un truc de lourd, de compliqué… C’est comme si tu ouvrais une porte et paf, tu te prenais un tsunami émotionnel dans la figure. Du coup, vite vite tu refermais, parce que c’était trop difficile. Tu nous diras si tu vois les choses comme ça, mais ça me donne l’impression qu’il a fallu « tester » plusieurs fois avant de te lancer vraiment. Comme s’il avait fallu ouvrir la porte un certain nombre de fois, mais juste un petit peu, avant de te sentir prête à l’ouvrir en plus grand ou d’une autre façon.

– En fait, c’est même passé par une autre porte. 😉

– Ah d’accord !

– La thérapeute que j’ai vue durant mon post-partum m’a remis le nez dans mon caca, comme on dit. Ça m’a fait le même effet que toutes les fois précédentes. De nouveau, je me suis dit : « OK, on remet ça sous le tapis… ».

– Quand tu dis qu’elle t’a remis le nez dans ton caca, qu’est-ce que tu veux dire exactement ?

– Il y avait toujours cette idée qu’il fallait accepter la reprise de poids, que je mange plus, que je fasse 3 repas par jour même si je n’avais pas faim, notamment le matin… Il y avait tout ça et en plus, elle m’a dit un truc que je n’ai particulièrement pas aimé. Elle m’a parlé de la transmission génétique des troubles alimentaires. Même si mon fils n’a pas mon patrimoine génétique puisque ce n’est pas mon ovule, j’ai trouvé ça hyper culpabilisant.

– En tout cas, tu l’as entendu comme : « Olala mais voyez ce que vous avez fait ! ».

– C’était surtout : « si tu ne fais rien, ça va se répercuter sur ton enfant ». Pourtant, j’avais beaucoup accroché sur son bouquin… Mais après une consultation en face-à-face, je me suis dit : « hop, non, ce n’est pas pour moi, on verra plus tard ».

– Et on remet sous le tapis.

Le test de la naturopathie pour se réconcilier avec son assiette et son ventre

– Exactement. Ensuite, j’ai commencé ma formation de prof de yoga. J’avais découvert ça quelques années auparavant. Parmi les autres élèves, il y avait une naturopathe. Je me suis dit : « tiens, tentons une nouvelle approche ». Je m’entendais bien avec la fille en question et on a tout de suite accroché.

– C’était dans quel but, l’approche naturo ?

– J’avais des douleurs digestives chroniques…

– Hé bé oui, c’est assez logique.

– En effet : c’est assez logique quand on passe son temps à se restreindre et à se faire un repas énorme le soir. Sauf qu’en fait, comme je ne me présentais pas vraiment comme ça au monde, pas même au monde médical….

– Ni même peut-être à toi-même, au final ?

– Oui. Pour moi, c’était juste que je mangeais beaucoup le soir, mais ce n’était pas dramatique… Je n’avais pas vraiment conscience d’être encore dans l’anorexie, même adulte.

– C’était comme si tu prenais un seul et unique repas qui couvrait tes besoins, en tout cas tes besoins caloriques, en une seule fois.

– C’est ça.

– C’est un peu compliqué pour le système digestif, en effet.

– Mais je n’en avais pas du tout conscience !

– Les maux de ventre étaient donc la porte d’entrée pour la naturopathie, si je comprends bien ?

– C’est ça. Sachant que j’avais déjà testé cette approche, pour mes problèmes d’infertilité. Je n’en étais pas à ma première consultation, je connaissais le process… Je me suis dit : « avec quelqu’un de nouveau, essayons »… J’ai fait le fameux test sanguin des intolérances alimentaires, qui a révélé que j’étais intolérante à tous les aliments du monde ou presque.

– Ah mince ! Ce n’allait pas t’arranger pour la suite.

– D’un côté, ma naturopathe et moi, on s’est dit : « super, on a l’explication ». Mais sauf que, du coup, le régime que je devais suivre en excluant tous les ces aliments m’amenait à ne manger plus rien. Ou alors c’était des choses que je n’avais pas l’habitude de manger. J’aurai dû ne manger quasiment que de la viande rouge et du poisson. Je n’en mangeais jamais parce que je ne suis pas fan. Ce « régime », entre guillemets, n’a fait que renforcer mes compulsions alimentaires… Ce fut vraiment une explosion. Avec cette histoire d’intolérances alimentaires, de choses à ne pas manger, que je pensais pourtant bonnes pour mon corps, etc. j’étais complètement perdue, une fois de plus… Il y avait des aliments qui n’étaient pas bons pour moi d’après la prise de sang, mais que je mangeais quotidiennement. C’était le cas du beurre de cacahuète et des oléagineux, par exemple. Bref : j’étais complètement perdue… J’ai beaucoup écouté de podcasts sur les intolérances alimentaires. Je suis tombée sur un podcast, sur Spotify©, qui doit s’appeler « Intolérances alimentaires et alimentation intuitive ».

– C’est intéressant ça !


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– Je ne sais plus de qui c’est, par contre… C’est par ce biais-là que je me suis dit : « Tiens… Alimentation intuitive ? Qu’est-ce que c’est ? ». J’ai creusé, toujours sur Spotify©, parce que c’est un média que j’aime bien. Là, je suis tombée sur ton épisode qui s’intitule « La permission inconditionnelle de manger ». Là encore, je me suis demandé : « Mais qu’est-ce que c’est que ce truc ? ». C’est là que j’ai vraiment découvert ce que j’appelle la « vraie » alimentation intuitive, donc celle d’Elise Resch et Evelyn Tribole. À partir de ce moment-là, j’ai commencé à énormément me renseigner. J’ai écouté tous tes podcasts ! 😊

– Merci pour cette fidélité !

– J’ai aussi écouté tous ceux de Juliette, The last quiche. Il y en a sûrement eu d’autres encore… J’ai évidemment lu la traduction française du livre des fondatrices. J’ai également lu celui d’Alicia Sicardi, qui fait partie des « classiques » sur le sujet.

– Et même des rares ouvrages sur l’alimentation intuitive…

– Oui. Et voilà… Pendant plusieurs mois, j’ai accumulé et intégré les infos. J’ai senti qu’il y avait quelque chose qui me disait : « c’est la bonne voie, c’est là qu’il faut aller ».

– Tu as une idée de ce qui venait te dire ça ? C’était peut-être un faisceau de choses… ? Ou est-ce que quelque chose de spécifique t’a accroché et fait te dire « tiens ce n’est pas idiot » ?

– Dans les 10 principes, il y a des notions dont je n’avais jamais entendu parler. La fameuse culture des régimes, ou encore la permission inconditionnelle de manger, par exemple : je n’avais jamais croisé ça. Je me suis fait la remarque qu’en fait, tout ça était différent de tout ce que j’avais essayé avant au travers de l’anorexie, adulte comme adolescente. Comme tout ce que j’avais essayé avant, justement, n’avait pas fonctionné… je me suis dit que je n’avais rien à perdre à aller dans ce sens.

– D’accord. C’est plutôt ce qui se démarquait de ce que tu connaissais qui a attiré ton attention.

– C’est ça. Tous les régimes divers et variés, je les connaissais. Ça ne m’avait jamais aidé à diminuer mes compulsions alimentaires du soir… J’ai mis en place, moi-même, cette alimentation intuitive, en veillant bien à suivre les 10 principes. Sauf que… je ne sais pas où ça bloquait, mais ça bloquait. Je m’autorisais beaucoup d’aliments, même ce qui était interdit et déconseillé d’après la prise de sang. Malgré ça, les compulsions étaient toujours présentes le soir. J’avais l’impression, en journée, de manger à ma faim, ce qui me faisait envie, mais c’était toujours là. Via les podcasts, là encore, j’ai rencontré ma thérapeute, qui s’appelle Sofia Desbleds.


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– Qui est venue aussi sur ce podcast. 😊

– Je l’avais découvert soit via ton podcast, soit celui de Juliette, je ne sais plus. 😉 Là, je me suis dit « Ah, la nana fait de l’alimentation intuitive, elle est prof de yoga, comme moi et en plus, elle est naturopathe. ». Il y avait de bonnes chances pour qu’elle me comprenne bien et qu’on puisse me trouver un chemin, malgré tout mon paquet d’intolérances.

– Tout à fait.

– J’ai pris mon premier rendez-vous. Le contact est bien passé. L’une des premières choses qu’elle m’a dites, c’est : « Tes compulsions alimentaires le soir, c’est juste ton corps et ton cerveau qui disent : « Il faut manger là ! La jeune fille, elle n’a pas mangé depuis un moment, il lui faut de l’énergie, du carburant ! ». ». Je pensais être en restriction uniquement cognitive, mais en fait, j’étais vraiment en restriction physiologique, calorique… On a commencé par là. Elle m’a dit que mes signaux de faim étaient sans doute hyper perturbés parce que ça faisait 15 ans que je vivais comme ça, avec une forme d’anorexie d’adulte et donc, de la restriction. « Tu penses que c’est la normalité pour toi, mais peut-être que ce n’est pas du tout la normalité pour ton corps. » On a commencé sur un plan purement alimentaire. L’idée, c’était de réintroduire des repas de façon régulière. Pour le coup, c’était assez rigide : un repas le matin, un le midi, un encas, un repas le soir…

– Là, tu étais prête à l’entendre ?

– J’étais prête à entendre ça parce qu’il y avait eu cette prise de conscience que j’étais encore dans un déni de l’anorexie. Juste après cette consultation, j’ai regardé objectivement mon poids. C’était un léger sous-poids. J’ai regardé objectivement mon alimentation et effectivement, je ne mangeais pas grand-chose.

– Même si tu pensais t’être donné cette permission inconditionnelle de manger…

– Voilà. J’écoutais avant tout mes sensations de faim et de satiété. Le matin, je n’avais jamais faim avant midi, parce que le soir, je mangeais trop…

– Hé oui, il y avait encore ces compulsions.

Anorexie d'adulte et alimentation intuitive

La régularité pour laisser ses sensations de faim s’exprimer

– C’est pour ça que j’étais coincée. Elle m’a expliqué que, quel que soit ce que je mange, il fallait réintroduire des apports réguliers. Il fallait que je prenne un petit-dèj le matin, même si j’avais fait une grosse compulsion la veille. Ça pouvait n’être qu’un fruit ou qu’un cookie, mais il fallait que je mange quelque chose au réveil. C’était important.

– C’était aussi pour donner l’information à ton corps que c’est possible d’avoir faim et de manger à cette heure-là.

– C’est ça. Il s’agissait de lui réapporter du carburant régulièrement pour qu’il réapprenne à fonctionner normalement. La première étape, ce fut ça. Je pense que c’était la plus difficile. Mes compulsions ne se sont pas magiquement stoppées au moment où j’ai intégré un petit-déjeuner, un déjeuner et un goûter. En 2 mois, j’ai pris 8 kilos. Accepter la nouvelle image que j’avais dans le miroir a été hyper compliqué sur le plan émotionnel. Ce fut un vrai travail, d’apprendre à me dire : « OK, mon corps change et pas forcément dans le sens que je souhaite. Je dois prendre du recul et me demander : « Pourquoi je fais ça ? ». Je fais ça parce que j’ai des compulsions alimentaires et que je n’ai pas une relation sereine avec la nourriture. OK, j’ai du mal avec ce que je vois dans le miroir, mais je fais ça pour une bonne raison. ».

– D’où l’importance, j’imagine, de ne pas être seule, d’être soutenue dans cette traversée émotionnelle compliquée. La peur de grossir fait partie intégrante de l’anorexie, des TCA d’une manière générale, et même de l’alimentation troublée d’une manière encore plus générale. C’est, entre autres, ça qui nous amène à installer ces difficultés avec l’alimentation. C’est la peur de grossir ou de ne plus perdre de poids. C’est un travail compliqué qui se fait sur ce sujet-là !

L’estime de soi et l’amour des proches dans les TCA

– Oui. Les premiers 2 mois ont vraiment été compliqués. Au niveau alimentaire, c’était encore un grand n’importe quoi. Il y avait aussi tout un travail sur ma valeur en tant que personne. J’ai fait la liste de ce pour quoi j’ai de la valeur. Ça faisait partie du travail thérapeutique. C’est pour ça que je te disais tout à l’heure que je suis rentrée dans un travail de psychothérapie par la porte de l’alimentation. Je me suis vite rendu compte qu’en fait, j’étais vraiment dans une psychothérapie. La thérapie d’alimentation intuitive, ce n’est pas juste un plan alimentaire.

– Tout à fait. Ce n’est pas juste un ensemble de principes, même s’ils sont importants à traverser. C’est vraiment un processus thérapeutique.

– Ce que j’évitais depuis 15 ans, j’avais finalement mis les 2 pieds dedans sans m’en rendre compte.

– Et sans avoir envie de fermer la porte, cette fois. 😊

– Voilà ! Comme je le disais : il y a eu tout un travail sur ma valeur. J’ai aussi beaucoup parlé autour de moi. J’avais des angoisses complètement surréalistes, du genre : « Si je prends 30 kilos, est-ce qu’on va continuer à m’aimer ? Qui suis-je si je ne suis pas la jolie fille la plus mince de la pièce ? ». J’ai parlé de ça avec mes parents. C’était super important parce que, quand nous étions jeunes, ma mère portait une grande importance à la minceur.

– De part, entre autres, le cursus de ta sœur.

– C’est ça. J’ai parlé hyper franchement avec ma mère de ce sujet-là. J’ai parlé avec ma sœur aussi. Au moment où j’en parlais avec elle, je me suis rendu compte de la débilité de mon fonctionnement. J’étais en train de demander à ma sœur si elle m’aimerait toujours si je pesais 30 kilos de plus. Alors que c’est ma sœur…! Elle s’en fiche que je pèse 50 kilos ou 110, qu’il me manque un bras ou que je sois brûlée de la moitié du visage.

– Bien sûr qu’avec le recul, tu peux te dire ça… Mais, quand on est dans cette croyance que notre valeur dépend pour une bonne part de notre apparence corporelle, il est normal d’avoir cette crainte-là. Je trouve courageux d’être allée confronter cette peur à ce que les autres allaient te répondre.

– C’était un vrai travail, pour le coup. Ça faisait partie de la démarche. Sofia me disait : « demande à ton conjoint s’il te quitte si tu prends 30 kilos ». En fait, je me suis rendu compte que les gens ne nous aiment pas parce qu’on fait une taille 36. Ils nous aiment parce qu’on a telle ou telle qualité. Il y a tellement de qualités qui ne sont pas physiques.

– Ces personnes proches sont dans une inconditionnalité dans leur amour pour toi. C’est tellement bon de le réaliser et d’aller directement confronter cette question-là.

– C’est ça, de poser vraiment la question et d’en parler franchement, ça a son importance. On peut se dire « mais oui, c’est ma mère, elle m’aimera toujours »…

– Mais ça peut n’être qu’un concept, surtout en cas de TCA ou d’anorexie d’adulte, présente depuis longtemps. On peut très bien avoir ça en tête mais, au fond de soi et émotionnellement, être dans une croyance très forte que ce n’est pas vrai. De plus, pour certaines personnes, il y a parfois des vécus qui font que ce n’est pas vrai. Je pense aussi que la relation est suffisamment forte entre vous, pour que tu aies pu aller questionner ça. Ça ne veut pas dire que ce n’est pas rien de le faire, encore une fois ! Mais la relation entre vous a permis que tu oses le faire. C’est vraiment chouette d’avoir pu aller vérifier ça. 😊

– Mon évolution dans la thérapie d’alimentation intuitive a été assez rapide.

– Mais oui, parce que tu parlais de 2 mois difficiles…


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La découverte du féminisme et de la culture des régimes

– J’ai commencé avec Sofia en juillet de cette année, là nous sommes en décembre et en 6 mois, il s’est vraiment passé énormément de choses. Les 2 premiers mois étaient vraiment très difficiles parce que : prise de poids, peur du jugement des autres, etc. J’avais aussi cette idée que, quand je prends du poids, je ne le fais pas d’une façon « féminine ». Tu vois ce que je veux dire ?

– Je crois que oui. Tu pensais que ce ne serait pas une prise de poids « harmonieuse ».

– Voilà. Dans ma tête, c’était OK de prendre du poids si on prend des seins, des fesses et qu’on a une taille fine. Moi, j’ai une morphologie en H, comme on dit : je n’ai pas de taille, je n’ai pas particulièrement de seins ni de fesses. Ce point-là me bloquait aussi. Je me disais que j’allais devenir disharmonieuse. Sofia m’a ouvert les yeux sur un nouveau concept, dont je n’avais pas conscience, à savoir : le patriarcat. Qui a décidé que les femmes belles doivent avoir de gros seins, de grosses fesses et une taille fine ?

– Sachant que c’est relativement récent, en plus…

– Exactement. À l’époque où je suis tombée dans l’anorexie, le concept de la beauté féminine, c’était d’être filiforme. 15 ou 20 ans plus tard, on est sur complètement autre chose et il en sera de même dans 15 ou 20 ans… Elle m’a fait comprendre qu’il y a un tas d’injonctions auxquelles nous sommes soumises, en tant que femme. La plupart viennent du patriarcat. Ça, pour moi, c’était une véritable découverte. Je connaissais le concept du féminisme, mais sans jamais avoir mis le nez dedans. Là, c’était comme si j’avais de nouvelles lunettes pour voir le monde. Ça a encore fait tout un nouveau panel de notions à intégrer. On parle beaucoup de déconstruction, dans la thérapie d’alimentation intuitive. Typiquement, ça fait partie des croyances que j’ai déconstruites. Apprendre à voir tout ce qui n’est pas naturel, tout ce qui a été décidé par des hommes, majoritairement. Encore une des raisons qui ont rendu ces 2 premiers mois hyper intenses !

– Ça aussi, c’était durant ces 2 mois !

L’achat de vêtements confortables pour aimer son corps

– Ah oui oui. J’ai eu une consultation tous les 15 jours ou 3 semaines au début et oui, ce fut hyper chargé. 😊 Finalement, l’alimentation était ce qu’il y avait de plus simple ! J’avais encore des compulsions le soir, mais manger le lendemain matin n’était pas ce qu’il y avait de plus compliqué. C’est tout le process psychique entraîné par les prises de conscience qui m’a vraiment secouée. S’en est suivie une période où j’étais énervée. J’étais en colère de réaliser tout ça et de me rendre compte que, finalement, il n’y a pas tant de gens que ça qui ont conscience de ces concepts… Je n’en ai pas parlé, mais la grossophobie aussi faisait partie des points dont je n’avais pas conscience. Je ne me rendais pas compte que j’étais hyper grossophobe, que ce soit envers moi ou envers les autres. Quand on entend « alimentation intuitive », on pense juste « manger à sa faim et écouter ses envies » alors que ce n’est pas que ça.

– C’est une toute petite partie. C’est une partie importante, mais il y a aussi tout le reste.

Durant ces 2 mois, j’ai dû revoir 2 fois ma garde-robe, parce que j’ai pris 2 tailles… J’ai acheté des vêtements à ma taille, dans lesquels je me sens bien. Ça aussi, ça m’a permis de lâcher quelque chose par rapport à mon apparence corporelle. Aujourd’hui, je me fiche de la forme que peut avoir mon corps. Mon corps, il est comme il est. Je n’ai aucunement l’intention d’aller faire du sport pour essayer de muscler mes fesses ou d’avoir le ventre plus plat. J’ai vraiment réalisé un lâcher-prise sur ce sujet. Quand je me suis rendu compte que ma valeur ne résidait pas dans mon physique, j’ai pu me dire : « OK, ton corps est top, il te sert à faire plein de choses dans la vie et il n’est pas là pour être admiré ni commenté… ».

– Est-ce que tu veux bien nous en dire plus sur la façon dont l’achat de vêtements a pu t’aider là-dessus ?

– Déjà, ce fut hyper important pour moi de me dire : « OK, on passe à la taille au-dessus ».

– Comment tu l’as vécu, ça ?

– J’ai la « chance », entre guillemets, d’être toujours socialement dans la norme.

– D’accord. Tu n’as pas de difficulté pratico-pratique à trouver des vêtements, par exemple.

– Voilà. Même si j’ai pris environ 10 kilos et 2 tailles de vêtements, quand on me voit dans la rue, je reste une nana mince. Du coup, je n’ai pas mal vécu le fait de passer à une taille au-dessus parce que c’est encore une taille qu’on considère normale. On n’a pas de mal à la trouver dans les magasins. J’ai conscience que le process a été facilité parce que je n’ai pris, entre guillemets, « que » 10 kilos. Si j’en avais pris 50, ça aurait forcément été une autre histoire.

– Oui. Tout est relatif bien sûr. Il y a des personnes qui sont dans l’incapacité ne serait-ce que de concevoir de prendre 10 kilos, même si ça reste dans une certaine norme. Je trouve que c’est important aussi d’être conscientes de nos privilèges sur ces sujets-là. Cela fait également partie du process, de pouvoir identifier, par exemple, que nous sommes toutes les 2 des femmes blanches, plutôt dans la norme…

– Être une femme, ce n’est pas un privilège… 😉

– Non non, mais c’était pour « blanche » que je disais ça. 😉

– Oui : blanche, avec une corpulence normale, une classe sociale confortable, etc.

– Le processus d’alimentation intuitive nous fait aussi prendre conscience de ça. Mais fermons cette parenthèse. Tu disais que prendre cette taille de vêtements ne fut pas problématique. Les vêtements ont participé à ton avancée sur ton chemin.

– Oui. Je me suis clairement lâchée sur le shopping. Je me suis dit : « J’ai le droit ! Je suis en train de faire une thérapie pour aller mieux mentalement et physiquement. Je me félicite, je me récompense, je célèbre ça ! ». Ça a même été important de prendre, parfois, des tailles au-dessus de ma taille, juste pour être confortable. C’était le cas et ça l’est toujours : quand je me sens serrée dans un vêtement, ça fait remonter en mois des pensées de restriction. À côté de ça, le fait d’être OK avec la forme de mon corps, quelle qu’elle soit, ça m’a permis de me dire : « Je m’habille comme j’en ai envie. Je mets ce qui me plaît. Si ce n’est pas forcément ce qui me « va », entre guillemets, selon les codes de la mode, et bien tant pis. ». J’avais vu un live de Nicolas Sahuk sur Instagram, dans lequel il parlait de ça. Il est diététicien spécialisé dans les TCA et ça avait été une vraie révélation pour moi, de me dire : « mettons des fringues dans lesquelles on se sent bien ».

– Hé oui, tant qu’à faire ! Ce sont des choses qui tombent presque sous le sens… Mais je comprends ! J’ai, moi aussi, vécu dans des vêtements inconfortables parce que c’était ce qu’il fallait porter, ou parce que quand même, je ne pouvais pas acheter une taille plus grande… Qu’est-ce qu’on ne va pas s’infliger !


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La cuisine et la nutrition bienveillante de l’alimentation intuitive

– Hé oui… Pour moi, ça a beaucoup joué. Il y a eu quelques rendez-vous avec Sofia pour lesquels je préparais en amont une petite liste. Je notais les problématiques rencontrées, que ce soit en lien avec le cycle de restriction-compulsions de mon anorexie d’adulte, ou avec mon rapport au corps, on travaillait dessus et elle me proposait des exercices. Ce n’était jamais des solutions, elle proposait toujours des exercices ou des pistes de réflexions. J’ai notamment été confrontée à une problématique, qui est : cuisiner soi-même sa propre nourriture. Ça n’a jamais été un plaisir pour moi. Par contre, c’était quelque chose de très présent dans ma famille. Manger sain, ça signifiait aller au marché, acheter ses légumes et cuisiner soi-même. Pour moi, faire la cuisine, c’est comme faire le ménage. À la fin, je suis contente de manger quelque chose que j’ai préparé et qui est bon, mais sur le coup, ça m’ennuie. Je ne savais pas comment intégrer cette idée de « devoir faire la cuisine », entre guillemets.

– C’était comme une injonction que tu te mettais.

– Exactement. En plus, je culpabilisais par rapport à mon fils. J’avais toutes les injonctions de la maternité qui me disaient : la diversification alimentaire, c’est important, ton bébé doit manger des légumes bio, etc. Je l’ai fait, au début ! J’ai préparé des purées, mais je n’y prenais pas de plaisir. Là encore, c’est Sofia qui m’a fait cheminer et déculpabiliser là-dessus. Elle m’a fait comprendre que l’important, c’est la diversité. Pour les enfants, ce qui est important, c’est de donner accès à tout. Si, chez moi, il mange des plats soit hyper simples et que, chez mes parents, il mange de bons légumes, il n’y a pas de problème. L’important, c’est la diversité.

– Exactement ! 😊 Cf ce que nous avions évoqué avec Amélie, au sujet de l’équilibre alimentaire qui se fait sur une vingtaine de repas. Je reste marquée pour ça ! Ça n’a pas besoin d’être parfait tout le temps, tous les jours, à chaque repas.

– Voilà. L’important, c’est que l’enfant ait accès à tout. Si, enfant, tu n’as pas eu accès aux légumes, une fois adulte, ton corps ne saura pas en avoir envie. J’avais cette culpabilité énorme par rapport à mon fils, qui s’est finalement dissoute. Il en est de même pour moi, par rapport au principe de nutrition bienveillante de la thérapie d’alimentation intuitive. Il dit, en gros, que c’est bien de manger des aliments qui sont bons pour la santé. Actuellement, je suis encore dans cette période où « manger sain », entre grosses guillemets, des produits non-transformés, cuisinés par moi-même, etc., demeure du domaine de l’injonction. Pour le moment, je suis encore en mode « rebelle ». Je suis encore dans cette phase dans le sens où, chez moi, je n’ai pas envie de cuisiner des légumes. Mais je sais que ça va beaucoup mieux dans mon rapport à l’alimentation notamment grâce aux restaurants. Avant, quand j’y allai, je prenais le plat que je m’interdisais en temps normal.

– C’était l’occasion. 😊

– C’est ça. Maintenant, quand je suis au restaurant et que je vois, par exemple : « légumes grillés et assaisonnés », je me dis : « Ah chouette ! ». C’est l’occasion de manger des légumes que je ne me serais pas embêtée à cuisiner moi-même et qui vont être super bons. 😊 Il y a quelques années ou même quelques mois auparavant, ça aurait été impossible. Au resto, je prenais la pizza 4 fromages ou les pâtes à la carbonara. Maintenant, c’est le plat aux légumes qui me donnent envie. Ça fait donc 6 mois et je me rends compte que mon comportement se régule de lui-même. Ça, c’est top. À côté de ça, j’ai bien suivi les 3 ou 4 repas par jour au début. Après, j’ai un peu lâché l’affaire parce que je me suis rendu compte que manger, pour moi, représentait une certaine charge mentale que je n’avais pas avant. Avant, le petit-déjeuner, c’était un café et basta. Idem pour le déjeuner. Je mangeais un fruit et un yaourt et c’était réglé. Du coup, pour moi, c’était une vraie charge mentale de devoir trouver quelque chose à manger. Ceci étant, je n’ai pas repris mon alimentation d’avant, car je n’ai plus de compulsion alimentaire.

– C’est la question que j’allai poser. 😉


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S’autoriser des placards pleins pour rassurer son anorexie d’adulte

– J’ai réglé le principal problème pour lequel je consultais. Maintenant, je m’autorise vraiment tout. Avant, j’avais tendance à m’enfiler le paquet entier de Kinder© tous les soirs. Maintenant, j’arrive à en manger 2 ou 3, tous les soirs si j’en ai envie, le matin si j’en ai envie, le midi si j’en ai envie… J’arrive à réguler ça.

– Je me permets de spécifier que ce n’est pas « je ne manque que ». Non, c’est « je mange 3 Kinder© et après je n’en ai plus envie ». Ce n’est même pas une intention, c’est juste que ça se fait.

– C’est ça. Sofia me demandait si j’y arrivais naturellement. J’ai répondu que ce n’était pas totalement naturel dans le sens où il fallait que je me pose des questions. Est-ce que j’en ai encore envie ? Est-ce que ma tête en a envie, mais mon corps n’en a pas envie, ou pas forcément besoin, en tout cas ? Ça a été longtemps le cas. Longtemps, j’ai mangé beaucoup trop de Kinder© le soir, parce que ma tête en avait besoin, à cause de toute la frustration accumulée durant les 15 dernières années. Après plusieurs mois de repas réguliers, mes sensations de faim et de satiété sont redevenues normales, je pense. Je les écoute. Le dîner du soir est un repas comme les autres, qui ne part pas en vrille et en compulsions alimentaires. Ça m’a aussi beaucoup aidé d’avoir, chez moi, mes placards pleins de choses interdites auparavant. Chez moi, c’est le rayon confiserie de l’épicerie : il y a 15 boîtes de Kinder©, il y a des Oreo© en veux-tu en voilà… Ça me rassure de me dire qu’il y en a à gogo, que je peux en manger quand je veux et qu’il n’y aura pas de manque. Je pense que ça, c’est vraiment lié à cette période d’adolescence durant laquelle on n’achetait pas ces trucs-là. La rareté crée le désir.

– Alors que là, c’est là et donc ça te rassure. Ça ne va pas manquer.

– Même si ma tête sait que le supermarché est à 5 min et qu’il y en aura toujours là-bas, j’avais besoin d’avoir du stock chez moi pour me rassurer.

L'alimentation intuitive pour guérir de l'anorexie d'adulte

La disparition des maux de ventre grâce à une réalimentation bienveillante

– Et quid des maux de ventre ?

– Ah oui ! Alors ça… C’était presque une blague. À partir du moment où j’ai recommencé à m’alimenter normalement et régulièrement, et bien, quoique je mange, finalement, ça allait. Lors de la première consultation que nous avons eue, Sofia m’a expliqué qu’autour du tube digestif, il y a des muscles. Ils travaillent quand on digère. Quand tu ne manges pas de la journée, ces muscles ne travaillent pas. Quand tu leur infliges ensuite une grosse compulsion alimentaire, ça fait too much pour eux. Il m’a expliqué qu’il est important de manger régulièrement parce que, d’une part, ça donne du carburant au corps, et d’autre part, ça refait travailler ces muscles.

– C’est comme une rééducation, en fait.

– Exactement.

– Ça a du sens, oui. 😊

– J’ai donc rééduqué ces muscles avec mes repas réguliers pendant les premiers mois et finalement… tout passe. Je n’ai plus de douleurs inexpliquées. Tout ce qui était dans ma liste d’intolérance, ça passe sans problème. J’ai juste appris à trouver ma limite entre mes envies et l’inconfort digestif que ça peut provoquer si j’abuse.

– Si tu vas au-delà de ce que ton corps peut digérer… Je vois. C’est là que le concept de nutrition bienveillante, mais… comment dire ? Vécu par soi-même, vient nous aider à réguler, mais par les sensations et les envies et non pas par l’injonctif ou un contrôle mental.

– C’est ça.

Anorexie d’adulte et alimentation intuitive : le mot de la fin

– Je suis en train de voir qu’on va bientôt devoir se quitter. Est-ce qu’il y a une dernière chose que tu souhaiterais partager ? Y a-t-il un message que tu ne veux surtout pas oublier, ou sur lequel tu aimerais insister ?

– S’il y a une chose que j’aimerais dire, c’est qu’actuellement, on parle beaucoup d’alimentation intuitive. C’est très à la mode. Du coup, il faut se méfier de ce qui est dit. L’alimentation intuitive, ce n’est pas « je mange à ma faim, ce que je veux et je m’arrête quand je n’ai plus faim ». C’est bien plus complexe que ça, bien plus large. Il y a tous les concepts de grossophobie et de patriarcat autour. Quand j’entends des influenceuses fitness qui disent « J’ai le corps parfait et pourtant, je mange de façon intuitive », ça me rend folle…

– Attention, alerte, alerte !

– Voilà ! Ce n’est pas ça, la vraie thérapie d’alimentation intuitive. C’est vraiment une psychothérapie. Mon message, ce serait donc de se méfier de l’alimentation intuitive telle qu’on l’entend partout. J’aimerais aussi dire que moi, cette thérapie m’a permis de devenir vraiment qui je suis, en fait. Elle m’a permis d’oser, d’oser m’affirmer, d’oser m’imposer. Il y a une chanson d’Orelsan je crois, qui dit : « J’ai mis 35 ans à trouver qui je suis », ou quelque chose comme ça. Moi, c’est pareil. J’avais sûrement fait beaucoup de chemin de façon sous-jacente. Mais ça a vraiment été le déclic qui m’a permis de prendre ma place en tant que personne, en tant qu’être humain sur cette Terre et de ne plus me considérer juste comme la jolie fille mince. Ça m’a permis de réaliser que je suis beaucoup plus que ça et que j’ai beaucoup plus à apporter au monde. Ce fut vraiment une révélation, un vrai travail de psychothérapie, mais si je suis rentrée par la porte alimentaire du process.

– Je te remercie beaucoup Carole, pour ce partage très inspirant. Est-ce que c’est OK pour toi d’échanger avec les personnes qui nous écoutent, si elles le souhaitent ?

– Oui, bien sûr, c’est possible via mon compte Instagram. Je n’y parle pas d’alimentation intuitive, mais plutôt de mon activité de yoga ou de ma vie perso. Si des personnes souhaitent échanger, ce sera avec plaisir ! 😊

– Merci beaucoup et merci encore d’avoir fait cette heure de voiture. J’aime beaucoup vous rencontrer de visu. 😊

*

Nous voici à la fin du témoignage de Carole. J’en retiens entre autres tout l’espoir qu’elle nous transmet. Oui, il est possible d’aller mieux, de se sortir de la spirale des troubles des conduites alimentaires, même après 15 ans de lutte. Si vous désirez être accompagné·e dans votre chemin pour se réconcilier avec votre alimentation, je vous invite à découvrir mon accompagnement Indépendance Cannelle.


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