Bienvenue dans ce nouvel article de mon podcast sur l’alimentation, « La pleine conscience du pouvoir ». Aujourd’hui, nous allons parler d’alimentation émotionnelle, autour du témoignage d’Hortense. À 32 ans aujourd’hui, elle accompagne des femmes qui vivent, tout comme elle l’a vécu elle-même, une relation compliquée avec leur alimentation. Elle a été élevée dans l’idée que les émotions se mangent et que donner de l’amour passe par la nourriture. À l’adolescence, alors qu’Hortense n’avait pas de problèmes de poids, elle a baigné dans des « interdits », des « attention, tu vas prendre du poids » qui ont continué à installer cette relation troublée avec son alimentation. Arrivée au lycée, alors que son poids était normal, Hortense a commencé à vouloir en perdre. Le premier régime a marqué le début de phases de restriction et de lâchage, qui sont le lit de la restriction cognitive. Entre isolement, solitude, personnage qu’elle s’invente, carapace, puis travail sur l’amour de soi, Hortense a expérimenté beaucoup de choses pour pouvoir dire qu’elle a quitté l’alimentation émotionnelle. Aujourd’hui, elle explique que son corps, capable de fabriquer un bébé, a attendu qu’elle soit capable de l’écouter et que désormais ils sont là l’un pour l’autre. Je vous laisse découvrir notre échange…
« J’ai été éduquée avec cette notion d’alimentation pour gérer ses émotions. »
« J’ai commencé à avoir ce truc de « Je me restreins la semaine » et puis le week-end, avec cette fameuse « réserve hebdo », j’en profite. »
« J’ai fait une dépression et j’ai commencé à manger, à manger, manger, manger, manger, manger… »
« Je m’étais résignée et je me suis construit une personnalité de « rigolote » ».
« En fait, avoir du poids en plus, ça me protégeait. J’avais peur, j’avais vraiment peur. »
« Je me suis sentie très isolée et très seule. Et différente, très différente aussi. »
« J’ai commencé à entamer un travail d’amour de moi. »
« Notre corps est extraordinaire, en fait. Ce n’est pas notre ennemi, c’est un allié. Il est puissant mon corps. »
Extraits du témoignage d’Hortense
La rencontre de 2 femmes autour de la réconciliation avec la nourriture
- Bonjour Hortense, je suis ravie de t’accueillir dans ce nouvel épisode de mon podcast sur l’alimentation. C’est un plaisir que tu viennes partager avec moi, avec nous, le témoignage de ta relation compliquée avec la nourriture et notamment de la place de l’alimentation émotionnelle dans ta vie. Pour te présenter un peu, je commence par dire que nous nous sommes connues lors d’un coaching sur l’entreprenariat, animé par Aline Bartoli de la BSB Académie. À cette occasion, nous nous sommes vraiment liées parce qu’on s’est rendu compte que nous avions des objectifs communs dans notre travail de coaching. Nous travaillons toutes les deux sur la relation avec l’alimentation. Très vite, nous avons commencé à parler de notre propre relation à l’alimentation et, du coup, à se rapprocher – même si nous sommes loin géographiquement. 😉 Nous nous sommes rapprochées en raison de l’intention que nous avons dans notre travail. Je te remercie beaucoup d’être là aujourd’hui, Hortense ! Est-ce que tu veux bien te présenter aux personnes qui nous écoutent ?
- Bien sûr ! Bonjour Anne, déjà. 😊 Et merci beaucoup de m’avoir proposé de témoigner car c’est quelque chose que je suis contente, aujourd’hui, d’être capable de faire… et même d’en avoir envie. J’ai une grosse histoire avec le poids et l’alimentation, donc je suis heureuse de pouvoir témoigner. Ça prouve que j’en suis d’une certaine façon libérée, ou en tout cas que ce n’est plus un problème comme ça l’a été. Ça, c’est vraiment chouette. J’ai 32 ans, j’habite loin, car j’habite au Texas, à Houston, depuis 2 ans. Nous sommes partis avec mon mari, pour son travail. J’étais infirmière avant, en France. Dans mon parcours professionnel, j’ai travaillé à l’hôpital, puis en entreprise. En travaillant dans une grande entreprise, j’ai eu beaucoup de contacts avec les salariés. J’ai vu beaucoup de souffrance au travail, beaucoup de mal-être personnel aussi et un grand besoin d’écoute. J’aimais beaucoup le développement personnel mais c’est là que j’ai commencé à goûter au coaching. J’ai profité de notre déménagement aux États-Unis pour me former au coaching de santé et au coaching de vie. Ça fait maintenant un peu plus d’un an que j’ai créé mon entreprise. Depuis à peu près 6 mois, j’accompagne des femmes à perdre du poids en travaillant sur leur relation à l’alimentation, en retrouvant une connexion à leur corps, à la faim, à la satiété, etc. Je les aide à mettre de côté tout ce qui est régime et « se taper dessus » pour retrouver de l’amour de soi et une forme de bien-être et d’acceptation de qui on est, pour avancer comme ça. Enfin, ce que je peux rajouter à mon sujet, c’est que j’attends un bébé. J’en suis à 6 mois de grossesse. C’est important, parce que ça va vraiment changer mon identité. Je vais devenir maman, car c’est le premier. Voilà ce que je peux dire sur moi !
- J’ai envie de préciser que nous enregistrons cet épisode début mai 2021, même s’il sera diffusé un peu plus tard… donc lorsque vous écouterez ce podcast ou lirez cet article : tu seras sans doute déjà maman ! Je reviens à ce que je disais au sujet de ce qui nous a rapprochées, à savoir cette intention de réconcilier. Nous souhaitons aider les femmes à se réconcilier avec leur image corporelle, avec leur relation avec l’alimentation et avec leurs sensations. Nous poursuivons toutes les 2 ces objectifs-là. Passons maintenant à ton histoire ! Tu parlais d’un long parcours (Enfin je ne sais pas si tu as dit « long », mais c’est comme ça que je l’ai traduit !) dans ta propre relation avec la nourriture. Est-ce que tu veux bien partager ça avec nous ?
La genèse de ma relation compliquée avec l’alimentation
L’enfance et les débuts d’une relation compliquée avec l’alimentation
- Je vais procéder de façon chronologique. Je pense que, de manière générale, j’ai été éduquée avec une notion d’alimentation pour gérer ses émotions. Je me souviens, que petite, quand mon père, qui est pédiatre, devait me prodiguer un vaccin, c’était une catastrophe à la maison. Il fallait me courir après et j’avais une carotte : ma mère me donnait un Snickers© après, pour me féliciter et pour me réconforter d’avoir eu mon vaccin. Il y avait vraiment quelque chose de cet ordre-là. Ma mère utilisait beaucoup l’alimentation pour donner de l’amour. Quand j’étais triste, elle allait m’acheter quelque chose à manger. Ça fonctionnait beaucoup autour de ça, j’ai reçu cette éducation dans l’enfance… mais sans avoir particulièrement de problème de poids étant petite. Je pense que j’arrivais à suivre mon corps. Je pouvais avoir cette notion de plaisir, d’alimentation émotionnelle, mais ce n’était pas quelque chose qui prenait des proportions au point de trop manger ou ce genre de choses.
Le lycée et l’arrivée de l’envie de perte de poids
- Puis, au lycée, pour des raisons esthétiques, j’ai voulu perdre du poids. Ce fut une nouvelle étape dans ma relation compliquée avec la nourriture. Je n’avais pas de problème de poids, mais à l’époque je commençais à me trouver trop grosse. Je pense que je me comparais beaucoup aux corps des autres, je faisais beaucoup attention à ça. Au self du lycée, il y avait des Snickers©, des Kinders Bueno©, etc. que nous pouvions manger. Je me souviens que, quand j’en prenais, je me cachais parce que j’avais honte. J’avais peur que les gens se disent « Olala elle n’a pas besoin de ça ! ». Alors que, quand je regarde des photos de l’époque, je vois bien que mon corps était vraiment normal. Je n’avais aucun surpoids. Mais moi, je n’étais pas bien dans ma peau. Je me suis donc lancée dans mon premier régime. J’ai démarré avec Weight Watchers© et j’ai perdu une dizaine de kilos. J’étais vraiment mince, du coup. Je pense qu’avant, j’étais dans le haut de la courbe normale. Là, j’étais vraiment passée dans le bas de cette courbe. Mais je ne me sentais pas mieux dans mon corps ni avec mon image de moi. J’ai commencé à rentrer dans l’engrenage du contrôle, des régimes, avec des idées du type : « Je me restreins la semaine, et puis le week-end, avec cette fameuse « réserve hebdo » de Weight Watchers©, j’en profite. » Je me disais : « Il me reste des points dans ma réserve hebdo donc il faut que je les mange ». Je n’avais pas faim, je n’en avais pas envie, mais il « fallait » que je les mange, parce que j’y avais droit. Ça commençait à vraiment embrouiller mon rapport à l’alimentation, en plus de l’éducation que j’avais reçue, qui favorisait l’alimentation émotionnelle.
La première année de médecine et l’apparition de ma phobie sociale
Isolement total
Puis, j’ai fini le lycée et j’ai commencé ma première année de médecine. Au premier partiel, au milieu de la première année, j’ai commencé à développer une phobie sociale. Ça m’a prise d’un coup, ça m’est tombé dessus, j’ai brutalement commencé à avoir des attaques de panique. Je ne savais pas ce que c’était. J’ai vraiment pensé que c’était d’ordre physiologique, que j’avais un problème, que j’étais en train de mourir… Je n’ai pas du tout mis ça sur le compte d’autre chose que : soit j’ai mangé un truc pas frais, soit je suis malade et j’ai un problème. Puis ça à commencer à se reproduire, de plus en plus. Ça a commencé à se fixer sur une peur de vomir en public. J’ai commencé à avoir cette phobie de vomir en public… et donc j’ai commencé à m’isoler. Petit à petit, j’ai arrêté d’aller au cinéma ou de voir des amis au restaurant ou même dans la rue. J’ai arrêté mes études. Pendant 6 mois je suis restée enfermée chez mes parents, à ne plus vouloir sortir ni voir personne. Là, j’ai fait une dépression et j’ai commencé à manger, manger, manger, manger, manger… C’était énormément de sucreries, de chocolat, de gâteaux, etc. J’ai pris 45 kilos, mais je ne sais pas sur combien de temps. Je pense que j’ai énormément pris pendant ces 6 mois-là, mais ça a continué à augmenter après. Cette période pendant laquelle je ne suis vraiment pas sortie de chez moi, où j’ai mangé mon mal-être, car j’étais vraiment très très mal, elle a duré 6 mois. Elle a installé un système dans lequel je ne gérais plus aucune émotion. C’était le paroxysme de l’alimentation émotionnelle, s’en était une forme extrême. Dès que ça n’allait pas, je mangeais, si bien que je mangeais, mangeais, mangeais… J’ai eu un traitement anti-dépresseur, ce qui n’a pas aidé pour la prise de poids, ça c’est sûr.
Retour à la vie et yoyo des régimes
Puis, grâce à la thérapie, j’ai recommencé à retourner dans la vie. Ça a débuté en janvier, jusqu’à l’été je suis restée chez moi puis j’ai recommencé à travailler à l’hôpital. Je faisais le ménage, j’avais une fonction d’aide-soignante… J’ai repris une première année de médecine. Je suis retournée un petit peu dans la vie, mais j’avais toujours ce mal-être et cette relation compliquée avec l’alimentation, très très compliquée. Je ne me nourrissais que de chocolat. Concrètement, je ne mangeais rien à table mais j’allai acheter à manger après. Mes parents ont été obligés… enfin je leur ai demandé de m’enlever ma carte bancaire, parce que je n’y arrivais pas. J’allai dépenser tout l’argent que j’avais dans la nourriture. En plus, je me cachais. Ça a été vraiment compliqué. Puis, je me suis remise à faire des régimes et, comme je suis très disciplinée et que j’ai une volonté de fer, j’arrivais facilement à perdre du poids. Je pouvais perdre 20 kilos, mais le problème c’est que je ne tenais pas très longtemps sur la durée. Je reprenais tout derrière. Pendant des années et des années, j’ai vraiment essayé tous les régimes que je pouvais trouver ou imaginer. J’avais toujours cet effet yoyo sur une vingtaine de kilos. Il s’agissait de gros yoyo. Je pouvais perdre vraiment très rapidement, comme 4 ou 5 kilos par mois. En 4 mois j’avais perdu 20 kilos, mais je les reprenais dans le mois ou les 2 mois suivants.
- Tu étais dans un yoyo très intense et très rapide, du coup !
La création d’un personnage comme armure protectrice
- Oui, c’était très rapide ! J’ai fait ça pendant… pendant très longtemps. Ça a duré pas mal d’années. J’ai raté le concours de médecine, je me suis beaucoup cherché, j’ai touché à beaucoup de choses, j’ai essayé d’autres études, j’ai arrêté… Mais j’avais toujours ce problème d’angoisse, de phobie sociale qui revenait. Ça restait compliqué pour moi et je pense qu’au bout d’un moment, j’ai commencé à être « mûre dans mes baskets », à être mieux dans ma vie. Je me suis notamment engagée dans une association avec laquelle on organisait des animations auprès des jeunes. Là, je me suis beaucoup épanouie, je me suis fait une super bande d’amis. Je pense que ça m’a bien aidée. Ça m’a aidé à accepter mon corps, mais, en fait, ce n’était pas une vraie acceptation. Je m’étais résignée et je m’étais construit une personnalité de « rigolote ». J’aimais bien être dans la provoc’, faire des blagues, être un peu crue, un peu vulgaire aussi. Je suis rentrée dans cette espèce de personnage que je m’étais créé pour, finalement, « faire passer la pilule » de mon corps que je n’acceptais pas du tout. J’ai commencé à perdre du poids et à ne pas en reprendre au moment où, quand même, je me suis plus épanouie dans ma vie. Ce qui a vraiment changé les choses, c’est quand j’ai commencé mes études d’infirmière, puis quand j’ai rencontré celui qui est devenu mon mari. J’ai commencé à me sentir mieux et à être capable de perdre du poids, mais j’avais encore des résistances. J’ai alors compris d’où venaient ces résistances et pourquoi ça avait pris cette forme-là chez moi. Il y avait un côté alimentation émotionnelle, mais il y avait aussi le fait que je me sentais protégée des autres en ayant beaucoup de poids. J’avais l’impression d’avoir une armure. Je voulais repousser les autres. J’avais une phobie sociale, donc j’avais vraiment peur de l’autre et j’ai mis du temps à comprendre d’où ça venait. En fait, il s’agit de quelque chose que j’avais complètement oublié. Je pense que mon cerveau avait fait un blocage. À l’adolescence, j’ai été abusée sexuellement par 3 de mes cousins. C’est quelque chose que je pense que j’avais oublié et je m’en suis rappelé des années après, en travaillant justement sur moi. En parallèle de tout ce qui était « perte de poids & régime », j’ai aussi fait un énorme travail sur moi en thérapie, pour comprendre, pour travailler sur mes angoisses. Je me suis beaucoup intéressée au développement personnel. J’ai ainsi compris que j’avais inconsciemment cette idée qu’avoir du poids en plus me protégerait. J’avais peur, en fait, j’avais vraiment peur et ça a eu un grand impact dans ma relation compliquée avec la nourriture. Je pense que de rencontrer mon mari et donc de pouvoir être un homme avec lequel je ne me sentais pas en danger, ça a pu être un déclencheur, qui m’a permis d’enfin perdre du poids sans le reprendre.
Le rôle de l’isolement et de la solitude dans mon alimentation émotionnelle
- L’image qui me vient, c’est que c’est comme si tu avais pu déposer les armes. Ça t’a permis de lâcher une partie de cette armure que tu avais construite petit à petit, non seulement avec le corps qui s’enrobe, mais aussi avec le personnage que tu jouais. Quand tu parlais de tout ce parcours, je me laissais transporter par toutes ses vagues que tu as traversées. J’ai l’impression, tu me diras si c’est à tort ou à raison, qu’il y avait beaucoup de solitude, lors de cette traversée. Il y avait des accompagnements, tu as commencé à évoquer ces personnes autour de toi, mais ça me laisse une impression de solitude.
- Oui, je pense en effet qu’il y a eu beaucoup de solitude. Je me suis coupé des autres lorsqu’est apparue ma phobie sociale… et quand ils m’ont revue, quand je suis sortie de ma grotte, j’avais pris 45 kilos. Ils ne m’ont pas reconnue. J’ai eu beaucoup de remarques, de « Tu te laisses aller ! », « Qu’est-ce qui t’est arrivé ? », « Ce n’est pas possible, fais quelque chose, réagis ! ». J’ai beaucoup entendu ça. Au sein de ma famille, j’ai beaucoup eu l’impression de déranger. Ce sont mes pensées, ce n’est que mon impression, mais j’avais le sentiment, de la part de ma famille éloignée, les oncles, tantes, cousins, cousines… que, lorsqu’ils me voyaient, une forme de gêne s’installait. C’était tellement visible que ça n’allait pas. J’avais tellement changé physiquement que je pense que je mettais mal à l’aise les gens, parce qu’ils ne savaient pas quoi me dire. Un peu comme s’ils pensaient : « On ne va pas lui demander comment ça va, on ne va pas trop être en contact avec elle parce qu’on ne sait jamais, elle pourrait s’effondrer. On ne sait pas comment elle va réagir, on ne sait pas si on pourra gérer ».
- Je ne sais pas si c’est ça qu’il se passait, mais ça me fait penser à ces situations, au sein des familles, où on a « un éléphant au milieu de la pièce ». C’est quelque chose d’hyper visible, mais personne ne le nomme, parce que ça fait peur.
- Oui, c’est vraiment ça que je ressentais. La seule réponse qui m’a été donnée, à chaque fois, ressemblait à : « Tu n’as qu’à faire un régime ». Je recevais beaucoup de remarques, pendant les repas de famille, du type : « Tu n’as pas besoin de ça » lorsque je me resservais. Je me suis donc fermée, je me suis éloignée. Quand je parlais de ce groupe d’amis, avec lequel j’ai créé le personnage, je ne me sentais pas jugée et là j’ai commencé à être moins isolée. Mais au sein de ma famille, je l’étais. Tous les amis que j’avais avant ça, je les ai perdus. J’avais l’impression d’être rejetée, de gêner. Vraiment, j’avais cette impression de gêner. Et puis… j’ai parlé à mes parents de ce qui m’était arrivé à l’adolescence et rien n’a été fait. Je pense que ça aussi, ça a créé une cassure. J’ai eu l’impression que ce n’était pas grave, qu’on s’en fichait, qu’il ne fallait pas trop créer de vague…
- Ça sonnait un peu comme un « Tu ne vas pas encore être gênante ! ». C’est bien ça ?
- Oui. Et puis il y avait un côté « c’était il y a longtemps », aussi…
- Il y a une minimisation, ou une banalisation, finalement, de ce qu’il t’était arrivé.
- C’est vraiment le sentiment que j’ai eu. J’en ai déjà reparlé avec eux et mes parents me disent que non, qu’eux auraient voulu les tuer. Mais le fait est qu’ils n’ont rien fait. Je pense que tout ça a fait que oui, je me suis sentie très isolée et très seule. Et différente, très différente aussi, que ce soit physiquement ou même psychiquement. J’avais le sentiment que ce que j’avais traversé, que ce que je traversais, les gens ne pouvaient pas le comprendre. Ça se voyait sur mon corps, mais ce qu’il se passait dans ma tête, ça ne se voyait pas. J’avais aussi cette impression d’être la même… si bien que je me disais « Mais on m’aimait avant, j’avais des amis, j’étais bien dans ma famille. Hortense, elle est là… ». C’était comme si mon corps à lui seul pouvait faire que j’étais une personne différente et je trouvais ça très dur, tout autant que de subir les effets de ces mois d’alimentation émotionnelle.
- Tu disais même, juste avant que lorsque tu es sortie de ta grotte, ils ne t’ont plus reconnu. Pourtant, c’était bien toi, en fait.
- Oui, j’étais toujours la même.
La découverte de l’amour de soi et de la nécessité de manger à sa faim
- Nous en étions à ce moment où tu as réalisé ce qu’il t’était arrivé adolescente, grâce à ton travail thérapeutique. Tu parlais de la façon dont tu as avancé aussi de manière autonome, d’après ce que je comprends, que ce soit pour ta relation compliquée avec la nourriture, ou pour ta gestion des émotions et de tes peurs. Après, qu’est-ce qu’il s’est passé ?
- En fait, ça, c’est quelque chose dont je n’ai rien fait. J’ai compris ce qu’il s’est passé, mais je n’en ai rien fait. C’est encore dans ma tête d’en faire quelque chose. C’est important pour moi d’en parler ici, parce que je commence à en parler et tant pis si des gens de ma famille écoutent. Tant pis, je n’ai pas à avoir honte. Je suis encore en travail là-dessus. J’ai fait la paix avec le fait que le poids n’allait pas me protéger. C’était dans ma tête, c’était une croyance que j’avais, mais ce n’était pas la réalité. C’est rigolo d’ailleurs (enfin, « rigolo »…) : j’ai travaillé en tant qu’infirmière aux urgences médico-judiciaires à Paris, au service des victimes d’agressions sexuelles et de viols. Je trouve que c’est… intéressant que ça m’ait aussi conduit là professionnellement. Je me suis rendu compte que ça n’avait rien à voir avec l’enveloppe corporelle. J’ai pu me dire : « Là je me fais du mal à moi-même et je ne suis pas moi-même. Ce n’est pas moi d’être ce clown ». J’aime bien rigoler, mais ce n’était pas moi, ce personnage. J’ai eu envie de me sentir libre, car je ne me sentais pas libre. Je ne me sentais pas libre d’être qui je voulais être, car j’avais un besoin de m’excuser d’avoir cette enveloppe corporelle. Je n’étais pas qui j’avais envie d’être, physiquement et dans ma personnalité. Petit à petit, j’ai commencé à entamer un travail d’amour de moi. Avec des régimes, j’avais perdu suffisamment de kilos pour passer à autre chose. J’étais encore en surpoids, mais ça allait. J’avais perdu 40 ou 35 kilos, je ne sais plus, mais en tout cas je les avais perdus. J’avais perdu beaucoup de poids, je ne les reprenais pas, j’arrivais à être stable. Mais, j’étais toujours au régime, j’étais toujours dans le contrôle. À ce moment-là, le travail que j’ai commencé à amorcer, c’est celui de me lâcher la grappe. J’avais envie d’arrêter d’être dans le contrôle, dans le calcul… Pourquoi il y a autant de personnes qui peuvent manger des pains au chocolat et avoir une corpulence « normale » (avec de gros guillemets !) ? Ça veut dire que le problème n’était pas là, ce n’était pas le chocolat. J’ai alors commencé à réfléchir sur les notions d’alimentation émotionnelle et d’alimentation intuitive et sur la possibilité de manger quand j’ai faim et de m’arrêter de manger quand je n’ai plus faim. C’est incroyable, mais le jour où j’ai lu ça, qu’en fait on mange alors qu’on n’a pas besoin de manger, qu’on n’a pas faim, je me suis dit « ben oui, en fait c’est logique ». Mais je n’y avais jamais pensé ! Je ne m’étais jamais dit qu’on peut manger quand on a faim et arrêter de manger quand on n’a plus faim…
- Et oui ! C’est tellement simple et en même temps… personne ne nous le dit ! J’entends souvent ça chez mes clientes : « Mais pourquoi on ne me l’a pas dit avant, que c’est aussi simple que ça ! ». Je ne dis pas que c’est simple dans la pratique, bien sûr, mais dans le concept.
L’écoute de mon corps et l’acceptation de mes émotions
Devenir experte du fonctionnement de mon corps
- Oui, dans le concept c’est hyper simple et c’est hyper logique. Je n’arrive pas à retrouver le mot en français, mais en anglais je dirais « mind blowing ». C’était comme si, tout d’un coup : pouf ! « Ah mais oui bien sûr, c’est ça ! C’est ça qu’il faut faire ! » C’est là que j’ai commencé à me reconnecter à mon corps, à l’écouter. J’ai commencé à me poser des questions : « Est-ce que j’ai faim ? Est-ce que je n’ai pas faim ? ». J’ai pu comprendre des choses aussi : « Tiens, si là je mange alors que je n’ai pas faim, il se passe ça… ». Ça reste une démarche pour laquelle je suis encore en chemin. Ce n’est pas toujours simple. Manger quand j’ai faim, ça c’est facile. Mais m’arrêter de manger quand c’est très bon et que je n’ai plus tout à fait faim, là c’est un petit peu compliqué, parfois. 😉
Ne plus manger mes émotions
Ça se fut la première étape, la seconde se fut de comprendre pourquoi je mangeais et que manger ne réglerait pas ma tristesse ni mes problèmes. Ça les règle sur le moment car tout à coup je ressens du plaisir et je m’évade. Si l’alimentation émotionnelle existe, c’est parce qu’en mangeant un gâteau, on a l’impression d’être bien. Mais, sur du long terme, ce n’est plus ce rapport-là que je voulais avec la nourriture. J’ai appris à vivre mes émotions pour pouvoir sortir de cette relation compliquée avec l’alimentation. J’ai appris à ne plus en avoir peur, à me dire que c’est OK de ressentir tout ça. J’ai accepté que la vie, ce n’est pas tout le temps drôle. Nous ne sommes pas faits pour être heureux tout le temps, mais ce n’est pas grave. Il y a eu comme une acceptation du fait que ça fait partie de l’expérience humaine, de ne pas se sentir bien par moments. Le fait de ne plus en faire un drame, de ne plus paniquer quand je ne me sens pas bien, quand je ressens de l’angoisse ou du stress, etc., ça fait du bien. J’ai pu me dire « Oui là tu as peur, mais c’est normal enfin ! Tu vas faire quelque chose de nouveau ! C’est normal, ce n’est pas grave ! ». Ça ressemble à ça, la posture de dédramatisation que j’ai pu adopter. Je pense que ça, c’est ce qui m’a permis, petit à petit, de m’apaiser dans mon rapport à l’alimentation. Aujourd’hui, ce n’est plus un problème et ça, c’est génial. Je n’éprouve plus de culpabilité à manger certaines choses. J’ai vraiment l’impression d’avoir retrouvé de la liberté par rapport à ça.
Constater l’avancée de mon travail sur moi lors de ma grossesse
Je m’en suis particulièrement rendu compte au début de ma grossesse. J’ai eu un épisode un peu dépressif. Le premier trimestre n’était pas facile. Mais je l’ai accepté et c’est là que j’ai réalisé que j’avais vraiment fait du chemin. J’ai eu peur, car je me suis retrouvée dans des états du type : « Je n’ai plus goût à rien et je suis là à pleurer dans mon canapé sans savoir pourquoi ». J’ai eu vraiment peur, je me disais « Oh non non ça ne peut pas recommencer ! ». Je savais que ça peut arriver, au premier trimestre, à cause des hormones, etc. Je le savais, que c’était quelque chose qui pouvait arriver, mais j’avais peur quand même. Finalement, de me permettre de me dire : « Aujourd’hui, c’est comme ça et ça ira peut-être mieux demain. », ça m’a évité de m’enfermer là-dedans. Voilà, j’ai arrêté les régimes pour écouter mon corps et j’ai compris que j’ai des émotions et que les ressentir n’est pas un drame. Je travaille encore à tout cela et je ne suis pas sûre qu’un jour ce sera complètement fluide tout le temps. Mais ça m’a vraiment permis de me libérer par rapport à l’alimentation et de comprendre les bénéfices qu’il y a à vraiment m’intéresser à ce qu’il se passe dans ma vie.
- Je repense notamment à ces crises d’angoisse et à cette période où tu as fini par te carapater totalement dans ta grotte, tellement toutes ces peurs étaient insurmontables. Maintenant, tu es en train de nous expliquer que « parfois, j’ai peur, mais c’est normal puisque je fais quelque chose de nouveau ». On voit tout le chemin parcouru, depuis cette peur paralysante, qui s’infiltrait partout dans ta vie, jusqu’au fait de pouvoir l’accueillir complètement ! Je suis tout à fait d’accord avec toi : bien sûr que, dans les émotions, il y en a que nous avons parfois du mal à vivre. La nourriture peut nous aider dans ces moments-là et ce n’est pas grave, à partir du moment où nous sommes conscients que c’est ça qu’il se passe et que c’est un phénomène normal. Qu’est-ce qui t’a accompagnée, dans ce cheminement ? Est-ce toi qui a fait tes recherches et trouver des ressources ? Comment t’y es-tu prise ?
Les ressources utilisées pour mieux vivre l’alimentation émotionnelle
- Les thérapies comportementales et cognitives que j’ai suivies pendant pas mal d’années ont joué un rôle. Ça, c’était au début. Après, je dirais que pour tout ce qui concerne la gestion des émotions, et donc l’alimentation émotionnelle, ainsi que l’idée de manger quand j’ai faim, de m’arrêter de manger à satiété, etc., il y a eu 2 ressources. Ça vient d’une part de moi seule et de mes recherches et lectures (J’ai toujours adoré lire et apprendre toute seule !). D’autre part, je pense que ça vient aussi de ma formation au coaching de santé, aux États-Unis. Ce fut l’un des premiers concepts qui nous a été appris. C’était il y a 2 ans et c’est là que j’ai entendu parler d’alimentation intuitive. J’ai suivi des personnes sur les réseaux sociaux autour de l’amour de son corps. J’ai participé à des « Love your body challenges », des expériences comme ça. Quand nous venions d’arriver à Houston, nous avons logé dans un hôtel les 2 premiers mois. C’est là que j’ai commencé à faire des challenges dans lesquels j’expérimentais des choses pour avancer vers la fin de ma relation compliquée avec l’alimentation. Par exemple : « aujourd’hui, je mange absolument ce que je veux, mais uniquement quand j’ai faim ». Ce jour-là, je me souviens d’avoir eu dans les mains un paquet de Kit-Kat© au thé vert. C’est une passion chez moi, les Kit-Kat© au thé vert et c’est très dur à dégoter ! Mon mari en avait trouvé et m’en avait acheté. J’avais donc ça dans les mains, j’étais hyper excitée : « Aujourd’hui, je vais manger des Kit-Kat© au thé vert et si je veux ne manger que ça, je ne mangerai que ça et c’est trop cool ! ». Je me souviens d’avoir attendu la faim qui ne venait pas. Dans l’après-midi, je voulais en manger, et j’attendais : 3 h, 4 h, 5 h… « Merde, je n’ai pas faim ! Je VEUX manger mes Kit-Kat© ! ». Comme je l’ai dit, je suis obstinée et disciplinée donc je voulais faire ça sérieusement. Finalement, j’en ai mangé un en fin de journée et, au bout d’un, je me suis dit « Et bien… Je n’en veux plus en fait. ». Là, j’ai ressenti de la déception. Ce qui m’a vraiment le pied à l’étrier par rapport à ce sujet, c’est la formation au coaching. Elle m’a initiée à des concepts, elle m’a mise en contact avec des personnes qui avaient suivi cette formation et qui avait leur business, qui créaient des challenges auxquels j’ai pu participer, etc. Je pense que c’est comme ça que ça a démarré, pour tout ce qui touche au rapport à l’alimentation.
- J’entends vraiment ta curiosité à essayer des choses, à te challenger, à te dire « Allez, je vais au bout de l’expérience parce que je me suis engagée ! ».
- Oui, j’expérimente beaucoup. Après, via Esther Taillifet, j’ai découvert « Les lois de l’obésité » du Dr Jason Fung. Ce livre m’a beaucoup intéressé, ainsi que mes recherches sur la dopamine et les hormones. J’ai beaucoup expérimenté sur moi-même, par exemple en arrêtant totalement le sucre pour voir ce que ça donnait. J’ai affiné certaines observations : il ne s’agissait plus seulement de faim et de satiété, je pouvais également déterminer les différentes faims que je ressentais. Ainsi, j’ai pu observer que si j’avais mangé beaucoup de sucre, 2 heures après je ressentais quelque chose que j’apparentais à de la faim et j’ai pu comprendre ce que c’était. Il y a eu cette démarche presque scientifique pour comprendre mon corps, comprendre ce qu’il se passait. J’avais envie de faire du bien à mon corps et là, je comprenais ce qu’il se passait dans des situations du type : « Je ressens une sensation, elle est désagréable, mais je sais ce que c’est. Ce n’est pas que mon corps a besoin que je mange, c’est juste que j’ai mangé 3 Kinder Bueno© d’un coup et par conséquent, j’ai cette sensation qui arrive. ». J’ai pu réaliser que j’avais extrêmement soif après avoir mangé beaucoup de sucre, par exemple. J’ai vraiment essayé d’expérimenter au maximum pour être la plus experte possible de mon corps, pour être hyper au clair avec ce qu’il se passe à l’intérieur de moi.
Le mot de la fin pour toutes les relations compliquées avec l’alimentation
- Il s’agissait de développer une réelle finesse dans cette écoute des sensations. Je vois que nous arrivons à la fin de notre entretien autour de ton histoire et du rôle de l’alimentation émotionnelle dans ta vie et dans ton rapport à l’alimentation. Je pense que nous aurions encore tellement de choses à partager… Mais j’ai envie de t’inviter, Hortense, à transmettre un message. Qu’est-ce qui te vient à l’esprit, comme message le plus important pour toi, pour les personnes qui nous écoutent, un mot pour conclure ou pour résumer ?
- Ce qui me vient, c’est que notre corps est extraordinaire. Ce n’est pas notre ennemi, c’est un allié. Moi je l’ai traité pendant des années comme un ennemi et je me rends compte maintenant que nous pouvons communiquer. C’est comme s’il avait toujours été là à m’attendre, à attendre que je sois prête à l’écouter, à m’en occuper. Je n’ai pas forcément, aujourd’hui, l’enveloppe corporelle que j’aimerais avoir définitivement. Je ne suis pas arrivée au bout de chemin. Mais, d’être tournée vers la gratitude pour ce corps qui me permet de réaliser plein de choses, plutôt que de me taper dessus et de me restreindre, de me frustrer, de me faire du mal, ça fait un bien fou. J’aimerais transmettre le fait que ça commence par l’amour de soi. Notre corps, c’est notre maison. Nous avons le cops que nous avons et nous l’aurons toute la vie. Il y a tellement à gagner à apprendre à l’écouter, à apprendre à l’aimer… Ce serait ça, le message que j’aurai envie de transmettre.
- Je trouve ça merveilleux, la façon dont tu dis : « Mon corps m’a attendue ». J’entends toute la bienveillance que tu as pour lui, aujourd’hui, quand tu dis ça. Je trouve ça très émouvant. Ça me touche beaucoup, de t’entendre dire que « il était là, il s’est plié, entre guillemets, à se ce que je lui ai fait endurer ». Je pense que tu seras d’accord avec moi pour exprimer les choses comme ça ? Je retrouve ce message-là auprès de beaucoup d’entre vous, cette idée qu’il a enduré et qu’aujourd’hui, c’est un compagnon de route, précieux et qu’on a envie de préserver. Je cherche un peu mes mots, pour dire à quel point je trouve ça touchant, de dire que ton corps t’a attendue.
- Dans le fait qu’il soit capable de fabriquer un bébé, en ce moment, je reconnais particulièrement sa puissance. C’est ça, c’est de la puissance en fait. Il est puissant, il est puissant mon corps.
- C’est vrai, quelle incroyable chose il est en train de faire ! Je te remercie beaucoup Hortense, pour la sincérité de ton partage et pour toutes ces choses précieuses que tu nous as transmises lors de cet entretien que nous venons d’avoir. Je te souhaite une très belle fin de grossesse, et d’accueillir ton bébé merveilleusement bien, le mieux possible.
- Merci beaucoup Anne, merci à toi de m’avoir permis d’avoir cet espace pour m’exprimer. C’est un beau cadeau !
Merci d’avoir lu cet article jusqu’au bout et merci à Hortense d’avoir partagé avec nous son cheminement si inspirant autour de l’alimentation émotionnelle. Comme vous devez vous en douter, son fils Darius est né depuis l’enregistrement de ce témoignage et ils vont bien tous les deux ! Vous pouvez retrouver Hortense sur son compte Instagram. 😊 N’hésitez pas à venir échanger avec nous l’histoire de votre relation compliquée avec la nourriture ou à me poser des questions autour de la pleine conscience et de mes accompagnements. Vous pouvez me contacter via mon site internet ou mon compte Instagram : je prends toujours le temps de vous répondre, et avec un réel plaisir !